23 février 2006

El desierto...


"[...]de fuir dans un desert
L approche des humains." Alceste


Pourtant,je ne fuis pas,et encore moins les humains.

Je suis a Kerman.Depuis le Sud(Bandar),je suis monte a Yazd et y ai passe quelques jours avant d arriver ici.

Je ne suis donc plus tres loin du Pakistan.D ici la, la distance n est pas enorme de meme que les haltes possibles.En effet ici commence le desert du Lout,qui en ete peut atteindre 68 degres parait-il.Il y a Bam,a mi-chemin entre Kerman et la frontiere, mais quand je vois les photos avant/apres (le tremblement de terre de decembre 2003),c est tellement deprimant que je ne suis pas sur d y aller.Il y a quelques endroits sympas autour de Kerman,ville qui ne presente pas un tres grand interet,et qui plus est porte du Balouchistan,region d intense traffic d opium,mais pas plus risquee que ca outre mesure,a part d episodiques enlevements.
Mais alors pourquoi suis-je encore la? Eh bien...c est que si j arrive a glander encore un peu,je pourrai peut-etre attraper le train Zahedan(Iran)-Quetta(Pakistan).Il passe deux fois par mois,et le prochain tombe le 2 mars...s il n a pas de retard.Bien sur il y a des bus reguliers qui traverse cette etendue desertique.Mais ce train a l air genial..il prend de un a trois jours,suivant le nombre de fois ou il faut deblayer la voie recouverte par une dune.On ne sait pas quand on arrive,et on doit vraiment etre hors du temps et de l espace...
Enfin voila je reve de ce train,mais malgre tout,ca sera dur de tenir dans ce coin d Iran jusque la,il n y a pas grand chose a faire,et meme pas grand chose tout court...on verra(reponse au prochain post je pense).
Vous avez remarque que le seul luxe que je me permet c est la lenteur - on ne mesure pas la valeur de ce luxe-la.Qui,quel qu'il soit,arrive encore a se l offrir??Le vrai luxe ca n est pas l espace,suis-je tente de dire,le vrai luxe c est de prendre son temps! Mais il y a une differnce entre prendre son temps et faire expres d en perdre.J en fais l experience actuellement.

J ai trouve une bonne excuse,aujourd'hui,pour ne pas faire grand-chose:il pleut.Non,il neige meme!!!Assez incroyable...mais c est vrai que nous sommes a plus de 1700 metres d altitude.
La majeure partie de l Iran est tres montagneuse,et aussi semi-desertique qu ici.Je ne vois pas de tres grands changements entre le "desert"des environs de Kerman et la plupart des paysages traverses dans ce pays,mis a part que le sable se substitue a la roche ca et la.Mais patience,le Lut est bien un desert,et je n y suis pas encore entre.
Il n empeche,le sud(Bandar etc) et le sud-est(ici) sont plus chauds que le reste.L architecture(celle des parties anciennes des villes surtout) s en ressent.A Bandar,j ai commence a voir des badgir, des tours qui captent la moindre brise et la conduis a l interieur de la maison.Simplissime,mais tres ingenieux!Et fichtrement efficace.Ils sont encore utilises aujourd'hui.En revanche,les ab anbar et yakh anbar sont souvent laisses en ruine.Ce sont d enormes reservoir a eau ou a glace,coiffes d un large dome de terre cuite,qui conserve le contenu a des temperatures eventuellement sous zero,tout au long de l annee.Autre geniale invention,plus presente au Sud-Est qu au Sud, les qanat, des caneaux souterrains qui apportent l eau d oasis ou sources sur des kilometres,jusqu aux villes.

Yazd est une ville magnifique.Et elle devait etre encore plus etonnante il y a cinquante ans,bien avant l arrivee du tourisme.Car c est une des villes les plus touristiques d Iran,et meme lorsqu il n y a pas de touristes,il y a les infrastructures,il y a les prix gonfles,et les "My friend,my friend" des marchands de tapis et autres arnaqueurs(quoique que ceux-ci n ait aucune commune mesure avec la Turquie ou meme Ispahan,tant pour leur nombre que leur insistance:ici il comprennent "non" commme une reponse).Mais elle a un charme que meme le tourisme n a pas encore trop entame.

La vieille ville,qui est relativement etendue,est un labyrinthe de mur de torchis,surmonte d une foret de badgir et de toits plats semes de douces coupoles.Le tout dans les tons de terre,puisque ne sont utilises que la boue,des briques de terre cuite,du torchis et du bois.Des segments de troncs de palmier servent parfois a consolider l interieur des murs.A la mort du jour les batiments vibrent d une belle lumiere apocalyptique.
Dissemines dans la vieille ville,des maisons de l epoque Qajar,des remparts de boue sechee,et quelques batiments qui arborent le superbe bleu perse,dont la mosquee du vendredi et le fameux Amir Chaqmaq.(Ce serait evidemment bien mieux si je pouvais vous montrer mes photos mais elles dorment dans leurs films, et je ne sais quand elles seront devellopees,d autant plus que j ai utilise des films diapositive cette fois,meilleurs pour la couleur mais pas possible a developper ici)

Le bazar est petit compare a celui de Tabriz,Teheran,Ispahan ou Shiraz,mais on y trouve les meilleures shirini(sucreries) du pays,rien a voir avec les ecoeurantes patisseries arabes.

C est un plaisir a chaque fois renouvele que de se perdre entre les murs de terre,sur les chemins de terre,sous un bienveillant soleil(malheureusement souvent voile lorsque j y etais)qui chauffe la terre.
Un jour,j ai frappe a une grosse porte en bois brut patinee par les ans(du genre que t adores,papa),parce que je trouvais la maison prometteuse,avec de hauts badgirs d ou depasse comme toujours les perches d orme ou de chene qui les structurent.Et c est ainsi que j ai rencontre un des plus brillants joueurs de tar d Iran.Malgre son jeune age il jouait mais aussi chantait et meme construisait tars,sitars et sazs kurdes.La demeure qu il louait,partiellement occupee par son atelier,partiellement inhabitee voire en ruine,etait une grande maison Qajar a cour interieure et de nombreuses pieces annexes,pleines d astuces pour garder des temperatures vivables en toute saison.

C est ca,Yazd.Pas si grande mais au possibilites infinies.

Beaucoup,beaucoup de hijab(tchador noir complet):c est une ville assez conservatrice.Mais en ce sens tres comparable a Konya:l universite,renommee,donne a la ville une forte population jeune,qui elle est tres ouverte.Un paradoxe interessant,tant qu il n entre pas en conflit... Je me souviens que losque je suis arrive la-bas,de nuit,tandis que je marchais vers une mosaferkhune(guesthouse) avec mon sac sur le dos,un groupe de jeunes filles pouffait a mon passage,et l une me lanca meme un "hey baby I love you!".C etait touchant et amusant.Fait interessant,elles sortaient de la mosquee!!!Je me suis dit alors que cette ville etait moins provinciale que je n imaginais...c etait a moitie vrai.

Yazd,j ai failli y rester.Au sens litteral d abord,au sens figure ensuite.
Au sens litteral parce que j avais trouve un hotel parfait,tres agreable et pour un prix derisoir(2,50euros la nuit).Superbement restauree,cette ancienne maison traditionnelle avait l avantage d une cour interieure calme et temperee,ou je m offrais de vrais petit-dejeuners.Et plus encore,parce j avais rencontre la-bas une fille qui s annoncait etre une perle(Je suis desole de revenir la-dessus,il n y a pas que ca bien sur,mais pour un homme qui voyage en Iran,c est impossible d occulter le sujet).Pour simplifier,cette etudiante en medecine qui portait un nom de fleur perse semblait avoir toutes les qualites d une Iranienne,plus celles que les Iraniennes n ont pas.En la voyant marcher a cote de moi,je lui ai demande ma direction a elle plutot qu a tel ou tel barbu.Et ainsi de suite,laisser l alchimie se faire-ou ne pas se faire-,la laisser donner un tour agreable et naturel,sans trop penser au lendemain...
J etais conforte dans l idee que cela n etait pas trop risque par le fait qu il y avait eu un precedent-a Shiraz-,une fille rencontree au mausolee de Hafez(comme c est romantiiiique!),que j embrassai le jour suivant dans un parc.Ce qui aurait pu me valoir pas mal de coups de fouet,je crois.J avais surtout remarque a quel point c etait exceptionnel-imaginez-vous que la plupart des filles ici n ont jamais donne la main a un autre homme que leur pere,leur oncle,leur frere ou leur mari.C est tout!-.Du coup,et c est un peu decourageant,il faut tout leur apprendre...depuis le point zero.(jusqu au point G?pas vraiment.)
Cette fois-ci,j avais plus de temps,et nous commencions a construire quelque chose de grand.Le courant passait vraiment,et ca se voyait a son regard et a sa voix assuree et honnete qu elle n etait pas trop du genre timoree.Calmement,nous construisions quelque chose de bien plus puissant que l amusement de Shiraz.Ca l etait deja sans plaisir charnel,dans les regards,la discussion,la serenite partagee.
Le lendemain de l avoir rencontre,elle me retrouva dans la cour de ma pension.Je pensais l endroit sur... Nous discutions calmement,sans arrieres-pensees(ou presque),en sirotant du the,depuis une petite heure,lorsque je sentis que deux ombres sinistres nous avaient reperees.Elles s eloignerent,puis revinrent et l un des deux barbu fit un signe que je ne vis meme pas,mais que Elle vit,et elle s excusa aupres de moi,incredule et pantelant,craignant d avoir ete pris sur le fait(mais sur le fait de quoi,au juste?!?!)par des pasdarans,les terribles "gardiens de la revolution".Je les entendit(et compris partiellement)la questionner,juste derriere le mur.Elle repondait d une voix lasse,presque exasperee,tandis que je me mordais les doigts.Je n ai pas intervenu,estimant que cela valait mieux pour elle autant que pour moi.Ils l ont laisse partir,et elhamdulillah sans punition.Elle prit quand meme le temps de revenir me dire au revoir et alors que j essayais confusement de m excuser,elle me dit juste:"C est l Iran..."

J appris plus tard du patron de l hotel,que je soupconnais etre un delateur(mais il n en etait rien,j en eu la preuve plus tard),qui s excusa,que c etait la "polis-e-turist"(j ai pas besoin de traduire,la?),et qu il venaient inspecter les hotels...chaque heure!!!J appris egalement que legalement,seuls les Iraniens pourvu d une carte de guide touristique de la republique islamique,peuvent parler a des etrangers...en theorie donc un chauffeur de taxi ou un marchand de bazaar n ont pas le droit de ma parler!Aberrant.

Je me consolai en me disant que j avais peut-etre echappe au marriage.

Le jour suivant je fis une escapade a Abarqu,un village au Sud de Yazd,dans le desert eponyme.Les habitants,"un peuple fier"dirait-on,semblaient habitues aux vent opaque qui faisait des tourbillons de sable sur les chemins.
C etait un vendredi,conge donc,et les superbes maisons tricentennaires aux badgirs geants et etages,etaient fermees au visiteurs potentiels.Pas decourage,je grimpai sur le toit d un batiment mi-en construction,mi-en ruine(c est solide),sachant bien que les toits sont plats,presque tous a la meme hauteur,et contigus.Quel delice que de voir le hameau d en-haut,et de choisir les meilleures angles pour fixer sur pellicule ces badgirs celestes!Je naviguai sur les toits alentours en prenant soin d eviter scrupuleusement d approcher des maisons habitees,puisque je pourrais m attirer l ire des habitants qui ont souvent une cour interieure a ciel ouvert.
Et pourtant, ca ne suffit pas,je l appris plus tard de facon cuisante.Dans le lointain,un vieux sur un chemin me vit.Je le vis,ne me cachai pas.

Vingt bonnes minutes plus tard,me voila en train de considerer un cypres millenaire et de lui tirer le portrait,lorsqu un type mal rase,pas bien gros,m aborde l air de rien.Je reponds a ses questions autant que mon farsi me le permet,sans m interrompre dans ma contemplation.Il m invite chez lui,mais ta'arof oblige(je vous expliquerai une autre fois ce que c est),je refuse poliment...et de toute facon je n ai pas beaucoup de temps,il me faut aussi retourner a Yazd qui n est pas tout pres.Le type sans va,je reste avec l arbre.Je suis encore la lorsqu il revient avec deux acolytes sur une mobylette.Il me retrouve,et cette fois-ci se fait plus insistant.Je flaire du roussi.Il abandonne encore,et je pense a me mettre en route.Mais le voila qui soudain me prend par la nuque,"bia!"(viens).Je me degage,range mon appareil,et tente de comprendre.Mais je ne trouve pas de logique.Je lui demande,puis lui crie pour attirer l attention d autres gens,"Tchi mikhai?!"(qu est ce que vous voulez),mais il me regarde juste avec un air de boeuf enerve.Il n y a presque personne alentour,sauf une famille qui picnique.Je choisis la fuite,le 36 eme stratageme et le plus sage,mais elle n est pas aisee:je suis loin de tout,et il aura tot fait de me rattraper.Je cours vers la famille,mais au lieu de s interposer,le pere me dit sechement de m en aller.Il s est bien leve et a esquisse un geste,mais s est ravise.Le dingue lui a juste dit quelques mots,alors que je criais,en anglais cette fois pour etre plus credible,que j etais touriste, et qui etait ce mec?J ai compris deux mots,"mardum",et"aks",respectivement,Les gens et photo,qui m ont mis sur la voie.Le vieux d avant a peut-etre prevenu ce type,lui disant que quelqu un prenait des photos sur les toits,et cet autre est venu jusque-la pour me retrouver et accomplir sa vengeance d un acte que je n ai pas commis,comme prendre en photo sa femme ou sa fille.
Je fuis vers le ville,je prends mes jambes a mon cou,mais les salopards me coincent avec leur motos,et il tente de me filer des coups.Ce type veut ma peau! Ils sont moins agiles avec leur engins,et l issu reste totalement incertaine.Je continue de crier,tandis que ce ne sont plus une mais quattre mobylettes qui zigzaguent pres de moi.
Soudain je m apercois que deux d entre elles n ont rien a voir avec le dingue,ce sont des jeunes qui viennent juste voir la distraction de plus pres,et ils n ont pas l air de saisir grand-chose.L un me dit de sauter sur sa becane, et nous fuions,"kodja miri?"-"vers les [taxis collectifs] pour Yazd".
Je m en sort indemne,presque sans bleus,mais choque.Le roofclimbing c est un sport dangereux par ici.Je retiendrai la lecon.

Devenu quelque peu malsaine pour moi,bien que toujours accueillante,je quitte Yazd dans les jours suivant.J en garderai malgre tout de tres bons souvenirs.
Je crois que je suis reste cinq jours la-bas.J ai aussi fait un jour un escapade vers Chak-chak,le lieu sacre des Zoroastriens,les pratiquants de la religion monotheiste de l empire perse,il y a 9 siecles.Pour cela on traverse le vrai desert,avant d arriver a un temple niche dans le creux du montagne qui se dresse comme un champignon solitaire et au pied de laquelle goutte une source sacree qui fait "chak""chak" et nourrit un platane solitaire.Sur la route des arrets s impose au village de Kharanaq,une sorte de Hassankeyf iranien,et Meybod/Ardakan ou je goute aux delicieux kebabs de dromadaire.
De grandes portions de la route sont en plein desert de sable,qui bouche la vue lorsqu'il occupe l air.Ca aussi c est le desert,le vrai... Un petit frere du Lout a qui je vais bientot dire bonjour....

A bientot et bonne vacances pour les universitaires!!

Bisous
Adrien

18 février 2006

La croisee des peuples

Ciao!

Il y a 10 jours j arrivai a Bandar Abbas,Pres du detroit d Ormuz.Passe quelques jours dans cet etonnant Sud iranien,avant de remonter jusqu au desert a Yazd,ou je me trouve depuis le 13 fevrier.
C est a Bandar que j ai vu les lamentations de l Ashura,la commemoration de l assasinat de l Imam Hossein par les Sunnites a Kerbala(actuel Iraq)il y a 14 siecles environ.Nous sommes actuellement dans le mois de Moharram du calendrier iranien,c est a dire le deuil de Hossein,extremement important pour les Shi'ites.
Cela faisait deja une dizaine de jours que chaque soir des groupes de penitents defilaient dans la rue.Un chanteur scande des lamentations entrecoupees de "Ya Hossein!!!" dechirants,relaye par de gros hauts parleurs montes sur roulettes,devant et derriere lui.Deux groupes de penitents:les premiers,plutot en queue de file,se frappent la poitrine avec affliction.Les seconds,devant et derriere le chanteur,se flagellent avec un martinet.Le tout en rythme bien sur,et pour cela de gros tambours et des cymbales sont disposes dans le cortege.Les mouvements sont parfaitement syncronises.
La premiere fois que je les vis,a Shiraz,je fus vraiment impressionne.La moitie des penitents avaient moins de dix ans,aux plus petits on avait donne des fouets termines par deux ou trois chaines de metal seulement.Ils le maniaient avec la meme maladroitesse que leurs jambes avec lesquelles ils venaient d apprendre a marcher.C etait aussi emouvant qu ambigu:ils y allaient avec un tel enthousiasme qu on ne savait plus trop s il fallait les plaindre ou partager leur insouciance.
A mesure que l Ashura approchait la proportion d enfants diminuait et les coups de fouet se faisaient plus violents.Beaucoup de penitents se flagellaient ainsi quattre fois par jours,trois fois a la mosquee puis dans ces defiles nocturnes.Les drapeaux,les etendards et les installations de bois ou metal s y faisaient de plus en plus lourds et imposants.Les plus aguerris des participants portaient a la fin de la procession un immense etendard de metal,six metres de large sur deux metres de haut environ,decore de plumes et de fanions.Il le font tourner au milieu de la foule electrisee qui a tendance a s approcher un peu trop pres mais qui sait toujours se baisser a temps.
A Bandar,ville partiellement sunnite,la tension etait palpable.La veille d Ashura,a quelques metres de ma fenetre,le "fou d Hossein" maitre de ceremonie criait plus qu il ne chantait une litanie poussive et menacante.L air se crispait.
Mais le lendemain,toute cette pression se dechargea plus dans les auto-flagellations que dans des hypothetiques accrochages.Sous la chaleur du soleil de midi(jusqu a 30 degres environ!!!!),une foule impenetrable s amassait autour des gigantesques corteges,composes pour l occasion d autant de femmes que d hommes,plus des dromadaires,des faux lions(symbole d Ali) qui aspergaient de sciure des hommes deguises en mechants soldats de l epoque.Et les chanteurs -pleureurs a plein volume.Ca faisait un peu Lake Parade ambiance...en moins drole quand meme!
Le clou de l Ashura c est... le repas gratuit.Rien de tres religieu dans tout ca, sauf qu il est "offert" par le clerge(avec les sous des gens...).C est l apotheose:Apres le Khoresht(plat aux lentilles) gratuit,on se pieute et personne qui ne range les fouets,aucun muezzin ne donne de la voix,a Bandar comme dans tous les Sud la sieste c est sacre.
Le soir,certains jusqu'au-boutistes vont refaire leur manege macabre dans la rue ou a la mosquee.Ils y vont carrement,se frappent a toute force, les yeux dans le vague ou revulses.

Mais alors...sont-ils fous ces Persans?Ou sont-ils, finalement,tous des fondamentalistes?
Je ne crois pas.La vrai raison d une telle passion,c est que les Iraniens vivent dans leur passe! Ils pleurent mieux les morts que les vivants,et surtout apres quelques siecles. C est un trait essentiel de l identite iranienne que cette nostalgie de ce qui est fini,de voir le present comme une ruine d un passe toujours regrette.Cela emousse jusqu a l ambition,decourage les projets,erode l envie.Et donne aux Persans cette constante lassitude d un vieillard de cinq mille ans qui n attends plus rien,meme pas la fin.
Pour les iranniens,leur histoire est pire qu une decadence,c est une agonie...
M'enfin l'pays reste sympathique!


Bandar Abbas.
Une ville d ombres bleues,de l impermanence et du flou.

Je retrouvai la des connaissances plus vues depuis bien longtemps:La chaleur,tout d abords,ce soleil qui tape dur.J en avais presque oublie jusqu a la sensation de lourdeur dont on ne trouve pas meilleure excuse pour s affaler sur un matelas et cuver la fatigue et les cahots de la veille.
Puis,moins agreable,la transpiration et les moustiques.Eh oui,ca va avec.
Mais le meilleur,c est la mer.Ah!La mer!!!!"Darya!"C est tellement beau.Meme avec ces trainees de gasoil ou cette mousse beige(Bandar est avant tout un port,comme son nom l indique en farsi),elle reste majestueuse.

Comme une grosse baleine rouge,un rafiot echoue contre la jetee montre le flanc,couvert de crustaces.Il n est pas le seul.Les carcasses rouillees bornent la digue,sans empecher les petites navettes des iles Q'eshm,Kish,ou de Dubai de se faufiler pour accoster.

Des crabes plus gros que la mains sortent des rochers moussus, ainsi que la queue d un petit iguane.

La plage crepite.C est la vase en putrefaction.Ou des bestioles?

Et l eau.L eau moiree,verdratre.L eau trouble.


Bandar Abbas est une vile de diversite aussi:le Sud iranien c est un peu la croisee des peuples.

Iraniens de la mer("bandari"),Arabes du golfe persique,Africains de la corne,Indiens,...melanges insolites qui vous tombent dessus au detour d une rue poussiereuse.
Des femmes au visage taille a la serpe ou bien des nez crochus et regard torve,de gros Emirs tout en blanc,des boucles et des barbus,des tanes,des callottes,des enturbannes...Des visages couleur bronze,couleur terre.

Et il y a les masques.Les masques! Ils appellent ca Burq'a ici mais rien a voir avec ce qu on trouve en Afghanistan:ici c est juste un morceau de tissu ou de metal qui cache le visage des femmes.On en voit peu a Bandar,plus dans les petits villages et surtout a Minab.
A l Est de Bandar,Minab notamment, c est un morceau rectangulaire de feutre ou de tissu cartonne pourvu de deux fentes horizontales pour les yeux.Alors qu a l Ouest c est en metal et sombre,un croisement entre Dark Vador et le carnaval de Venise.
L habillement aussi differe des autres endroits du pays.On voit moins de tchadors,mais des sortes de saris pastels,un peu transparent.Un morceau d Inde?

Apres deux jours a Bandar(dont l Ashura),je parti a L ouest a Bandar Lengeh-Bandar Kong.Une ville totalement lethargique.Et en plus... c etait les vacances.
Revenu a Bandar Abbas,quattre heure de bus sur une route qui veut juste rien dire(le trace est absurde,en plein marecage parfois,et le relief inexplique avec des sortes de montagnes russes malgre la platitude du paysage-faut l'faire!-),mais tres belle:Acacias africains inclines,montagnes nues ecorchees par l erosion,et soudain un bleu si parfait,la mer de nouveau,mais hors des ports cette fois.
Puis,Minab et son bazaar bigarre, ses masques omnipresents...et les meilleures glaces du pays.

Bref,ce Sud est simplement hors-norme.C est un endroit ou il n y a rien a visiter.Il ne faut pas y aller en etant presse,sinon on ne voit rien de ce que je vous ai decrit,mais juste des batiment sans charme et un port pollue.Il ne faut rien attendre du Sud iranien,sinon on n a rien.Je n aurais surement pas apprecie si j y etais alle au debut de ce voyage,mais j ai appris petit a petit a aimer ces endroits ou l imprevu est roi.

Bisous a tous.Tout de bon!
A+

Goli
(J ai appris que ca signifie "fleur" en farsi.Ca fait un peu puceau,non? Bon c est deja mieux qu en serbo-croate ou ca veut dire "nu" et qu en japonais ou ca veut dire "gorille"!!)

3 février 2006

Peripeties persannes










Salaam!

Je devine votre joie teintee d un soupcon de surprise en decouvrant ce nouveau post…j avoue que ca fait un un temps certain que je n ai plus donne de mes nouvelles via ce blog!
Si vous etes venu tous les jours pendant deux semaines pour trouver un signe de vie de ma part,en vain,j en suis desole.Et si vous n etes pas venu tous les jours…euh..honte a vous!

C est qu il m est arrive quelques peripeties ces derniers temps…
Mais d abord, vous dire que je suis toujours en Iran,a Shiraz plus precisement,que cela fait un mois que je suis dans ce pays(mais ne vous en faites pas,j ai prolonge d un mois mon visa!He!He!)et plus de six mois que je suis parti de Geneve.
Qu il y a une semaine ma sante etait assiegee par une bronchite attrapee dans les monts Zagros, de la fievre et une infection au pied.Que je me suis retabli, bien qu encore legerement convalescent,et que je suis impatient de reprendre la route.

Je vais reprendre le fil du recit a Teheran.Cette megapole de 14 millions d habitants m a ravit-j ai ete decu en bien comme disent les Vaudois-.Je crois qu elle a definitivement gagne sa place au classement des villes que j ai le plus apprecie du voyage,tutoyant les meilleures:Sarajevo et Istanbul.C est une ville cosmopolite,jeune,et indomptable.
Si l on n adapte pas un minimum ses habitudes,il y a rejet de greffe:elle a ses particularites ,voire ses contraintes auquelles il faut se soumettre.
La plus flagrante,c est le traffic:il rivalise avec celui du sous-continent ou du Caire,sauf qu ici il n y a pas de vache sacree ou d anes.Juste une anarchie de Paykan(c est la voiture Iranniene,un ersatz de Peugeot, comme la Tofas est la voiture turque et la Zastava la voiture serbe,qui elles sont des brevets de Fiat),et des passages pietons a peu pres inexistants.Pour traverser,une seule solution:se lancer,tete baissee!!!La cle,c est de comprendre que n importe quelle voiture s arretera,meme si elle fonce ,devant un pieton determine.L hesitation est le vrai danger.Le meilleur truc est encore de ne pas regarder,de marcher tel un somnambule.Il est probable que vous ne vous ferez pas shooter,et que vous n entendrez meme pas de klaxon.Mais n importe quel type un peu psychorigide peterait les plombs dans ce chaos.
Le traffic phenomenal induit une autre adaptation:La regle absolue dans Teheran,c est qu on ne peut faire qu une chose dans la journee.Par exemple,vous avez prevu d aller a la banque,a la poste,de passer au supermarche et d aller dire bonjour a un ami.Si la poste est tres proche de la banque,vous avez peut-etre une chance d y passer aussi,mais ca risque de se limiter a la banque.Tout simplement parce que vous mettrez une bonne partie de la journee pour vous y rendre,et une autre bonne partie pour y revenir,et qu il faut aussi compter le temps sur place… De toute facon vous aviez oublie que c est vendredi,et vendredi c est le dimanche des musulmans,c est a dire que tout est ferme!Na!Et n essayez meme pas d aller saluer votre pote,depuis la ou vous etes vous metteriez la moitie de la journee pour y arriver.

Juste pour vous donner une idée de quoi ressemble Tehran,imaginez Athenes en trois fois plus etendu.Au Nord,la ville s attaque au flanc de la montagne.C est la chaine de l Alborz,qui coupe la ville de la mer Caspienne.Plus on va vers le Nord de la ville,plus les quartiers sont huppes.Et au le Sud,vers le desert,ce sont les quartiers populaires,traditionnalistes,les tetes brulees,ceux qui ont fait la revolution,le veritable Coeur de l Iran.La, foisonnent les gigantesques peintures murales qui representent avec un realisme saisissant les martyrs de la revolution ou de la guerre(la guerre Iran-Iraq,1980-1988,500’000 morts iraniens,tous devenu martyrs),moustache juvenile et barbe naissante,le regard parfois legerement empreint de peur,armes et prêt a partir au combat,des portraits de plusieurs metres de haut, sur les facades des maisons qu ils ont generalement habite.On les appelle basidjis(volontaires),et ils avaient rarement plus de quinze ans lorsqu ils partaient se faire tuer au front.

Avec Khatami,le president elu en 1997,predecesseur d Ahmadinejad (vous savez,celui qui vous dit bonjour au moins chaque semaine au telejournal),une certaine tolerance s etait installee,ce que les Iranien-ne-s,surtout la jeune generation,se rejouit alors d exploiter jusqu a ses limites.
Dans la rue Fereshteh,dans le quartier d Elahieh,au Nord,precisement la ou j ai loge,naquit alors une nouvelle forme de drague.Puisque les boites de nuits n etaient toujours pas permises,loin de la,les jeunes transformerent leur proper voiture en disco.Bien sur cela suppose d avoir une voiture,et pas une Paykan!!
Le principe du disco mecanique,comme on l appelle ici,est le suivant:Dans une rue determinee,les jeunes se groupent dans des voitures(de preference tunees) et mettent la techno A FOND.Des voitures pleines de filles,Des voitures pleines de mecs,et tout le monde regarde la file qui vient en sens inverse en roulant a 10 a l heure,prêt a echanger quelques mots et peut etre des numeros de telephone.Au bout de la rue ou au bout d une certaine portion de rue,toutes les caisses arrivees jusque-la font demi-tour,motivees par l idée de recroiser telle ou telle jolie iranienne.
Bien entendu,cela paralyse le traffic sur toute la rue,et le jour ou le Disco mecanique a fait son apparition sur Vali-ye-asr,une des avenue les plus longues du monde,vingt kilometres bordes de hauts platanes d orient qui traverse Tehran du Nord au Sud,meme si les disco mecaniques ne sont jamais tres longs,ca n a pas aide a desengorger la rue!!
Depuis Ahmadinejad il est d ailleurs interdit de rouler avec de la musique a fort volume…Mais la jeunesse Tehrani est tenace,desormais les disco mecaniques se font simplement sans musique!!Cela reste impressionnant.

Ce ne sont seulement quelques aspects de la megapole,mais j arrête la avec Tehran,il y a trop a dire.

Apres mon sejour dans la capitale,je me suis rendu a Kashan,une petite ville celebre pour ses jardins persans elabores sous Shah Abbas 1er,avec ses jeux d eau omnipresents(en plein desert soit dit en passant)et son absence de gazon,particularite des jardins de Perse.Le bazaar de Kashan est etonnant,tout en longueur,autant que ses maisons tres anciennes d un style inedit.
Dans les montagnes au Sud de Kashan se trouve un village seculaire si ce n est millenaire, Abiyaneh.Dans une vallee etroite et couverte d un manteau blanc qui adoucit un peu la brutalite de la roche, se niche ce hameau serre de maison d un ocre unique,faites simplement de bois et de torchis, empruntant a la pierre et la terre du lieu la couleur rouge.Plus grand monde n y habite,a part quelques vieux un peu arnaqueurs,c est que mine de rien le coin est connu et passablement visite.

Apres Kashan et Abiyaneh, je continuai en toute logique mon chemin vers le Sud,atteignant Ispahan le18 janvier.
Esfahan…nesf’e djahann!Il y a quelques siecle,sa magnificience etait telle que s etait repandu cette maxime:Ispahan…la moitie du monde!!
Il est aise de deviner sa splendeur d alors, un grand nombre de ses monuments etant parfaitement bien conserves ou restaures:De l incontournable place de l Imam,ancient terrain de polo orne de trois des plus belles pieces architecturale d Iran:le palais d Ali ghapu,la mosquee de Sheikh Lotfollah et la mosquee de l Imam(symbole d Ispahan,avec sa porte demesuree et son grand dome,le tout minutieusement recouvert de ceramique d un bleu,mais d un Bleu!!!),aux ponts mythiques sur le fleuve Zayende qui descendant des Zagros,se perd dans le desert(ce qui a tant deprime Nic’Bouv’ et Thierry Vernet qu ils quitterent la ville comme des fuyards et en chialant…moi j ai adore les rives du Zayende Rud),en passant par l atmosphere inimitable des tchaikhane(teahouses) ou les Armeniens accueillants du quartier de Jolfa,..Ispahan est le genre de ville ou l on prevoit de rester deux jours et que l on quitte après cinq,regrettant de ne pas rester plus longtemps…Personellement je n ai meme pas vu l immense mosquee du vendredi,et j aurais bien passé plus de temps a flaner dans le genial bazar.Mais lorsque je quittai Esfahan,je n en menais pas large!Je revenais des montagnes du Lorestan,ou une petite excursion d un jour s etait allongee a trois du fait de chutes de neige inattendues,et qui m avait mine la sante par une bronchite.J etais febril,tremblais et ne savais plus si j avais froid ou chaud,et aurais bien cru pouvoir dire coucou au pere Alvaro(cf “Le poisson-scorpion”pour ceux qu auraient pas saisi).De plus,je trainais depuis Teheran un ongle incarne qui s etait infecte et violacait mon gros orteil.




La mosquee de l'Imam,Esfahan.




Voila comment est arrive cette aventure au Lorestan:A peine arrive a Ispahan,faisant connaissance avec l incontournable place de l imam,un marchand de tapis m aborda(rien d extraordinaire jusque la, ils y en a des pellees et tous plus escrocs les uns que les autres;vous sortant avec un sourire de vautour les memes « My friend ! » qu en Turquie).Il me proposa un Tchai(un the),ce que je ne refuse (normalement) jamais,puis,sans se prendre pour un guide, me fit quelques commentaires sur les beautees(architecturales,s entend) de la place.Il parlait un anglais assez correct et avait l air honnete, presque desinteresse.
Le lendemain,je vis une bonne partie des merveilles de la ville avec lui,ainsi qu avec un etudiant en journalisme danois de passage en Iran,rencontre dans la pension amir kabir,toujours pleine de voyageurs-aventuriers(super pour avoir les dernieres news des conditions de voyage au Pakistan,en Inde,ou au-dela).
Iraj(c est le nom du vendeur de tapis),petit,un peu malingre,la cinquantaine,au rire innimitable, est descendant de nomades Bakhtiaris,un peuple des monts Zagros,plus precisement du Lorestan.Comme nous etions(le danois,qui s appelle Peter,et moi) tres interesses par les nomades d Iran(Peter etait surtout tres interesse par les tapis,objets qui sont originellement confectionnes par les nomades),il nous proposa de nous emmener rencontrer des proches ou amis qui vivent encore dans la montagne.
Nous eumes un avant-gout de la culture Bakhtiari a un marriage auquel nous fume convies par Iraj.Dans une large salle,separee en deux par un auvent,une partie hommes,une partie femmes,la musique commenca dare-dare(a peine les premieres invites arrives),pour ne s achever qu au milieu de la nuit.La musique ressemblait beaucoup a se que l on entend en Turquie,mais la facon de danser est assez differente.Un peu sceptiques a notre arrivee,je trouvai le moyen de les decrisper de la presence d etranger en leur faisant des demonstrations de danses turque et Kurde(qui ont un petit quelque chose des danses grecques,pour ceux qui se souviennent du superfast entre Ancona et Igoumenitsa,un certain mois d octobre 2004-speciale dedicace aux hellenistes et aux autres !!!!!...Et aspropato svp ).Ca les rejouit veritablement,tellement qu ils me proposerent de gouter leur votka.De la Vodka en Iran !!!???Ma curiosite prit le dessus,impatient de cette decouverte scientifique exceptionelle !On me conduit a une des voitures parquees dans la cour,et me tendit dans l obscurite(le marriage avait commence peu avant la tombee du jour)une ex-bouteille en plastic de soda.Je m attendait a du tord-boyaux,quelle ne fut pas ma surprise en degustant un excellent cognac !L origine de ce breuvage ??Les Armeniens de Jolfa(Mais c est bien sur !!).Ils font du good business en vendant au marche noir leur alcool fait maison.Etant chretiens,religion frere de l Islam et respectee en Iran,ils ont le droit de consommer de l alcool et donc d en produire(aucun magasin n a le droit d en vendre en Iran).Mais de temps en temps,il y a comme on dit des surplus de production !!!(et ce serait dommage de le jeter,hein...alors ils le vendent)
Vers 23h.la musique s arreta et tout le monde se rendit dans une autre piece pour manger.Comme il y a des siecles,on grignote tout le long de la fete,mais le vrai repas du soir est repousse le plus longtemps possible:Alors,les invites mangent en un eclair,ne s asseyant meme pas,et partent immediatement apres.J avais lu ca dans "Samarcande"d Amin Maalouf,mais je ne pensais pas que c etait encore comme ca.Etonnant.






Le lendemain nous partimes d Ispahan avec un ami d Iraj qui avait une voiture,et en route vers le Sud-Ouest et cinq ou six heures de route a travers des paysages epoustouflants(et quelques haltes dans des villages isoles a la cle),jusqu a etre au coeur des Zagros,en plein pays Lor(Ethnie qui comprend les Bakhtiari,un reliquat des premieres couches de population de l Iran puisqu ils parlent un dialecte proche de l avestan=le vieux-persan)
Nous dormimes dans la maison du chef d un tout petit village,plus tres jeunes et qui nous racontais ses exploits de chasse semi-imaginaires,du style « un jour,j ai tue cinq millions de perdrix des neiges,Khoda,Khoda !!!» Khoda signifie Dieu en persan.

En se reveillant le lendemain matin,nous eumes la surprise d une neige abondante et d un jour blanc complet.Ayant un col a passer,a une heure du village,sur la route d Ispahan, nous nous mimes prestement en route.Il faut dire que c etait presque un exploit d etre arrive jusque la avec une voiture non-tout-terrain,sur cette route qui litteralement tombait par plaque dans la riviere dix metres plus bas,cette route au beau millieu de laquelle des blocs de pierre de cinquante kilos avaient chute.Passe le col,la route serait bonne.Mais le probleme,justement,c etait que nous risquions de ne pas pouvoir le passer,avec la neige.

D ailleurs...nous n arrivames pas bien loin.Nous dumes rebrousser chemin et retourner au village.Le chef du village nous attendait avec un excellent repas,ensuite de quoi il avait beaucoup de choses a nous proposer pour passer le temps :The,opium,ou bien nous raconter encore ses ‘exploits’.Merci bien,le the suffira.Apres s etre bombarde de boule de neige parmi avec les villageois(tres joueurs,les Bakhtiari !),pendant que mes trois compagnon d expedition dormaient a l interieur,nous repartimes tous les quattre pour une nouvelle tentative infructueuse.La nuit etait tombee depuis quelques heures lorsque nous decidames que nous avions assez pousse la voiture dans l air glace,et nous demandames de l aide au village le plus proche.La,des nomades nous offrirent le gite,a defaut de chaines pour les pneus, et j appris beaucoup sur le sort des nomades d Iran...Les derniers gouvernements de l Iran n ont cesse de sedentariser de force les nomades, du Khuzestan au Khorassan en passant par la Caspienne et le Fars.D apres mes hotes d alors,il y avait 15 millions de nomades en Iran il y a trente-quarante ans.Actuellement il n y a plus que 1,5 millions de gens qui menent une existence veritablement nomadique dans ce pays.Les gouvernements succesifs leur ont interdit de migrer ou bien leur ont impose des itineraires,et souvent ils les casent simplement dans des barraquements en dur mais rudimentaires,quoiqu’invariablement equipees de la tele,du telephone et de la radio,outils de propagande destines egalement a dissuader les ex-nomades de retourner a une vie migrante.Et le gouvernement a trouve encore plus fort :les barrages.C est la maniere turque,qui a ete largement utilisee pour devaster la culture Kurde.Avec des barrages dans les vallees etroites des Zagros ou de l Azerbaidjan,l Etat englouti de nombreux villages dont les habitants fuyeront dans les grandes villes,bientot fondu dans la masse,perdant leur culture millenaire.
Le gouvernement,notamment sous l impusion du tres-deteste Rafsanjani(un ex-president qui reste haut-place dans l etat et surtout une des personnalite les plus riches du Moyen-Orient),prevoit de sedentariser tous les derniers nomades ces prochaines annees!

Le lendemain,on cru bien qu on arriverai toujours pas a sortir de cette vallee.Ah! Combien de temps a pousser cette foutu caisse,se glacant les poumons,dans la brume ou dans la nuit !!!! Khoda,Khoda !!!!!!

Finalement,Apres d autres heures a pousser et une attente mortifere pour des chaines qui exploserent a mi-chemin,nous retrouvames de l autre cote du col,aussi ereintes que la voiture etait devenue branlante(et accesoirement avec une bronchite,pour ma part,mais je n avais pas encore remarque).

De retour a Ispahan,je remarquai que j avais perdu mon guide(entre autres choses)un de ces derniers jours.Toute recherche fut vaine,mais c est vrai que j ai voyage les trois premiers mois(Balkans et Grece) sans guide,et ca evite beaucoup de deceptions....Plus grave etait cette bronchite et cet etat febril,plus l infection au pied.De retour a la mesafirkhane Amir Kabir,quelques voyageurs(pas touristes) Japonais(qui sont d ordinaire assez froid)se prirent presque pour mes parents et etaient tous tres attentionnes.A defaut de me guerir(Ils me disaient d entailler la peau,de couper,de couper-avec mon couteau suisse desinfecte bien sur-,mais ca ne marchait pas,ca saignait juste...entre parenthese et si je px me permettre une nouvelle reference BD-esque,ils me faisaient un peu penser au Chinois fou qui veut « montrer la voie » a Tintin en lui coupant la tete,dans le Lotus bleu...nan j exagere la !), cela me remonta un peu le moral.Plus serieux,il y avait un vrai medecin (Kurde d Hamadan,d ailleurs)dans l hotel.Il me proposa de m emmener en voiture(je ne pouvais plus beaucoup marcher) a l hosto.Il faut dire que le matin meme je m etais rendu dans un hopital mais l incomprehension mutuelle m avait rendu dubitatif,les medecins la-bas me paraissaient un peu foezi.J avais donc abandonne.
Arrives devant sa voiture,mauvaise surprise !Elle avait ete litteralement demantelee,decharnee,par des mechants voleurs(ouh les mechants !).Ca n arrive qu en Iran ce genre de truc,me suis-je dit sur le moment.Mais finalement ce sera pt-etre pire au Pakistan et en Inde...
Je remontai dans mon dortoir,presque heureux de mon sort.

Le lendemain je changeai mes plans et parti pour Shiraz,la ville des poetes classiques Hafez et Sa’di.Mais surtout une ville ou j avis un contact :des amis d amis a moi...
Je suis ici depuis le 24 janvier(juste a temps pr souhaiter bonne anni a ma petite soeur a Geneve),condamne a rester chez mes hotes,une famille anciennement cheffe de tribus Q’ashqai,des nomades cette fois-ci turcophones(plus tres nomades en ce qui les concerne),avec qui je communique en anglais(et un peu en turc quand meme) puisque j ai pas beaucoup progresse en farsi,jusqu a ce que je sois retabli,ce qui est maintenant presque le cas.Et l hospitalite iranienne vaut celle l autre cote de la frontiere !!Merci Sina et tous les Baharloo !!

J ai plutot bien choisi Shiraz :c est le centre hospitalier et de medecine de l Iran :j ai vu bon nombre de la vingtaine d hopitaux de la ville,qui me disaient tous des choses differentes,et finalement fait operer la semaine derniere.

Je ne suis pas beaucoup sorti de la maison jusqu a present,mais je peux maintenant marcher un peu.Je suis alle a Persepolis hier,le site mythique des empereurs Achemenides,Cyrus,Xerxes et Cie.J avoue que le peu qui reste de la grandeur et du raffinement passe est eloquent.Et j adore ces enormes statues d animaux composites(par ex.corps de taureau,ailes d aigle,et barbe de mollah-avant l heure)




Le vendeur de billet au guichet a l entree etait un vrai Basidji,un vrai de vrai.Avec une barbe noire charbon et drue de sous les yeux jusqu en bas du cou.Je lui ai montre ma fine barbe, dit que j etais pret a defendre le pays si « ils »attaquaient,et lui ai dit que j etais etudiant(je n ai pas precise en quoi),et il m a laisse passer gratuitement et avec bienveillance.(C est juste parce que les etudiants rentre gratuitement dans les sites archeologiques...non ??)


Voila,j espere que je me suis rachete de mon absence momentanee sur ce blog en vous gatant de ce long post,vous prie de m excuser au cas ou mes phrases seraient un peu proustiennes,et vous salue bien bas.

Que votre ombre grandisse !

Adrien Golinelli, le meilleur des basidjis(juste pour la rime !)