24 mars 2007

Le temps des hanami

Le printemps gagne du terrain, tache les cerisiers de rose et de blanc.Taches timides et prometteuses...

Pendant que du Mazandaran a l'Arachosie en passant par la Bactriane, on est repu des festins du Naw ruz, sur l'archipel on contient sa joie, mais deja les coeurs gonflent a mesure que les bourgeons prennent leur essor.

Le sakura est plus qu'un symbole, c'est une dimension.Une bouffee d'air dans la grisaille geometrique des Nippons.A lui tout seul la fleur de cet arbre va arreter des entreprises, distribuer des vacances, susciter des millions de photos ...et jeter beaucoup de gens saouls hors des parcs.Saouls de beaute, saouls de sake aussi.

Le hanami(花見) ...un passe-temps irresistible, un art.Traduisez par "contemplation des fleurs de cerisiers" mais comprennez:"boire sous les cerisiers".

L'idee du Japonais accordant a chaque petale un quart d'heure de beatitude est un cliche!En verite, personne ne passe plus que dix minutes a regarder les fleurs, trop impatient de boire de l'alcool entre amis (ou en famille!) sous une pluie pastel.Un stereotype de plus qui tombe ...c'est la saison!


Bientot un mois de Japon, bientot le 31mars!Je m'accorde quelques "vacances" pendant les deux semaines suivant mon anniversaire.
Je compte parcourir le Kansai,i.e.la region d'Osaka,Kyoto,Nara... mais aussi le Kyushu et peut-etre pousser jusqu'a Yakushima,une peite ile du Sud du Japon tres particuliere.
De l'archipel,je n'ai vu-outre Tokyo- que Osaka(mais seulement son port et son metro!) et Yamaguchi(l'Arima onsen et de delicieux nabe, dans l'Ouest du Kansai.Je me rejouis de voir du pays,de liberer a nouveau mes instincts nomades... le voyage quoi!Promis, je vous raconterai tout(et meme peut-etre en image!).

J'imagine deja le repos que sera de prendre conge,pour un temps, de la plus grande ville du monde, de cette ruche insaisisable, des dizaines de milliers de pietons qui deferlent quotidiennement sur Hachiko sous les ecrans geants, les sollicitations sonores intempestives, les lumieres sur-abondantes des enseignes... J'ai ici des projets, des objectifs, j'ai retrouve des amis mais je ne peux pas attendre davantage avant de re-bourlinguer un peu... ne serait-ce que pour mieux me fixer ensuite.Des mon retour a Tokyo j'enseignerai l'anglais dans une ecole(a vrai dire j'ai deja commence), demenagerai, m'acheterai un velo, nagerai plus souvent, et a defaut d'hanami, on fera des izakaya!

Mata ne
きおつけて!
Adrien

9 mars 2007

Alunissage sur la terre nippone






"Meme si l'abris de ta nuit est peu sur
et ton but encore lointain
sache qu'il n'existe pas
de chemin sans terme
Ne sois pas triste" Hafez


Bonjour!

voila deja une semaine,mine de rien, que je suis au Japon!je ne blague pas:Le premier mars,au cinq cent cinquantieme jour de voyage,j'ai touche la terre nippone... Une semaine avant,j'etais encore au Tibet!

Litang-Osaka en neuf jours, pas facile en plein nouvel an chinois!A defaut de bus,on prend des camions...Va pour quelques centaines de kilometres,pas pour des milliers.Heureusement il y a le train. ...En theorie.En realite,tous les billets etaient vendus jusqu'en mars!J'ai failli prendre un ticket debout pour Chengdu-Shanghai, mais 37 heures presque sans dormir,avec des Chinois bruyants et sans egards,crachants partout et fumants en permanence,c'est vraiment inhumain.Finalement j'ai trouve la solution:Un des trois derniers tickets en soft sleeper(couchette dans cabine a 4)pour un train Chengdu-Hanghzhou(ville de la cote un peu au Sud de Shanghai).

Nous n'etions pas 4 mais 6 dans la cabine:deux 'passagers clandestins',des enfants pour qui les parents n'avaient pas de tickets.Je me fis assez vite au cris intempestifs, mais pas a l'elevation de la temperature de la cabine tandis que dehors elle sauta a 25 celsius,dans les basses plaines du Chongqing.Le train fit un detour de presque deux mille kilometres par la province du Guizhou,plus au Sud et pourtant plus fraiche.On arriva a Hangzhou apres 49 heures.

Trois jours plus tard j'embarquai dans un ferry pour le Japon.Quarante-huit heures sur une mer tres agite... mais avec onsen(bain japonais) a bord!Dans l'eau,on a moins le mal de mer!


La temperature de tous les pasagers fut prise avant et apres l'embarquement(SRAS!), et a la douane japonaise, legerement effrayes par tous mes visas, mes bagages ont ete fouille de fond en comble.J'ai ete presque etonne de passer malgre quelques semis de coniferes rares ramenes du Tibet, ma pate de prune d'Iran(qui ressemble furieusement a une plaque d'opium...j'en ai mange sous les yeux du douanier pour balayer ses soupcons) et mon tsampa,la farine de froment tibetain.Sur le haut-plateau j'avais achete un kilo de cette poudre et la melangeais chaque matin a du the au beurre rance pour faire une mixture etouffe-chretien (appelee pa') tres nourrissante pour peu que l'estomac la digere!J'en avais encore une certaine quantite au moment d'entrer au Japon.

Toucher la terre nippone ne m'a pas emu au point de me tirer des larmes comme l'arrivee a Samarcande et l'arrivee a Lhassa.Plutot,j'avais un sentiment de sereine satisfaction mais aussi que beaucoup etait a faire.

"Le Japon est une societe fermee" m'avait dit un voyageur japonais lorsque je lui parlais de trouver un travail la-bas.Je lui avais replique que je venais moi aussi d'une societe fermee.Je reconnais maintenant qu'il n'y a pas de commune mesure.Les Japonais ont en prime cette fierte nationale toute asiatique et le gaijin(etranger,mais le meme mot signifie aussi "faiseur d'ennuis"!) n'est pas toujours vu avec bienveillance.


Ainsi,j'ai bien emmenage dans ma petite guesthouse(surpeuplee de jeunes Japonais(es) etudiant ou travaillant au centre de Tokyo)mais je suis encore en train de lutter pour trouver du travail.Pour enseigner le francais ou l'anglais(mon idee de depart), la concurrence est feroce et je suis nettement desavantage par le fait que je n'ai pas de visa de travail(etonnament difficile a obtenir pour les Suisses!!!Faute d'accord entre les deux pays)et que je compte etre a Tokyo pour moins d'un an.Mais si j'ai appris quelque chose pendant ces longs mois a taper la route, c'est la tenacite.Je suis determine et considere ces nouvelles difficultes comme une lecon utile et un defi.

Ici commence une autre phase du voyage.Apres dix-neuf mois de nomadisme(je suis rarement reste plus d'une semaine au meme endroit), je me pose enfin.Je suis arrive a l'extremite de l'Eurasie; il n'y aura pas davantage d'Est.

a+
Adrien