20 décembre 2006

Les trois Khanats

Boukhara,Kokand,Khiva… les trois Khanats.Ils se partagaient la majeure partie de la’Asie centrale avant l’arrive russe.

Je suis en plein Coeur du troisieme,après un grand detour vers l’ex-mer d’Aral.

Khanat de Kokand.J’etais a Kokand,dans la Ferghana, au debut de mon sejour ouzbek.ce Khanat s’etendait jadis de la Kashgarie au sud du Kazakhstan actuel,en passant juste au-dessus de Tashkent.D'anciens monuments, il ne reste guere plus que l’ancien palais du Khan, dont la moitie est effondre…rien a cote des cites des deux autres Khanats.Pour moi Kokand c’etait surtout un palau/plov(riz cuit dans la graisse de mouton avec des carottes rapees, des raisins secs et des morceaux de viande; celui du ferghana est repute etre le meilleur de l'Asie Centrale) delicieux et une hospitalite toute ouzbeke.


Khanat de Boukhara.Des siecles avant les Khan Shaybanides, Boukhara illuminait deja cette partie du monde,et cala meme avant que l’Islam n’y penetre.La ville devait etre alors bouddhiste,zoroastrienne…nestorienne peut-etre.

A partir de la deliquescence de l’empire de Tamerlan et du partage de la region en trois etats shaybanides, Boukhara en devient le principal et englobe Samarcande,Shahr-e-sabz(ancienne Kesh, ville natale de Timur/Tamerlan),Termez et meme Balkh/Mazar-e-sharif ou le Badakhshan, a son apogee.

Arrive a Samarcande, après l’instant d’emotion vint la douche froide du prix d’entrée des monuments.On fait connaissance avec l’Ouzbekistan touristique(Question classique et execrable:”mais ou est ton groupe?”).Le Registan en vaut pourtant la chandelle.
Drole de sher dor, grand iwan decore d’une paire de lions doubles de tetes humaines rayonnantes, dans ce qui fut la ville principale de l’Islam,une religion qui interdit strictement la reproduction artisique d’etre vivants!!Le clou de l’ensemble est l’interieur en or de la mosque tilla-kari,le fameux dome d’or de Samarcande.Ebahissant!Pas pour les kilos du metal precieux qu’il a fallu utiliser, mais pour le cisele et le relief des motifs…

Aux proportions de cathedrale,c’est l’iwan(porte-arche) de l’ensemble dedie a Bibi-khanom(une trentaine de metres).Entierement recouvert de ceramiques a emaux bleus,forcement!Tout autour, ruelles-labyrinthe de la vielle ville, truffee de cours en murier sculpte et de petite mosques en bois croulantes de ne plus etre beaucoup utilisees.

Ce qui attire l’imagination encore plus que l’oeil, c’est le shah-i-zindah, groupe de mausolees originaux (et tant mieux parce que dans l’islam l’art est un peu trop souvent de l’imitation) en brique beige decoree ou non de ceramiques bleues,sur le flanc d’une colline recouverte de tombes, le cimetiere de la vielle ville de Samarcande.C’est le l’endroit de la ville qui a peut-etre le plus de caractere, et celui que j’ai choisi pour mon carnet a dessins.
La tombe de Tamerlan(Timur-e-lang, Timur le boiteux),artisan d’un gigantesque empire au 15e siecle,n’est pas la,mais dans le non moins superbe Gur-i-amir, avec quelques-uns de ses proches.Il avait pourtant demande a etre enterre comme un homme ordinaire et dans sa ville natale, Shahr-e-sabz…

L’emplacement prevu l’attend toujours,d’ailleurs.Il n’y sera surement jamais deplace mais le gouvernement,disons le president(puisqu’ici c’est la meme chose), a fait couler la-bas une statue celebrant le conquerant, en mal d’un heros national après le divorce d’avec Lenine.Elle trone en face de l’Arche geante du palais de Timur dont il ne reste que les deux piliers,ce qui reste tres impressionant!

A des heures de routes dans le desert de la, en passant par Karshi ou reside une petite communaute arabe laisse la un peu seule après la “conquete” de la ville au 8e siecle par les Sarrasins(conquete toute relative puisque l’islam n’y a ete definitivement implante que bien plus tard,avec les Kok turk et autres altaiques),m'atendait Boukhara.

Foncierement aryenne/indo-europeene, la region etait une sattrapie perse au temps des Achemenides, et deux millenaires et demi apres, on y parle encore un patois persan.

Mais le dialecte persan de Boukhara est a mille lieux du farsi de Rayy(Teheran)!Il faut vraiment etre passé par l’Afghanistan(et son dari), puis la Sogdiane(et son tajik) et finalement Samarcande, pour y comprendre quelque chose.Cela reste pourtant du tajik, et lorsque je met mon tchapan(grand manteau traditionnel remboure de coton), je paie le prix pour Ouzbekistanais a la caisse, en tchatchant un peu.

Il faut dire que c’est l’endroit le plus touristique d’Asie centrale, et il semblerait qu'en saison il y ait une quantite de touristes francais…On croirait etre en Tunisie quand les marchands de souvenirs helent n'importe quel visiteur aux traits europeens en francais avec un accent qui n’a certainement pas ete appris a l’universite contrairement a ce que certains malins pretendent!Il y a un mot que tout les habitants de la vieille ville connaisent, c'est "mille"...mille som ouzbek(~1dollar).

Ce desagrement passé, Boukhara s’impose comme la plus vivante des villes anciennes d’Ouzbekistan, avec une vieille ville etendue et vierge de tout batiment moderne, habitee par les meme familles depuis le temps du khanat ou meme avant, et semee de medresse et de minarets.Il y a notamment l’ark(citadelle), un peu trop restauree, et le minar-e-kalan,qui comme son nom(tajik) l’indique, est grand - 45m.,c’est moins que celui de Jam en Afghanistan,et moins ancien, mais ca en jette, massif mais avec en plus cet air inimitable de presse-agrume monte sur un cou de giraffe),deux symboles de la ville.

En hiver, soulagee des hordes touristiques europeennes, la ville est paisible et encline aux rencontres.
J’ai colle un jeune prof de la madrassa mir-e-arab(la seule de l’URSS qui resta en fonction), quant a l’interpretation des hadith par les differentes ecoles de l’Islam.Avec le recul, je me dis que c’est assez fort pour le kafir(non-musulman) que je suis.

J’ai aussi discute en tajik avec une fillette qui mendiait devant la Jome Masjid(Mosquee du vendredi,juste en face de la mir-i-arab), ravie de papoter un peu.J’ai remarque que ca faisait tres longtemps que je n’avais pas parle avec un enfant, et les enfants ont des questions o combien plus essentielles que les inevitables”Peux-tu me donner un visa pour la Suisse””Combien on gagne la-bas?””Est-ce je peux aller travailler la-bas?!”des adultes. Il est vrai qu’alors que mon pays inspire au Pakistanais ou un Indiens “des montagnes immenses couvertes de forets”(a cause des films de Bollywood), il rappelle surtout les banques aux Ouzbeks(a cause de leur president bien sur).L’un d’eux m’a meme pretendu qu’en Suisse il etait inutile de travailler!Quand je vois mes parents, je me demande…

Parle aussi avec certains des derniers juifs de Boukhara, une tres ancienne communautee juive en pleine Asie Centrale, qui comptaient pour 10'000 habitants en 1989, et a force d'emigration massive vers Israel et les Etats-unis, a chute a environ 400 aujourd'hui.Cela pourtant n'inquiete pas du tout les maitresse de la petite ecole juive, qui si elles le pouvaient partiraient aussi.Si Khoda/Ellohim exaucait un voeu pour chaque ouzbekistanais, le pays se retrouverait vide de sa population, tant tous revent d'un avenir ideal en Europe ou au Etats-unis, gaves de telefilms americains(doubles en russe) et berces d'illusions.Chacun ses reves...
Etonnant cependant d'apprendre que les jeunes de la communaute juive sont souvent restes a Boukhara, alors que les parents et meme les aines sont partis.

Je suis reste quatre jours a Boukhara, parfois assez degoute par l’esprit venal d'une partie de la ville mais encore plus ravi d’admirer ses merveilles. Un seul regret pourtant, celui de ne pas avoir participe a aucun zikr, et que la tombe de Bahauddin Naqshband(fondateur du courant souffi naqshbandi), comme celle de Khwaja Al-Bukhari(compilateur de la sharia, son mausolee est pres de Samarcande),ait ete retapee un peu trop a neuf par le gouvernement qui lui a soustrait beaucoup de sa spiritualite et livre aux touristes(cette fois-ci surtout Ouzbeks).

Mais comme disais Aleph Sorhat, un ex-moudjahid du Panjshir,compagnon d'arme de Massoud, que j'avais rencontre a Kunduz, un zikr c'est aussi admirer un arbre, regarder une fille comme on regarde une fleur,se baigner dans des fleuves paresseux ou jouir du bonheur de sentir son sang gicler puissament dans ses veines... en pensant a ce qui les a cree!

Khanat de Khiva.La derniere capitale du Khwarezm independant.Entre deux desert et les steppes Kazakh,un autre Ouzbekistan.Je ne comprend rien a leur dialecte ouzbek,sauf ce drole de “awa” pour dire oui(qu’on retrouve en langue Karakalpak,et qui est a rapprocher du “evet” turc anatolien).

Khiva est une ville a voir le soir ou a l’aube.C’est la ville ancienne d’Asie centrale que les sovietique avaient choisi de restaurer, et ca n’est pas pour rien si elle a si souvent servi de decor pour films.Je suis arrive la nuit, et a marcher a la recherche d’un toit, j’avais l’impression d’avoir remonte dans le temps.

Les autorites ont organise une magnifique arnaque avec les billets d’entrée,avec un billets surtaxe a la porte de la vieille ville qui est cense etre valable pour tous les batiments a l’interieur mais qui ne l’est pas du tout, des “extra fees” en-veux-tu-en-voila, des musees en quatre ou cinq parties differentes,et bien d’autres combines encore.

Mais je ne me suis pas fait avoir.Je dors a l’interieur des murs de la vielle ville, ou vivent quelques familles, je rentre et sort par les portes secondaires, et surtout, je prend mon temps.Rien ne sert de tout voir, ce qui est important c’est de profiter de cette atmosphere.Khiva, c’est le Khwarezm, c’est un bon plov dehors dans la lumiere sucree de l’hiver, a manger avec la main bien sur, c’est rendre le sourire d’une jolie fille qui passe dans le bazar, c’est gouter la chaleur de ces murs en pise, les crenaux ronds des murailles et rentrer repu de moments magiques.

A noter que les Ouzbekes du Khwarezm sont a mon avis les filles les plus belles de l’Asie Centrale.Comme ailleurs en Ouzbekistan(et au Turkmenistan), c'est le resultat d’un mélange entre Aryens(Indo-europeens) et Altaiques(Turco-mongols),et je dois dire qu’ici le mélange est particulierement reussi.Une harmonie dans les traits,une profondeur dans le regard et des corps a l’image du jardin de cocagne qu’etait le Khwarezm.Et surtout un nombre impressionant d’yeux verts comme le jade.

C'est peut-etre parce que le detroit de l'Amu-darya est fragile(et meme malade), que les Khwarezmiens profitent si bien de chaque petit bonheur de la vie...

Joyeux Noel(que je ne vais surement pas feter, cette annee encore)!
Que votre ombre grandisse
Adrien

Bienvenue dans la steppe fantome

Extrait de mon carnet,a Moynaq date du 16.12.2006:

"Il existe un pays ou l'eau est jaune fluo,la terre rouge ou verte.la duree de gestation des bebes humains est de huit mois environ et il y a un port au milieu du desert.

Ce pays existe vraiment, c'est le Karakalpakistan.


S'il existe effectivement, il se pourrait cependant qu'il disparaisse bientot.

Le plus tragique exemple de societe post-industrielle, c'est un territoire qui semble avoir pris forme sous les crayons d'Enki Bilal.Le meme flou chancelant, les memes images que rien n'explique plus,les memes regards battus.

A Kungrad, chameaux et dromadaires deambulent en plein blizzard a cote de la voie ferre,saignee de fer dans la ville.En cette saison le soleil n'est qu'un souvenir, et la neige en croutes glacees ou en poudre volatile, d'une facture douteuse, prend bientot la couleur etouffante du brouillard.C'est un degrade(aucun mot ne convient mieux a la region que celui-ci) de tous les gris possibles.

Forte presence de boue et vomissures de sable du desert qui sourd partout.De fait le Karakalpakistan est deja un grand desert, acheve dans la moitie Nord, en devenir plus au Sud.Malgre l'humidite hivernale, malgre l'air moisi, ce pays presente les sequelles d'une dessication-planifiee, bien que le but ait ete le contraire-, et se retrouve a l'etat de carcasse assoifee.La mort par assoifement est lente et peut-etre une des pires agonies.
Il y un temps -les annees 60 et 70- ou la politique brejnevienne du Gosplan et des "Terres vierges", souleva l'economie du Karakalpakistan, mais ce n'etait que pour mieux retomber.

A Nukus, la capitale de la republique autonome, vegete,se sachant condamnee comme tout le reste du pays.Elle se vide petit a petit.Sifflets macabres travers les vitres brisees des immeubles administratifs demesures.

Heureusement que j'ai autour de moi cette famille Talycho(une ethnie iranienne d'Azerbaidjan)-Karakalpak, qui revient d'un mariage a Tashkent et resonne encore des chants nomades de fete.Les Karakalpaks etaient un peuple proche des Kazakh, nomades eleveurs ou pecheurs, avant leur sedentaristaion forcee dans les annees 30.

C'est la deuxieme mort de leur culture:apres avoir perdu leurs traditions, ils perdent maintenant leur sante et leur vie.Il y a tout les maux au Karakalpakistan: maladies respiratoires, faiblesse imunologique, radioactivite elevee,alcoolisme, grand choix de cancers... La plupart des femmes enceintes accouchent prematurement.Quant a moi j'ai mal a la tete depuis que je suis arrive et j'ai constamment envie de dormir. "


Moynaq, c'est un voyage qu'on ne souhaite a personne.Peut-etre l'endroit le plus deprimant du monde.Ancien grand port de la mer d'Aral, il fait maintenant face de tous cotes a des centaines de kilometres de steppe dessechee.
Une ville fantome... on les entend gemir dans les buissons piquants.

Il n'y a plus de sens aucun ici.La seule direction possible est le replis...ou la stagnation.Le bout du monde, le vrai.

Avec Dusunbaev, le Kazakh qui m'a aide lorsque je suis arrive dans le froid mortifere de la nuit et chez qui je suis Qunaq(hote), nous marchons sur le sol peu ferme, le fond de la mer.Plus beaucoup de bateaux echoues, l'ex-usine mettalurgique les a presque tous demantele et fondu.Le gouvernement voudrait en plus effacer sa memoire... manifestation d'impuissance face au desastre.Que restera-t-il de ce pays dans dix ans?Un blanc sur la carte, un vide toxique plus grand que trois fois la Suisse.

A Moynaq, une bonne partie de la population a la tuberculose.Ca n'est pas tout:en 1997 deja, 70% des habitants presentait des symptomes "pre-cancereux".L'ile de Vozozhdreniye, au milieu de l'Aral, a ete une base de stockage de dechets nucleaires et de germes bacteriologiques de l'URSS.De presqu'ile, elle est maintenant completement rattachee a la terre, libre aux oiseaux et chacals survivants de ramener vers les villages maux en tout genres.La mer quant a elle, est devenue tellement salee que seules les crevettes microscopiques et autres crustaces incolores l'occupent encore.

Triste bout du monde.

4 décembre 2006

SAMARCANDE!



SAMARCANDE!


SAMARCANDE!


SAMARCANDE!





J'y suis!!!Je suis a Samarcaaaaaaaaaaaaande!!!WAouh!Hourah!Subhan'Allah!





Au 497eme(quatre cent nonante septieme) jour de voyage a 11h21, Adrien Leonard Golinelli a atteint la ville mythique entre toutes.



...



Les bulbes azurs cachent pudiquement leur face au septentrion sous un voile de neige.On entend parler un patois persan dans la rue, et lorsque le soleil enfin perce le couvercle des nuages, une melancolique lumiere d'hiver sublime d'une touche doree le bleu des coupoles.Et on se surprend a croire au destin.






...



De Tashkent le train a rapidement chemine sur la platitude des monocultures de cotons, a franchi la Syr-darya, fleuve large et paresseux qui ajoutait salutairement du mouvement a ce paysage morne et fige.Car dans cette plaine qui rappelle le triste pays de Smolensk, il n'y a guere que les murs en pise beige pour insufler une legere vibration au paysage.




Dans le train une Armenienne me parlait en russe de sa fille qui vivait en Allemagne, mais je n'ecoutais qu'a moitie, c'etait plutot ma destination qui resonnait dans ma tete("Samarcande!enfin...")








Apres quatre heure d'impatience contenue, le wagon a passe la Zeravshan, et a longe l'arche titanesque d'un pont mongol.On approchait...






Vint les premices de la ville, banlieue sovietique habituelle, ruines industrielles et ferrailles en pagaille, quartiers tires au cordeau et ombres dont le bout du chapan disparait dans la neige.








C'est la meilleure facon d'arriver a Samarcande:de l'exterieur vers l'interieur, du plus vulgaire au plus exceptionnel, du plus fonctionnel au plus spirituel.





J'ai saute dans un minibus barre "Registan".Virage apres virage, je guettais un signe.Les blocs d'immeubles se faisaient plus raisonnes, plus modestes...





Et soudain,vlan!A ma droite, je l'avais en plein.Je suis sorti du vehicule, titubant d'emotion.Traverse la route, me suis assis sur une marche devant la sublime place, et j'ai commence a chialer comme un gamin.Un gamin heureux en tout cas.










3 décembre 2006

...hiver a Tashkent








La plus grande ville d’Asie centrale ex-sovietique, capitale de l’actuel Ouzbekistan.



C’est une immense foret d’ immeubles demesures,d’une lourdeur inegalee.Ils bouchent l’horizon qui est deja reduit par le brouillard et les nuages.L’eau gele, les crachats gelent, la neige gele, la glace re-gele...Le froid fait mal a la tete.Pas etonnant que ce week-end peu de gens sortent.D’ailleurs les avenues sont presque vides,ni vehicules ni pietons…rien que le beton.En ce premier dimanche de decembre j’ai l’impression d avancer dans une enorme ville fantome.

Dans le metro de Tashkent, pas plus de monde que dehors.les stations n’en paraissent que plus grandiloquentes: architecture d’une autre echelle, avec coupoles neo-timourides de l’epoque sovietique, ceramiques celebrant la construction du socialisme par les masses laborieuses autant que les classiques de la litterature persanne.J’aime tout particulierement la station “kosmonovty”,ou des astronautes celebres vous saluent dans des demi-bulles sorties du mur,figes dans une attitude mysterieuse.

Ici plus que nulle part ailleurs en Ouzbekistan, on constate la “methode ouzbeke” pour gerer l’apres-URSS.La surprise, c’est que les Ouzbeks sont, des republiques de la region, les plus sovietiques dans le style tout en s’efforcant de gommer les symboles du communisme.Ils sont les champions du sovietisme!Le sovietisme en tant qu’habitudes politiques, en tant que facon de gouverner, de controler et de reprimer, en tant que plethore de slogans, en tant que rhetorique, en tant que falsification de chiffres en tout genres, en tant qu’arbitraire en tant qu’autosatisfaction douteuse, et jusqu’a la haine du regime precedent, alors qu’en l’occurrence c’est son geniteur.




Alors que dans la plupart des republiques ex-sovietiques, on a paresseusement remplace les couronnes de bles entourant le marteau et la faucille, par les nouveaux symboles, et neglige la moitie,les laissant se decomposer eux-meme(je me rapelle de cet immense profil de Lenine en fer forge au bord de l’Issyk-kul qui piquait dangereusement du nez comme s’il fondait), en Ouzbekistan le moindre symbole de l’ancien regime a ete efface.A la place, on a mis la couronne de cotton et de ble entourrant un volatile(j’ai l’impression que c’est une cicgogne), et a la place de Lenine, Tamerlan ou d’autres…

On dit que c’est le pays d’ex-URSS qui est le plus staliniste.Le mal-aime president Karimov est completement paranoiaque et une remarque sur lui peut avoir des consequences irremediables.Lorsqu’il se deplace, les gens sont assignes a residence et toutes les rues bouclees.

Il se veut le chantre d’un Ouzbekistan vierge d’influence russe, vierge d’influence occidentale, en bref il ne tolere que la sienne propre.Il est deteste par une bonne partie de la population, et par les pays alentours, bien qu’il considere son pays comme la figure de proue de la region.S’il est vrai que c’est la seule republique d’Asie centrale qui partage des frontieres avec les quatre autres(plus l’Afghanistan), et que c’est la plus peuplee de cinq (bien que les chiffres du gouvernement soient exagerement gonfles, il n’y a pas 23 millions d’habitants dans ce pays), l'Ouzbekistan n'a pas la carure de leader qu'il se veut,ni economiquement ni politiquement.Tandis qu'une partie inquietante de la population n'arrive pas a joindre les deux bouts, le pays s'enfonce chaque jour un peu plus dans la dictature.

Mais Tashkent est aussi, d’une maniere un peu plus rejouissante, un melting-pot de nationalites, des Coreens aux Bachkirs en passant par les Kazakhs et les Allemands de la Volga.




La moitie de la population au moins n’utilise que la langue russe, et c’est une bouffee d’air par rapport aux provinces ou meme le cyrillique a ete elimine pour etre remplace par un alphabet latin barbarise par des apostrophes incongrues(ex.O’zbekiston), des x ou des arrets glotaux(transcrits q).


Je sais que comme avec toutes les grandes villes, il ne faut pas les juger au premier regard, et qu’elles recellent des joyaux qui se revelent avec du temps et de la patience… seulement voila mon visa ouzbek ne dure qu’un mois, et j’ai mieux qui m’attend juste un peu plus a l’ouest!!!Devinez quoi...

A tres bientot
Que votre ombre grandisse
Adrien

Le Ferghana

Le Ferghana

C’est la vraie patrie Ouzbeke…

C’est par Andijan que je suis entre en Ouzbekistan.La precisement ou l’annee derniere l’armee a tire sur la foule.Le passage de la frontiere, si tendue que soit la region, s’est bien passé,et je dirais meme plus: sans backchich(parfois c’est inevitable, comme avec le douanier afghan qui me reclamait mordicus un “exit visa” pour me laisser passer l’Oxus).Il faut dire qu'ils en empochaient assez:pendant que son collegue feuilletait mon passeport, une dizaine d’Ouzbekes glisserent sous mes yeux un billet dans la poche du garde arme tout en passant la frontiere.


Dans le premier village après la frontiere, se tramait quelqu’incident que je n’ai pas compris:des hommes regroupes, une vieille femme en pleurs, des soldats qui bloquaient des chemins et empechaient des gens de sortir de leur maisons…

J’ai file a Marghilan, une tres ancienne ville du centre de la Ferghana.En route(qui sont d’ailleurs tres bonnes en Ouzbekistan, ca change des voisins du Sud et du Sud-Est), des paysans en chapan fauchent des champs de coton mur-pas un coin de terre qui ne soit cultive(la ferghana etait censee produire 1/3 du coton de l’URSS a l’epoque).temps sombrement nuageux, ce qui parait-il est constant, du aux industries qui enfume cette vallee de seulement 300km de long fermee par de hautes montagnes.

Densement peuplee, densement cultivee, et une tres longue histoire:c’est la Ferghana.Pour prendre la mesure de ce long passé, il reste malheureusement tres peu de monuments anciens, il vaut mieux examiner la langue et les coutumes.


Ou les visages des gens.A l’image de leur origines melangees, les Ouzbeks ont des traits qui explorent toute la gamme entre altaiques, indo-europeens et meme semites.


Pour obtenir la “nationalite” ouzbeke, prenez un fond indo-europeen immemorial, parthe et perse en particulier.Entre deux fleuves(ce n’est pas la Mesopotamie, c’est la Transoxiane),faites-leur batir des villes, des temples zoroastriens, cultiver des oasis, developer la poesie, faire partie d’un immense empire(Les Achemenides bien sur), pendant deux millenaires au moins.


Et puis faites soudain faites passer des vagues turco-mongoles venant de l’Altai et d’au-dela, piller et raser.Votre civilisation aryenne(entendez par la indo-europeenne ou “iranienne”) ne s’eteindra pas, elle a deja admirablement bien gere le passage de l’armee d’un Grand Macedonien, de meme que l’arrive du bouddhisme, les absorbant tous deux dans sa riche culture et son mode de vie elaboree.

Un demi-millenaire durant, faites ainsi passer des vagues d’Altaiques au yeux brides et au visage plat sur leurs chevaux.Vous allez perdre une partie de votre preparation, mais le sedentarisme, dans les oasis de la Transoxiane, va assimiler les nomades.Entretemps, faites arriver la religion de Mahomet,laisser-la s’implanter profondement afin qu’elle inspire les plus belles constructions de l’Orient, qu’elle se sublime dans le souffisme naqshbandi dont les zikr resonnent encore de Mazar-e-sharif a Khiva.

Laissez reposer quelques siecles.

C’est prêt: a noter que vous n’aurez pas que des Ouzbeks, les villes principales seront persophones et les superbes monuments denommes “tajiks”plutot qu’ouzbek, mais dans le cas present ce sont deux composantes indissociables d’un meme ensemble.Pour avoir des Ouzbeks purs(mais alors vous n’aurez plus les superbes monuments), il est conseille d’aller voir la ou la Syr-darya coule a travers un cirque de montagnes, un endroit qu’on appelle ‘Ferghana’.

Encore un mot sur la langue:elle parait rude mais elle n’est si dur, en fait c’est une langue assez flexible.Elle a une structure agglutinante(ce sont les origines ouralo-altaiques!)et si vous parlez turc vous vous y retrouverez, au moins pour la grammaire.Si vous parlez persan, vous comprendrez au moins la moitie des mots.Une partie de ces mots sont d’origines arabes, le reste purement iranien.Et si vous parlez russe, vous comprendrez le quart restant(j’estime les mots d’origine purement altaique a environ 25-30%).

je vous laisse mediter ces considerations... ;)

A+
Adrien

25 novembre 2006

Dans les monts celestes






Ciao!

Bichkek, apaisee après la fin des tensions de la place Ala-too, est depuis 3 jours encore plus calme.C’est que l’hiver est arrive a grand fracas, et s’acharne sans relache a couvrir la ville de se plumes d’oreillers, qui de pellicule ont forme une couche, et de couche s’elevent deja en murs.le froid ajoute son grain de sel pour vernir la route de ce que l’on appelle en russe galalyod, c’est-a-dire la glace issu de la neige compresse et refroidie.

Les voitures font des pirouettes comme si elle etaient devenu vivantes et le bus passe en trombe au carrefour, rugissant qu’il ne peut pas freiner.Les coquettes Kirghizes quant a elles ont ajoute a ce que je nomme le “costume national moderne”(Minijupe, veste moulante et bottines a talons qui montent aux genous), collants et echarpe.certaines me regardent avec un air interloque en voyant mon pakol(le chapeau de moujahid) et mon patoun(le chale/couverture afghan).

Avec un temps pareil je ne risque pas de retourner m’aventurer dans les montagnes(ou alors pour skier?La neige m’a l’air d’excellente qualite.), mais j’avoue que j’en ai deja bien profite.

Le Kirghizistan est traverse de part en part par la chaine des Tian Shan, comprenez “Monts celestes” en chinois.Culminant avec le Pic Pobeda(“victoire”), c’est un peu les Alpes de l’Asie centrale, avec son paysage accidente et ses vallees profondes remplies d’epiceas(en l’occurrence picea schrenkiana) a l’ombre des cretes coiffees de blanc.

Je savais bien que ne trouverai plus de yourtes, l’estive s’etant acheve comme d’habitude courant septembre.Mais j’avais la chance de beneficier d’un veritable ete indien en novembre, après un mois d’octobre parait-il froid et enneige.Depuis les rives du lac Issyk-kul j’ai rallie en quelques heures de marches les trois bicoques qui ensemble portent le nom d’Altin-arashan(sources d’or), car des sources chaudes y jaillissent.

Plutot que dorees les sources etaient verdatres, mais un polycopie placarde sur la porte du cabanon indique que c’est tout-a-fait normal,et en nous gratifiant d’une formule chimique qui me rappelait les calculs de moles au college, ajoute que c’est souverain contre les problemes nerveux et gynecologiques.J’avoue etre peu concerne;en tous les cas j’ai beaucoup apprecie de m’y plonger après chaque journee d’exploration des alentours,etant la seule chose qui meritait la-bas le qualificatif “chaud”(l’eau est a 55-60 degres) avec les deux litres de the tres,tres noir(et je dis ca après un an dans des pays ou l’on boit tous les jours du the trois fois plus fort qu’en Europe) que me preparait la baboushka de l’ancienne gastnitsa(guesthouse) sovietique-une des trois bicoques.

Autre vallee, celle de Turgen, empruntee regulierement par les ouvriers des mines d’aluminium, etain, bronze, des Tian Shan centrales, mais jamais par des touristes.Il y a 50 kilometres depuis le dernier village avant la foret jusqu’au col qui marque le bout de la vallee, alors il a fallu se lever tot pour ne pas dormir dehors(je rappelle que je n’ai pas de tente ni de sac de couchage, d’ailleurs je voyage la plupart du temps avec un sac de ~3kg.).Il vaut mieux car des loups il y en a vraiment la-bas(et des ours, mais ils hibernent).Quoique les braconniers que j’ai croise sont rentres presques bredouilles-Dieu merci!J’ai croise une hermine bondissante, mais rien de plus gros.

Dormi dans la cahute de la station meteo juste avant le col, seul lieu habite entre le debut et la fin de la vallee.Un endroit comme abandonne du reste du monde, avec 4 russes(3hommes,1 femmes, plus ou moins tous de la meme famille) qui prennaient des mesures et notaient des resultats chaque jour dans des registres elimes.

Pourtant, a en juger par les séances quotidiennes de morse(genial!!), on ne les avaient pas completement oublie.Mais meme moi qui pourtant suis blinde contre le sentiment de solitude, je n’ai pas supporte plus d’une nuit dans cet endroit insense, toujours a l’ombre, ce huis clos au fond du cul-de-sac que forme la vallee, la ou meme les arbres ont renonce a pousser.Alors le lendemain matin j’ai dit au revoir au portrait de Brejnev(si,si!!!) et merci a mes hotes, et je me suis retape les 50 kilometres, entre les coniferes comme des tours et accompagne par le glouglou du torrent.

C'est une vallee tres sauvage(il y a des loups sauvages, des hermines sauvages, et meme des meteorologues sauvages ;),aux epiceas sculpturesques(beaucoup plus de style que les notres,les picea abies, a mon avis).Ils ne se contentent pas de pousser comme un cone regulier et tres allonge(comme des topiaires geant, parfois j'ai vraiment l'impression qu'on les a taille), mais apres un siecle a un siecle et demi, le sommet devient tabulaire ou meme se contorsionent en des mouvements figes qui me font penser a la vague de Hokusai)

C'est les doigts engourdis que je vous dis a bientot,

que votre ombre grandisse.

Adrien

23 novembre 2006

Revolution:epilogue



La "revolution", car pour les locaux c'etait bien une revolution, s'est acheve plus d'une semaine deja.J'etais alors en plein Tian Shan.



La constitution tant reclamee fut adoptee par le parlement,lui conferrant une plus grande liberte de manoeuvre et soustrayant une grande part de pouvoir au president, Bakiev, qui conserve son poste.La veille certains manifestants et les forces speciales s'etaient violemment affronte sur la place Ala-too et devant le palais presidentiel.Ce jour-la, les premiers feterent leur "victoire" sur la place, avant de plier yourtes et tentes de camping.

C'est un soulagement les habitants qui presque tous craignaient que la situation ne degenere comme en mars 2005 (lorsque des batiements avaient ete sacages et incendies).De changements, je doute qu'ils y en ait vraiment... mais les gens ici disent ouvertement qu'ils preferent un statu quo plutot qu'une deterioration des conditions de vie.

Aussi,s'il on peut se rejouir de l'efficacite de ce qui semble etre une societe civile au Kirghizistan, la realite est plus grise:"Les parlementaires ne valent pas mieux que Bakiev" dit-on partout.
En somme, le Kirghizistan est peut-etre simplement passe d'un regime presidentiel absolu a une oligarchie.

Adrien Golinelli

7 novembre 2006

Revolution?(3)

Bonjour!
Si le week-end a ete calme a Bichkek, la journee d'hier l'etait beaucoup moins...

Je suis a Karakol,dans la region du lac Issyk-Kul, loin des remous de la capitale.Ce qui ne m'empeche pas de rester en contact avec mes connaissances de Bichkek, pour connaitre l'evolution de la situation.

Hier, environ 30'000 manifestants etaient rassemble sur la place Ala-too, frustres que le president Kurmanbek Bakiev qui avait promis la veille de soumettre un projet de modification de la constitution au parlement, ne se soit pas presente, bloquant le processus.

Particulierement remontes, les manifestants ont tente de prendre le palais presidentiel, provoquant des heurs avec les forces armees gouvernementales.Il y a une dizaine de corps d'armee speciale, mais trois seraient deja acquis a l'opposition.Connus pour leur opportunisme, ces "agencies" pourraient bien etre determinantes dans l'issue du bras-de-fer.

Ce qui est sur, c'est que la tension est montee d'un cran.Symptome:certains medias internationnaux en ont fait des breves(meme Euronews en a parle).J'ai cependant l'impression que l'on en parle beaucoup moins que l'annee passee, en-dehors de la sphere des pays d'ex-URSS.

D'ailleurs c'est aujourd'hui le 89e anniversaire de la revolution d'octobre, красный октяврь!!!!
La revolution qui a change le cours du XXe siecle,et qui a faconne ce qu'on appelle le "petit vingtieme siecle": 1914-1991.Car sans le camarade Vladimir Illitch(Lenine), le fascisme n'aurait surement pas ete vaincu en 45, pas de guerre froide, pas de conquete spatiale, de course a l'armement, et pas de Kirghizistan, un pays qui comme 15 autres doit tout, de ses institutions a ses routes, de ses frontieres a sa conscience nationale, a feu le projet sovietique.

C'est aujourd'hui aussi que les Tajiks votent et reelisent Emamali Rahmanov(dit "Ramon").Vraisemblablement il n'aura meme pas besoin de tricher, car il a de fortes chance d'etre plebiscite.Pas etonnant dans un pays qui a connu la guerre civile et s'en remet lentement, et ou (contrairement a l'Ouzbekistan ou au Turkmenistan), subsiste une relative liberte d'expression.Le gouvernement tajik est de toute facon trop faible pour cela.

On vote aussi au Etats-unis et au Nicaragua.

Ici a Karakol personne ne vote, personne ne manifeste, et le nombre de veterans et de nostalgiques qui se sont rassemble en souvenir de 1917 se comptent sur les doigts d'une mains!
Il fait un temps superbe, les Alpes kirghizes etincellent de neige derriere moi,au-dessus de la frange d'epiceas de Schrenck.













De l'autre cote, le lac Issyk-Kul qui est le deuxieme plus grand lac de montagne du monde apres le Titicaca, et que j'ai tout particulierement admire avant-hier au village de Barskoon ou se joue l'Atshavush, version kirghize du Buzkashi, jeux afghan et centrasiatique dont le but est de recuperer, a cheval, une carcasse de chevre et de l'emporter dans le camp adverse.
Et toujours ces flamboyantes couleurs d'automne.

A+

Que votre ombre grandisse

Adrien

4 novembre 2006

Revolution?(2)






Comme promis,quelques news en direct de Bichkek...

A l'heure qu'il est, quelques centaines de manifestants campent sur la place principale,Ala-too: Quatre yourtes et des tentes de camping en rang d'oignon ont ete installe, permettant a une partie des manifestants d'avant-hier de rester jusqu'a ce que le president Bakiev accepte de negocier avec les partis d'opposition qui reclament la modification de la constitution.

Ils voudraient que la Republique Kirghize devienne un regime parlementaire et abandonne le regime presidentiel qui prevaut depuis l'independance.C'etait une des principales revendications du mouvement de mars 2005, celui-la meme qui a amene au pouvoir Bakiev qui promettait d'engager immediatement cette reforme.Bakiev s'est apparement fait a concentration des pouvoirs a partir du moment ou ils ont ete entre SES mains... Pour beaucoup, il est en train de suivre la voie d'Akaiev, son predecesseur qui gouvernait depuis 1990.Celui-ci avait engage les reformes economiques les plus liberales des pays d'asie centrale ex-sovietique, lui valant approbation et felicitations des pays d'Europe, des USA et des organisations pro-liberales internationales(Banque Mondiale, FMI, Union Europeenne,etc...) ...revers de la medaille:Il s'etait tout approprie.Il controle encore probablement une bonne part de l'economie kirghize(mais cela, j'ai plus de peine a le verifier).

On comprend le mecontentement de certains, voyant que celui qu'ils ont contribue a mettre a la tete du gouvernement suive exactement l'exemple d'Akaiev... Seulement, si l'idee de donner le pouvoir au parlement est louable, ce n'est pas un gage de stabilite, au contraire.lorsqu'on voit ce que donne une constellation de petit partis se coalisant au gre de leur opportunisme dans des democratie d'Europe ou du Proche-Orient, on peut se demander si ce systeme va vraiment aider le Kirghizistan a ne plus changer de premier ministre comme de chemise...

D'aussi loin que je le vois, le souhait principal des habitants du Kirghizistan est cette stabilite dont ils ont jouit pendant longtemps avnt les annees 90.Ceux-ci soufflent un peu apres le 2 novembre, puisque le "meeting" n'a pas degenere, et que les quelques milliers de manifestants
sont reste passablement calme.Il faut dire qu'il y a un tres important dispositif policier masse dans la region du parlement et de la place Ala-too.Dans les parcs et zones boises tout autour, ils attendent, tout comme les manifestants, et ont l'air de s'embeter ferme...certains lisent, couche sur leur bouclier, le journal edite par la coalition d'opposition.

Rien n'est encore joue dans le bras de fer entre Bakiev et l'opposition pro-parlementaire...Et tout peut basculer tres vite.

A+
Adrien

1 novembre 2006

Revolution?

Bichkek a l' aube d'une nouvelle revolution??

Ce ce qui est sur, c'est qu'il y a de la tension dans l'air... les gens font des stocks de nourritures, les policiers arretent a tout bout-de-champs, les proprietaires de magasins vident leurs echoppes ou les barricadent... Moi ca me rappelle le G8,le jaune des palissades en moins.

Les groupes mafio-politiques de tout poil ont fait venir leur "troupes" a la capitale, et sous le sobriquet d'"opposition", vont se livrer demain a une monstre manifestation "a duree indeterminee".

Javier Solana doit baver de plaisir, et si cela prend de l'ampleur, pourra se gargariser avec ses acolytes des "25", de formules comme "avancee de la democratie en espace postsovietique", "montee en puissance de la societe civile", "nouvelle Asie centrale",et autre formules abjectes en regard de la realite...

Il y a un an et demi la "revolution des tulipes" avait detrone le presdent Akaiev et mis en place un autre aparatchik, Bakiev (est-ce-qu'il les choisissent par ordre alphabetique??).

La situation n'a pas change, c'est a dire que la vie n'est pas toujours facile au Kirghizistan, mais que l'on vit quand meme et qu'on est heureux parfois...souvent meme.

Mais des lobbies, mafias, politiques, aimeraient un peu plus de la part de Bakiev, semble-t-il, et ils ont fait venir des campagnes leurs pions, car en ex-URSS tout s'achete, meme la colere populaire, et les voila qui remplissent tous les hotels bons marche de la ville.

Quant a moi je loge chez une famille russe, qui comme tout le monde ici, craint pour ses biens:Lors de la derniere revolution "florale", les manifestations s'etaient transforme en pillage de la ville."On" avait donne quartier libre aux mecontents en leur laissant se servir, une nuit durant, dans les magasins ou les maisons.Le grand magasin "Beta", une chaine turque, avait ete incendie, comme d'autres, apres avoir ete vide.

Beaucoup des campagnards achetes pour devenir manifestant sont reste a la capitale,grossissant la masse du bazar ou l'on voit de tout, des pin-ups trop parfaites aux loques humaines qui dorment sur la plate-bande, confits dans l'alcool.

Bichkek est pourtant une ville moderne, dynamique, universitaire, mais derriere l'image "propre", il y a des zones d'ombres, beaucoup de laisses-pour-compte, et une deliquescence certaine de l'appareil etatique.Si presque tout-le-monde regrette l'epoque sovietique(sans trop l'avouer toutefois), personne ne s'illusionne: 15 ans apres, a vivre au jour le jour, plus grand-monde n'espere quelque chose des politiques."On aimerait juste de la stabilite" dit une habitante.

Qu'il y ait de nouveaux troubles ou pas, nos dirigeants feraient bien de venir voir eux-meme ce qu'ils appellent "revolution pacifique" et "societe civile".

je vous tiendrai au courant...
A+
Adrien

30 octobre 2006

Automne en Kirghizie...


Ciao!

Me voila depuis quelques jours au Kirghizistan.
C'est l'automne, les abricotiers s'empourprent dans les collines du pays d'Osh et les bouleaux de Jacquemont font pleuvoir de l'or dans les Tien Shan.

Il commence a faire frisquet, oui, mais qu'est-ce que quelques couches d'habits supplementaires et les oreilles qui mordent un peu, en comparaison de cet eclatant denouement des saisons, tout en effusions de couleurs, cette tension tragique de la nature, et le desert inexorable de la neige qui descend chaque jours un peu plus pres des hommes?

Adieu la Perse
Si l'heritage sovietique m'accompagne indifferement entre Tadjikistan et Kirghizistan, il y a de serieuses difference d'un pays a l'autre, et pas seulement l'etat des routes(celles du Kirghizistan sont bien meilleures).De fait, de ce que je tout ce que je laissais au Tadjikistan, la separation la plus douloureuse ne fut pas celle d'avec ma copine, mais plutot celle d'avec la "Persitude".Le Tadjikistan, comme l'Afghanistan et bien sur l'Iran, est un pays de culture aryenne,i.e.iranienne("aryan" et "iran" ayant bien evidemment le meme racine, designant les indo-europeens de culture perse).
Avant l'arrivee russe en Asie Centrale, "Taj" designait les habitants persophones de ce grand "Turkestan"(en realite tout aussi perse que turcoman).Traditionnellement, ceux-ci vivent dans les villes de culture,Samarcande,Boukhara,Khiva,Mazar-e-sharif,Istaravshan,... ainsi que dans les montagnes du coin Sud-est jamais conquis par des Ouralo-altaiques, c'est-a-dire l'actuel Tadjikistan.Les Ouzbeks sont egalement des sedentaires, occupant les plaines agricoles fertiles et parlant une langue turcomane bien que n'ayant pas les traits mongoloides des Kirghizes et Kazakhs, qui jusqu'il y a recemment etaient integralement nomades.
Le decoupage administratif de l'Asie Centrale par Staline dans les annees trentes enterinne une division qui n'existaient pas jusqu'alors,chaque nationalite vivait selon son mode de vie mais sans limites formelles de terittoire.
La haine que se vouent pas mal d'Ouzbeks et de Tajiks vient indirectement de la(Les trois plus importantes villes tajikes,Samarcande,Boukhara et Khiva, se trouvent maintenant en republique d'Ouzbekistan), et directement de l'independance des republiques.Une independance dont on se passerait bien,ici... (Je vous epargne davantage de theories et d'analepses historiques, mais l'eclatement de l'URSS est a mon avis une connerie des plus supreme.Et pour les habitants de cette "nouvelle Asie Centrale, un coup dur du destin voire une tragedie)

Bref, en arrivant a Batken, bourgade du Sud-ouest du Kirghizistan, j'ai recu une bonne claque en matiere de communication.Aie!J'aurais du me mettre au russe plus tot... J'ai trop oublie le turc pour communiquer avec les kirghizes dont la langue est passablement differente de toute facon.
Sur que je me suis toujours debrouille dans les pays avec ou sans connaissance de la langue,d'ailleurs je ne connaissait pas un traitre mot de farsi en arrivant en Iran, pas plus que du turc en arrivant en Turquie,de l'Urdu a mon premier jour au pakistan ou du serbo-croate au debut de la traversee des Balkans.

Mais c'etait fichtrement comfortable de connaitre le farsi autant qu'on peux le connaitre apres six mois cumules en pays persophones!
Je me souviens que sur le lac de Van, en conduisant le bateau et discutant avec l'equipage, je m'etait maudit de pouvoir me debrouiller assez en turc pour pouvoir repondre au dix-quinze questions basiques,qui sont toujours les memes, et auxquelles on a affaire immanquablement plusieurs fois par jours.Meme chose apres deux mois d'Iran.
Mais lorsque je suis arrive a un niveau plus etoffe de farsi, j'ai realise que le stade superieur est plus agreable, permettant de vraies discussions de fond, et de poser soi-meme des questions bien ajustees.
Bon... je ne sais ce qui me restera du farsi si je ne retourne pas prochainement dans ces regions(il y a fort peu de chance), mais je garde a coeur le projet d'un jour en apprendre suffisament pour lire le Shahnama et les ghazals de Sad'i!!!


Et apres?
Certains me demandent quand est ce que je compte rentrer a Geneve...
Je comptais, le jour de mon depart, commencer "probablement" l'universite en octobre 2006.Ca me laissait jusqu'a un plus de 14 mois de voyage, une etendue immense d'inconnu qui me faisait fremir.
Il y a deux jours, 15 mois s'etaient ecoule depuis mon depart.

Ce que je n'ai pas dit a grand-monde, c'est que depuis deja fevrier-mars de cette annee, j'ai decide de m'octroyer une annee supplementaire.J'ai le vif sentiment que ce voyage est un moment unique de ma vie, et meme si rien ne m'empeche de repartir un jour(ce qui arrivera surement une de ces prochaines annees), c'est surement le seul de ce genre.Des lors, je desire le mener sans concession ni compromis(ce qui induit des sacrifices, et j'en ai deja fait beaucoup), l'achever entierement et revenir repu pour quelques annees au moins.
Le but reste le Japon, mais comme je voyage plus que prevu(depassant donc mon budget et depensant un argent qui n'est plus le mien) et que je me donne assez de temps, je compte trouver du travail au Japon, de quoi remplir un peu le protemonnaie, mais aussi parce que je sens que c'est une assez bonne maniere d'aborder ce pays ou a mon avis meme le boulot relevera du voyage, j'entends du voyage dans une autre facon de fonctionner et de penser.
Arrivee prevue au Japon:janvier ou fevrier 2007.Et si tout se passe comme je l'espere,a Geneve avant octobre 2007.
Voila, vous savez maintenant ce que j'ai neglige de vous dire depuis longtemps deja...


Tout le meilleur
Que votre ombre grandisse
A+
Adrien

15 octobre 2006

Horizons centrasiatiques

Ciao!

Encore a Doushambe, bien occupe entre visas et copine!

Il y a un an je venais d'arriver en Turquie apres deux bons mois de voyage dans les Balkans,de Ljubljana a Alexandropolis en passant par les inoubliables Sarajevo et Belgrade, entre autre merveilles...
On est en plein ramadan et j'etais arrive en Anatolie le jour de la mi-ramadan.C'est dire si je m'en souviens!J'avais decide, par respect et aussi juste "pour voir", de faire le jeu^ne.Deux choses m'avaient marque:Les nuits "bifides" parce qu'on se reveille a quattre heure du matin pour manger, apres 4 heures de sommeil(generalement), et que du coup on se recouche apres jusqu'a huit-neuf heure.Et l'atmosphere fraternelle, voire familiale, des repas qu'on m offrait.Excellente occasion de decouvrir la richesse et la diversite de la cuisine turque.

Cette annee je ne fais pas le ramadan. (pour ceux qui se poserait la question, apres un an de voyage en pays d'Islam, je ne suis pourtant pas musulman!) D'ailleurs a Doushambe peu de gens respectent le jeune...quant a moi, j'etais au pamir,ou a peu pres personne ne le fait, lorsqu'il a commence.



Plus exactement, le dernier jour avant le ramadan j'etais dans un village appele Roshan("la lumiere" en farsi).Arrive de Khorog apres un detour dans les Pamirs de l'Est, a peine descendu du bus j'ai entendu de la musique venant d'un jardin.je me suis approche discretement et j'ai ete comme happe par la foule qui m'a propulse au debut de la table, pres de la place des maries.Car evidemment c'etait un marriage.
Un marriage pamiri:des centaines d'invites(souvent une bonne moitie du village, et Roshan est un des plus grands villages du Badakhshan), deux jours de banquetterie, de festoiement et de musique live, et enfin des coutumes ismaeliennes particulieres, comme le passage d'un bol rempli d'une mixture quasi-secrete(generalement lait,miel,farine,entre autre...) des levres du marie a celle de la mariee,qui scelle l'union.
De par ma qualite d'etranger, double de mon origine suisse(l'imam des temps des musulmans Ismaeliens, c'est-a-dire le successeur en droite ligne du prophete Mohammed est ne et a grandi a Geneve), j'etais devenu VIP, ce qui ne les a pas empeche de me presser de danser.Je me suis execute avec plaisir: en adaptant un peu le pas afghan, en mettant un peu plus de manieres dans les mains, et en improvisant pas mal, on obtient grosso modo la danse des Pamirs de l'Ouest.
Mes hotes etaient tellement ravis qu'ils ont envoye l'arriere-grand-mere m'offrir une enorme paire de chaussettes multicolores.
Bien plaisant aussi de pouvoir parler en vrai farsi, car comme ici on parle une autre langue du groupe iranien, tres archaique(le dialecte Roshani du Shughnani), on apprend a l'ecole un farsi tres litteraire,contrairement au "tajiki" sorte d argot mine par 20% de mots russes.
J'ai accepte de bon coeur le verre d'arak que le Khalifat(guide religieux du village) m'a propose!Excellent exemple de la tolerance des Ismaeliens...
Le lendemain, lorsque j'ai vu quelques hommes soigner leur gueule de bois par quelques bols de vodka, j'ai compris que le ramadan par ici est surtout symbolique...

Moi je m'etais modere, et j etais d'aplomb pour attaquer a pied la vallee de Bartang(de bar: raide et tang: etroit), juste le coeur un peu serre de quitter cette famille(celle de la mariee) adorable qui m'avait presque adopte.Mais un bon shir chai me consola bien vite: the, lait, sel, une grosse noix de graisse a faire fondre dedans, puis rompre une galette dedans, avant d'en repecher les morceaux.Le moins qu'on puisse dire c'est que c'est lourd mais a cette altitude on y prend gout!!!

Bartang prend parfois des airs de Chitral, avec cette muraille de montagnes de chaque cote(deux cretes qui depassent souvent 6000m.), cette mineralite brute et ces villages poses dans un meandre avec l'eclat detonnant d'un oasis.Mais c'est plus raide, en effet.Et les montagnes sont beaucoup plus fantaisistes: Chamarres de beiges, faces entierement rouges, degrades mauves et ocres, veines noires, et pointes bleues de neiges eternelles.

Avec ses 200 kilometres de long, je ne suis pas arrive jusqu'au bout de la Bartang en cinq jours de marche et de camion(a peine plus rapide).Mais si j'etais alle plus loin, je serais arrive au lac Sarez, qui un jour-nul ne sait quand, tavakalt'e Khoda- se liberera de la gangue d'eboulis qui l'a forme accidentellement au debut du siecle, et inondera toute la vallee de l'Oxus jusqu'a Samarcande.Plus loin encore, je serais arrive sur le haut-plateau des Pamirs de l'Est,dont je revenais par cette route qu'on a baptise Pamir Highway.
Une route bitumee il y a deja 70 ans de cela par le prevoyant gouvernement sovietique, mais qui depuis l'"independance" n'est plus entretenue, si bien qu'elle se disloque et se croute sous les roues des puissants Kamaz.

La-bas, a ce qui semble etre un des bouts du monde, il y a une petite ville sovietique ou les poteaux electriques remplacent les arbres qui n'existent pas dans cette region du monde, ou des Kirghizes en kalpak incongru mangent du yak dans des maisons aux murs blancs lepreux... C'est Murghab.

Murghab... et la steppe immense tout autour.
Une ville la ou il ne devait pas y en avoir, la ou le nomadisme est la seule survie possible.Ne au 19e comme poste militaire pour garder ce coin de Russie si strategique, elle a prospere sous l'URSS qui avait interet a "montrer l'exemple" aux voisins chinois,afghan,et britannique(puis pakistanais).Mais apres l'implosion de l'union,Murghab qui etait sous perfusion de Moscou via Osh(au Kirgizistan maintenant,un des plus important bazar d'Asie Centrale), s'est retrouvee livree a elle-meme dans la solitude des teresken et la megalomanie du climat d'un haut-plateau desert a 4000m.d'altitude.
Les Kirghizes n'y vivent pour la plupart qu'en hiver, estivant a la belle saison dans les jailoo("paturages")avec les yourtes.
Lorsque j'etais la-bas, fin septembre, c'etait precisement la fin de l'estive.Apres un peu de route a pied ou perche sur un camion, arrivant au hameau de Subashi(ou on egorgeait et depecait 11 yaks en prevision de l'hiver), puis en continuant dans le chaos des croutes de sel et des boursouflures de touffes d'herbes,a me coincer le pied tous les 50 metres dans ces ruisseaux de tourbiere presque souterrains,... j'ai enfin trouve une yourte.Une seule.C'etait un jeune couple avec ses deux petites filles, dont la plus agee-5 ou 6 ans-m'offrit le the avec la main sur le coeur comme le veut la tradition.
Requinque par la petite famille Kirghize, je repartis pour faire la vingtaine de kilometres qui me separait de Murghab... juste a temps pour voir un immense mur noir s'avancer vers moi.Ca prenait toute la place, du sol jusqu'au ciel, et reduisait progressivement l'horizon...au loin, mais s'avancant,et s'avancant tres vite.je suis reste ebahi quelques secondes avant de realiser que c'etait une tempete.
Une tempete givrante,une sorte de trou noir ambulant, qui opacifiait tout comme si les montagnes disparaissaient apres.A l'interieur:vents anarchiques, grele, et temperatures polaires.
Je me suis mis en boule,la tete entre les genoux, en essayant de proteger mes oreilles et mon visage...

Ca a passe.Assez vite meme.Je tenais encore en un morceau, mais le paysage avait change:la steppe et les montagnes etaient couvertes d'une mince et coriace couche de neige, et le calme etait encore plus assourdissant qu'avant.


...arrive a Murghab a temps pour le shir chai de l'apres-midi, dans la bicoque de mes hotes Wakhi.
Et puis le lendemain je suis revenu en auto-stop a Khorog, c'etait quelques jors avant d'arriver a Roshan et d'amorcer le retour(pas en avion cette fois, j'ai bien dis que c'etait une exception) vers Doushambe.
La capitale, j'en partirai sous peu.J'ai en poche mes visas pour la Kirghizie et l'Ouzbekistan(tres dur a avoir depuis le massacre d'Andijan l'annee derniere);je suis pret pour cette derniere partie de l'odyssee centrasiatique(quelques mois encore)!

Bonne rentree aux universitaires, tout particulierement a certains camarades voyageurs qui retournent desormais a la morosite genevoise.

Bisous
Adrien

16 septembre 2006

Pamirs

Khorog, Gorno-Badakhshan.

On appelle ca aussi "Pamirski territorje"...le toit du monde,ou de l Asie en tout cas.La plupart des villes et villages sont a plus de 2500-3000m.,et les montagnes(100% du territoire)montent au-dela des 7000.
On est cerne:A l'Est, les Kunlun Shan,qui ont des bons 7000 aussi.Au Sud-Est, l Himalaya -rien que ca, le Karakoram,et l Indu Raj.Au Sud et au Sud-Ouest, l Indu Kush qui souleve tout l'Afghanistan.A l Ouest,les montagnes Fan, au Nord les Monts Alai et les Tian Shan Kirghizes... Il vaut mieux aimer l altitude.

A Doushambe je me plaisais bien, entre mon bloc 102 chez mes potes Afghans, le bazar du bloc 82, mes amis suisses ou francais qui travaillent ici, ma copine, et le centre assez vivant comme au "bazar vert" ou les terasses ombragees de l avenue Roudaki.Apres six mois de tribulations dans des pays assez "sauvages", c etait la premiere ville qui a la fois etait digne de ce nom et a la fois etait sure.Ici pas de fusillade en plein jour, ni meme la nuit, pas de train attaque a la roquette, pas d ingenieurs etrangers assasines, pas d'Ong kidnappees... c est calme, et un peu de calme de temps en temps ca fait du bien.On y prend gout.

Il faut parfois des exceptions, ne serait-ce que pour confirmer des regles.Ainsi le 8 septembre j ai pris le самалёт... l'avion,quoi...pour un vol court mais assez inhabituel.De Doushambe, la capitale, a Khorog, le chef-lieu de l Oblast Autonome du Gorno-Badakhshan.(C est doublement redondant, puisque que gorno veut dire montagneux en russe, et shan montagne en chinois...mais on n a pas besoin de ca pour savoir que le Pamir est montagneux).
Quarante-cinq minutes, c est court, mais c est dense.Le coucou slalome litteralement entre les montagnes, qui sont de plus en plus hautes, en rase-motte au-dessus de sommets glaces, et un atterissage en pique en vis-a-vis d un mur de roche sur une piste calee dans la gorge du haut-Oxus.
Ici les montagnes ont quelques chose de plus, et vu d en haut c est a couper le souffle: Les traits ciseles des ruisseaux invisibles, la palette des beiges, des ocres, des sanguins, et l eclat de la glace, le velours dore de ces pentes trop humbles pour supporter des forets, et enfin les immenses rosettes fractales que taille l erosion.

Passer de Doushambe a Khorog, c est un peu comme passer de Syldavie en Bordurie!!!Il y a tres exactement cette ambiance des Balkans imaginaires de Tintin,et on ne placerait pas plus facilement sur une carte le Gorno-Badakhshan!

Ici on parle Shughnani, un patois tres archaiques du persan.Je n y comprend goutte.

Retour chez les Wakhi.

D ailleurs j ai file droit vers le Sud de la contree, pour retrouver des Wakhi.C est que la moitie du Wakhan inferieur est au Tadjikistan,coupe dans la longueur,la riviere faisant la frontiere.

A partir de la moitie de la portion tajike du Wakhan, je suis alle a pied, a cause du paysage grandiose et de l hospitalite qui permet ce denuement.Si on n y prend garde, on risque de passer plus de temps a manger pommes, confiture d abricot et potok epais trempe dans du the sale, que de marcher.Les Wakhi ne font pas de ronds de jambes comme les Iraniens, ils vous prennent par la pogne et et vous emmene chez eux:"Khosh amaded!".Et c est de bon coeur que j entre dans ces maisons ismaili aux cinq piliers et toit a quattres losanges superposes, parce que la nuit est fraiche et que le soleil du Wakhan tape comme un forcene.J ai des coups de soleil sur les mains, que j ai pourtant garde au fond de mes poches.

Tout le long du Wakhan, forteresses zoroastriennes ou meme stupas bouddhiques surplombent les mazar(tombeau sacres) ismaeliens decores de moult cranes de bouquetins et les immenses cornes de la chevres de Marco Polo.

Plaisir immense en tout cas que de ressortir les cliquettis de la langue wakhi,comme pour demander la source la plus proche:"Ypk k'k kumr tei?"

Mon horizon desormais c est les pamirs de l Est, hauts-plateaux des nomades Kirghizes.

A+

Adrien

29 août 2006

M'y voici, tovorichtch!

Zdrasdvuytye!(Eh oui, on passe gentiment au russe)

La voila enfin l Asie Centrale, celle dont on entend parler dans les journaux.Meme si pour moi, l Asie Centrale, la vraie, je viens de la quitter.C etait celle des turbans de 10 metres, des coupoles bleues ou tourbillonent les zikr des souffis en transe, des monuments historiques inestimables que personne ou presque ne va jamais voir, perdu dans des fiefs talibans ou des montagnes habitees de transhumants...Et de tellement d autre chose.Bref c etait l Afghanistan.

Alors comment appeller les contrees qui remplissent mon horizon depuis que j ai passe l Oxus(l Amou-darya) il y a quattre jours?
C est d abord l'(ex-)U.R.S.S.(oui, j hesite a mettre le "ex-").Ensuite alors, par deffaut, on appellera ca aussi Asie centrale, mais on gardera a l esprit que la slavitude y a construit autant qu efface, avec une efficacite sans detour, et que ca se voit.
Ne croyez pas que je me plains de l heritage sovietique, une fois que j aurai digere les mille "registratsia" et autres permis speciaux qui chacun coute de nombreux dollars(Ah, ces pays qui ne font pas confiance a leur monnaie!), je profiterai alors pleinement de mes nouvelles libertes (Ca fait quand meme plaisir de pouvoir parler au sexe oppose sans avoir a craindre qu un grand frere vienne vous liquider).

Si je n avais pas ete clair, je suis a Doushambe, Tadjikistan.Drole de pays.Chaque chose m est vaguement familiere mais leur agencement me parait incongru:Les gens parlent la langue de l Iran en vivant comme des Russes, toutes les femmes sont habillees comme des paysannes Bosniaques et les hommes ont des petits chapeaux carres...ceci au milieu de blocs tous identiques(Je suis dans le Blok 102... et vous?); entre deux voies d autoroute on fauche a la serpe ce qui fait diablement penser a un bout de cocagne macedonienne...
Et les tetes des gens!Il y a de tout, et tous les melanges possibles.On distingue des traits altaiques par-la, slaves par-ici, ougriens de ce cote,... et finalement on ne cherche plus parce que c est impossible de savoir.Cette contree est un carrefour de peuple depuis des milliers d annees, et ils y ont tous laisse un paquet de chromosome.Allez-y pour les dissequer a vue!Moi j ai abandonne, je me contente d observer.

Bientot de nouvelles anecdotes centrasiatico-sovietiques, que j essayerai de develloper en parallele du post sur l Afghanistan que j ai a peine entamme(il y a encore tellement a dire sur cette partie du voyage...parfois j ai envie de garder tout ce que je n ai pas encore raconte sur l Afghanistan pour moi)

Salutations socialistes

Adrien

17 août 2006

bien a vous, d Afghanistan



Bismillah-irahman-irahim!


Encore une fois,je suis a Kaboul.En Afghanistan toutes les routes menent a Kaboul,et seulement a Kaboul.

Il va donc falloir que je vous detaille mes peripeties?Soit.C est parti!

L Afghanistan n est pas seulement la voie la plus courte du Pakistan a l Asie Centrale ex-sovietique(les "-stan"),c est surtout un pays qui me faisait rever depuis longtemps.
Dans les Chagai hills(le train baloutch, vous vous souvenez?),vers Quetta,au bout de la vallee de Chapursan qui mene aux confins du Wakhan tout comme Yarkhun et les vallees Kalasha qui rejoignent les monts du Nouristan,je m etais approche de tres,tres pres.Apres avoir flirte avec la frontiere cote Pakistanais,il fallait que j y entre pour de bon!

Alors apres la fournaise de Peshawar(48 degres), j attaquai enfin le fameux Khyber pass.Le jour precedent, j avais obtenu en deux heures et pour peu d argent mon visa afghan...enfin un visa facile a obtenir!Vraiment facile.
En revanche, personne ne m avais indique qu il fallait un permis special pour traverser la zone tribale qui se trouve entre Peshawar et la frontiere.Je l ai appris au dernier moment,et je me suis dit, Y'allah kheyr, je vais le tenter sans permis, c est pas un bout de papier qui protege dans ces coins-la!

Le lendemain, un peu tendu je l avoue, j ai pris un minibus pouilleux de Karkhano,le bazar des trafiquants.Les bus pour la frontiere partent seulement d ici.Apres une attente intenable, le chauffeur a demarre, et j ai franchi le premier obstacle:la frontiere des zones tribales,qui commence immediatement apres Karkhano.Personne n avait capte mon origine non-pashtun et/ou non-afghane.Il y avait encore une heure a tirer jusqu a la frontiere.
Les maisons ici deviennent des forteresses:Une enceinte en pise de 5metres de haut,en quadrilatere,avec un mirador a chaque coin... tout ca pour ne pas qu on voit les femmes?Siderant! Et aussi parce que les Pashtun sont des guerriers,et un guerrier vit dans une forteresse.Logique,non?Enfin,c est ma theorie.Si vous en doutez,allez leur demander.
Le Khyber ca n est pas un col a proprement parler,mais plutot une longue montee en colimacon.Une voie de chemin de fer des plus saugrenues joue a cache-cache avec la route en passant a travers un nombre incalculable de tres courts tunnels,ou sur des ponts en pierre seche.
On traverse Landi Kotal et son bazar bourdonnant et plus magouilleur que tous.Ici la seule loi c est le pashtunwali!!!Et aucun pays,aucun gouvernement ne le conteste.
Et puis la voila,la frontiere:un replat(cense etre le col,peut-etre),et un pont.Le pont,c est la frontiere!Des familles entieres avec des ballots gonfles comme des baudruches, des sacs de riz remplis de tout sauf de riz,sur des charriots a roulettes,des troupaux de chevres,des floppees de coitrons a peine surveilles par des burqas anonymes et bien impuissantes,plus occupees a faire avancer un ane teigneux charge de couvertures pendant que leur barbu de mari serre des mains... tout cela passe dans la confusion la plus totale.

Suis alle montrer ma face a la douane pakistanaise,qui m a demande ou etaient mes gardes armes, mon taxi prive et mon permis, j ai dis nichta,mon oncle.Ils ont voulu me faire retourner a Peshawar,"for my safety",prendre tout cet attirail qu ils me reclamaient.Et puis, au bout d un moment, ils se sont resignes.J ai passe le pont,trouve la douane afghane qui etait bien cachee, dit bonjour a Massoud qui toisait le bidasse qui a paraphe mon visa...
J etais arrive en Afghanistan!


1.Kaboul

"Lorsque le voyageur atteint Kaboul,[...]il se flatte d etre arrive au bout du monde.En realite, il vient d en atteindre le centre."N.Bouvier
C est vrai.
Kaboul,ce fut d abord pour moi un des bazar les plus vibrants que j ai vu.Imaginez:une foule compacte comme jamais,sans arret on cogne des turbans ou s encouble dans les drappes d un voisin.Des marchands du Khorassan au Badakhdhan,du Pendjab a la Bactriane, du Ghorband a l Arachosie, en passant par le Hazarajat et le Registan,viennent jusqu ici.
On y achete et vend avec frenesie, des cereales,des clous, des tetes de chevres, du toc chinois, des jus de fruits iraniens, des tapis bleus, des epices, du naswar, des couteaux US, des abricots frais, des racines de noyer, des perches en bambou, des couvertures pashtun, des turbans d Herat et des burqas du Wardak, des casseroles enormes, des images de stars bollywoodienes, de la farine russe, des recipients en pneu usage, des toques en astrakhan turkmene, des poules pretes a etre saignees, des chaussures en plastic du Pakistan, des pasteques demesurees,et mille et mille autre chose.
Le Sud et l Ouest dela ville sont lamines par les 25 annees de guerre civile,tandis que Shahr-e-nau(la ville nouvelle),pas grande mais proche du quartier des ambassades,se transforme continuellement.J ai fait 4 sejours a Kaboul, et j ai vu des changements nets a chaque fois au sud du Park-shahr-e-nau.En l espace de deux mois, 4 ou 5 centre commerciaux a l amerloque se sont eriges,des restos ont ouverts, des restos ont ferme, le nombre de distributeurs automatiques a quadruple,et ca ne s arrete pas!Vous appelez ca "du devellopement"?C est tout le contraire!Il y a un afflux de richesses qui profite a une extreme minorite, dont un tres grands pourcentage d expatries,alors que tout le reste des habitants se demene au quotidien.Le devellopement, ce serait de palier l enorme carrence en eau a laquelle la ville fait face depuis qu elle a gonfle de plusieurs millions d habitants, ou mettre a la retraite les chefs de guerre demi-dieux qui gangrenent le pays... mais c est trop difficile, alors "on" se contente de brasser de l air, de la paperasse, des projets " de reconstruction" bidons, et "on" va ramasser l argent de Bruxelles et New-York pour le depenser dans les Mall de shahr-e-nau.

Qnad je dis "on", je pense en particulier au "Monde des expat'".A Kaboul il y a deux monde parralelles, qui se cotoient toujours, parfois avec des frottements, mais jamais ne se voient.
Le monde des Afghans, d abord, essentiellement des ruraux urbanises.
Le monde des expat' ensuite, ONU, ISAF, O.N.G.(il y en a environ 3000), entreprises etrangeres...

Un mur opaque les separent, pourtant ils vivent l un a cote de l autre.L avantage, lorsqu on est voyageur comme moi, c est qu on peut passer de l un a l autre a son gre. ...meme si on finit toujours par etre degoute du monde des expat'.

Je suis monte dans une jeep d Oxfam(ong us)-comment j en suis arrive la serait long a expliquer-,voila le topo:Une 4x4 blanche avec une antenne de 3 metres de long, des que l on est a l interieur les portes sont cadenasse automatiquement et le chauffeur bloque les vitres.Si un membre de l ONG veut aller au resto ou meme simplement acheter des cigarettes au coin de la rue, il doit demander la permission a trois types differents, et ca n est pas sur qu il recoive l autorisation!D ailleurs,dans la plupart des 3000 ONG, ainsi qu a l ONU etcaetera, il est formellement interdit de parler avec un Afghan.On m en dira des nouvelles, de l amitie entre les peuples par l humanitaire et blablablabla.ONG,ou comment creer des murs:en beton,psychologiques,ethniques et entre classes!!!!

Heureusement il y a quelques exceptions,expres pour confirmer la regle.Comme MADERA, cree par un Pyreneen genial qui a passe ces 22 dernieres annees en Afghanistan, traverse tous les regimes et toutes les sales annees,et qui plus est dans un coin pas facile:La province de Kunar et du Nouristan( entre autre), d ou le djihad est parti et ou la guerre depuis lors ne s est jamais terminee.Il connait pas mal de commandants moudjahidin, de tous bords et finalement peu importe le parti ou la fraction, pour lui se sont des hommes, des chefs de tribu accessoirement, et ce sont ceux avec qui il doit travailler(ameliorer l elevage des chevres, la culture du topinambour ou la sauvegarde des dernieres forets de cedres du pays, par ex.) Mais ce qui m attache a lui, ce sont surtout les geniales digressions dans lesquelles il s emporte volontiers, sur le traffic des arbabs de Djibouti ou les origines sogdiennes de la Bactrianne, la colonisation du Khwarezm ou les razias turkmenes sur les campements de Kurdes nomades du Khorassan.


2.Ghazni-Paktya

Ghazni, c est deja le Sud... sur la route Kaboul-Kandahar, celle qui mord soi-disant!Elle ne mord pas mais c est vrai que ca n'est pas la plus sure du monde.il n empeche que cette route est belle, et la prochaine fois je la ferai en entier(et celle du Dasht-e-margo aussi).

Apres avoir soupese ma vie dans la balance du risque, j ai estime que j avais assez de chance pour y aller sans casse(et en revenir) pour tenter l aventure.
Dans le minibus, j etais a l aise, le passager a cote de moi etait bavard mais monologuait surtout,je me contentais de repondre en parlant un minimum(en farsi).de toute facon toute l attention des gens etait accaparee par un groupe de tribaux de je-ne-sais-quel bled du Pashtunistan qui rechignaient a payer...ils en jetaient plein la vue avec leur barbes immenses et leur gros turbans noir et or, leur patun(couverture-chale) en plein ete!

A Ghazni je me suis pointe directement chez Haji Sher Alam, le gouverneur... qui n etait pas la.Alors les bidasses m ont dument controle et fouille, offert un peu de leur gruau, amene au chef de la police, et la rebelote controle-questions.Puis une grosse legume de l administration m a prete, comme ca, parce qu il est Afghan, une jeep avec chauffeur,deux gardes en civil et un militaire.C est bien pratique, parfois:j ai pu voir les deux minarets neuf-centenaires sous toutes les coutures(ils etaient un peu reticent a ce que je photographie le cimetiere des chars sovietiques,mais tout autour des minarets il y en a tant que j en avais forcement dans mon objectif), monter dans la citadelle qui est bien minee(eux connaissent), et rendre hommage a Mahmud-Khan-e-Ghaznevi,le Turco-mongol qui poussa ses conquetes de l'Indu Kush a la plaine du Dekkan(en pleine Inde), avant que son empire se fasse devaster par le Ghoride Ala-ud-din Jahansuz.Il a un modeste ziarat(tombeau-lieu de pelerinage), rien de mirobolant sauf quand un souffi qui fait son zikr depuis Kaboul vient s y ecrouler, completement parti, encore secoue de spasmes:"Allah HHou,Allah HHou!", comme c est arrive au moment ou je sortais.
Les flics m ont case dans un hotel bien situe, proche du bazar et de la vieille ville qui est une des plus passionante que j ai vu.Ghazni, je m en souviendrai longtemps!

Ensuite, histoire de ne pas reprendre la meme route qu a l aller, j ai fait un grand detour par Paktya et Logar.
La route Ghazni-Gardez, c est quelque chose: Des paysages volcaniques, des fortins pashtun comme on en fait qu au Waziristan, et pas une SEULE burqa!!!On est pourtant en plein fief taliban, mais c est aussi le coeur du Pashtunistan, et ici il n y que verts suaves, rouges carmins, oranges subtils et violets capiteux,et a peine un voile lache sur la tete.


Pour aller a Gardez:une seule solution,des vieilles Toyota qui partent des qu'elles sont pleines-suffit de quattre ou cinq passagers.Ma place etait dans le coffre,la barbe contre la vitre.Je n'ai pourtant pas echappe aux questions,et avec les trois heures de route cahoteuse, il n'y a que trop de temps pour que les quattres tribaux en posent.je declarai que j'etais Chitrali,pratique comme les Chitralis ont la peau claire comme moi mais en plus sont musulmans sunnites.

Le but etait qu'ils ne me decelent pas comme un etranger, car etranger ici signifie argent et que ces collines volcaniques etaient l'endroit reve pour se debarasser de moi sans que personne ne sache.Telle etait ma crainte, la leur etait tout autre:c'etait que je soit candidat a l'attentat-suicide.Nous etions a peine parti que deux des barbus a pakol se mirent a paniquer, avertissant le chauffeur que leur familles et leurs surement tres nombreux enfants avaient besoin d'eux pour un temps encore,que je ne pouvait pas rester.Se tournant vers moi ils me demanderent encore une fois si j'etais arabe, et ce que j'avais dans mon petit sac noir... situation completement inimaginee:je me retrouvai a tenter de rassurer des vigoureux partisans des taleban...qu'ils n'allaient pas mourir aujourd'hui au nom de l'Islam-pas par ma faute en tout cas.

Cette eventualite macabre ne derangeait manifestement pas un pashtun de Khost,visiblement honore de ma presence.Il me demanda de nombreuses fois pendant le voyage,dans un sourire qu'il peinait a cacher, si je n'etais vraiment pas venu pour le djihad.Je dementis a chaque fois.


Si je n'etais pas un endoctrine,alors je devais etre un etranger,espion peut-etre, penserent-ils alors.Aie!mauvais pour moi...Mais avec ma barbe folle, mon teint de talib qui a passe sa vie en madrassa,mon shalwar-kamiz blanc,mon keffieh,mon sac mysterieux et ma connaissance du farsi,il ne pouvaient s'y resoudre.Je devais etre un djihadiste!Je soutenai mordicus ma version:Chitrali,musulman mais pas talib,venu pour voir du pays,un seyyah(voyageur) quoi!Difficile a avaler pour eux, mais j'affichais un sang-froid(contrastant avec les battements de mon coeur,parce que j'avais vraiment peur)qui les desorientait.


Pour les rassurer, je sortai mon rollei et fixais sur pellicule le paysage et eux-meme.Ca detendit legerement l'atmosphere,pas plus.

Je senti le souffle de tous s'arreter lorsqu'un convoi de l'armee americaine nous croisa,et des prieres-exaucees, s'envoler furtivement!

Je vis aussi des taleban a velo, un maitre et un disciple,leurs turbans blancs claquant dans l'air epais.

Singulieres apparitions,ici quotidiennes.


Gardez... le gout des melons ne change pas beaucoup,et ils ne valent pas ceux de Samangan.Poussiere omnipresente, environ 40 degres.Un gros bourg aux rues riches de detritus cuisants au soleil,les memes helements de bazar qu'ailleurs...

Mais a bien y regarder,il est evident que l'on a change de contree:Il y a ces pakols en forme de cone ecrase,larges et rigides comme ceux du Waziristan qui n'est plus tres loin.Et surtout ces tas immmenses de bois de Chilghoza(Pinus gerardiana) et de gnevrier,parfois meme de cedre odorifere, arraches a la montagne et qu attendent d'etre envoyes vers Ghazni et Kaboul.Reliques des sublimes et rares forets afghanes, presque reduites a neant.

Le Paktya.