20 décembre 2006

Les trois Khanats

Boukhara,Kokand,Khiva… les trois Khanats.Ils se partagaient la majeure partie de la’Asie centrale avant l’arrive russe.

Je suis en plein Coeur du troisieme,après un grand detour vers l’ex-mer d’Aral.

Khanat de Kokand.J’etais a Kokand,dans la Ferghana, au debut de mon sejour ouzbek.ce Khanat s’etendait jadis de la Kashgarie au sud du Kazakhstan actuel,en passant juste au-dessus de Tashkent.D'anciens monuments, il ne reste guere plus que l’ancien palais du Khan, dont la moitie est effondre…rien a cote des cites des deux autres Khanats.Pour moi Kokand c’etait surtout un palau/plov(riz cuit dans la graisse de mouton avec des carottes rapees, des raisins secs et des morceaux de viande; celui du ferghana est repute etre le meilleur de l'Asie Centrale) delicieux et une hospitalite toute ouzbeke.


Khanat de Boukhara.Des siecles avant les Khan Shaybanides, Boukhara illuminait deja cette partie du monde,et cala meme avant que l’Islam n’y penetre.La ville devait etre alors bouddhiste,zoroastrienne…nestorienne peut-etre.

A partir de la deliquescence de l’empire de Tamerlan et du partage de la region en trois etats shaybanides, Boukhara en devient le principal et englobe Samarcande,Shahr-e-sabz(ancienne Kesh, ville natale de Timur/Tamerlan),Termez et meme Balkh/Mazar-e-sharif ou le Badakhshan, a son apogee.

Arrive a Samarcande, après l’instant d’emotion vint la douche froide du prix d’entrée des monuments.On fait connaissance avec l’Ouzbekistan touristique(Question classique et execrable:”mais ou est ton groupe?”).Le Registan en vaut pourtant la chandelle.
Drole de sher dor, grand iwan decore d’une paire de lions doubles de tetes humaines rayonnantes, dans ce qui fut la ville principale de l’Islam,une religion qui interdit strictement la reproduction artisique d’etre vivants!!Le clou de l’ensemble est l’interieur en or de la mosque tilla-kari,le fameux dome d’or de Samarcande.Ebahissant!Pas pour les kilos du metal precieux qu’il a fallu utiliser, mais pour le cisele et le relief des motifs…

Aux proportions de cathedrale,c’est l’iwan(porte-arche) de l’ensemble dedie a Bibi-khanom(une trentaine de metres).Entierement recouvert de ceramiques a emaux bleus,forcement!Tout autour, ruelles-labyrinthe de la vielle ville, truffee de cours en murier sculpte et de petite mosques en bois croulantes de ne plus etre beaucoup utilisees.

Ce qui attire l’imagination encore plus que l’oeil, c’est le shah-i-zindah, groupe de mausolees originaux (et tant mieux parce que dans l’islam l’art est un peu trop souvent de l’imitation) en brique beige decoree ou non de ceramiques bleues,sur le flanc d’une colline recouverte de tombes, le cimetiere de la vielle ville de Samarcande.C’est le l’endroit de la ville qui a peut-etre le plus de caractere, et celui que j’ai choisi pour mon carnet a dessins.
La tombe de Tamerlan(Timur-e-lang, Timur le boiteux),artisan d’un gigantesque empire au 15e siecle,n’est pas la,mais dans le non moins superbe Gur-i-amir, avec quelques-uns de ses proches.Il avait pourtant demande a etre enterre comme un homme ordinaire et dans sa ville natale, Shahr-e-sabz…

L’emplacement prevu l’attend toujours,d’ailleurs.Il n’y sera surement jamais deplace mais le gouvernement,disons le president(puisqu’ici c’est la meme chose), a fait couler la-bas une statue celebrant le conquerant, en mal d’un heros national après le divorce d’avec Lenine.Elle trone en face de l’Arche geante du palais de Timur dont il ne reste que les deux piliers,ce qui reste tres impressionant!

A des heures de routes dans le desert de la, en passant par Karshi ou reside une petite communaute arabe laisse la un peu seule après la “conquete” de la ville au 8e siecle par les Sarrasins(conquete toute relative puisque l’islam n’y a ete definitivement implante que bien plus tard,avec les Kok turk et autres altaiques),m'atendait Boukhara.

Foncierement aryenne/indo-europeene, la region etait une sattrapie perse au temps des Achemenides, et deux millenaires et demi apres, on y parle encore un patois persan.

Mais le dialecte persan de Boukhara est a mille lieux du farsi de Rayy(Teheran)!Il faut vraiment etre passé par l’Afghanistan(et son dari), puis la Sogdiane(et son tajik) et finalement Samarcande, pour y comprendre quelque chose.Cela reste pourtant du tajik, et lorsque je met mon tchapan(grand manteau traditionnel remboure de coton), je paie le prix pour Ouzbekistanais a la caisse, en tchatchant un peu.

Il faut dire que c’est l’endroit le plus touristique d’Asie centrale, et il semblerait qu'en saison il y ait une quantite de touristes francais…On croirait etre en Tunisie quand les marchands de souvenirs helent n'importe quel visiteur aux traits europeens en francais avec un accent qui n’a certainement pas ete appris a l’universite contrairement a ce que certains malins pretendent!Il y a un mot que tout les habitants de la vieille ville connaisent, c'est "mille"...mille som ouzbek(~1dollar).

Ce desagrement passé, Boukhara s’impose comme la plus vivante des villes anciennes d’Ouzbekistan, avec une vieille ville etendue et vierge de tout batiment moderne, habitee par les meme familles depuis le temps du khanat ou meme avant, et semee de medresse et de minarets.Il y a notamment l’ark(citadelle), un peu trop restauree, et le minar-e-kalan,qui comme son nom(tajik) l’indique, est grand - 45m.,c’est moins que celui de Jam en Afghanistan,et moins ancien, mais ca en jette, massif mais avec en plus cet air inimitable de presse-agrume monte sur un cou de giraffe),deux symboles de la ville.

En hiver, soulagee des hordes touristiques europeennes, la ville est paisible et encline aux rencontres.
J’ai colle un jeune prof de la madrassa mir-e-arab(la seule de l’URSS qui resta en fonction), quant a l’interpretation des hadith par les differentes ecoles de l’Islam.Avec le recul, je me dis que c’est assez fort pour le kafir(non-musulman) que je suis.

J’ai aussi discute en tajik avec une fillette qui mendiait devant la Jome Masjid(Mosquee du vendredi,juste en face de la mir-i-arab), ravie de papoter un peu.J’ai remarque que ca faisait tres longtemps que je n’avais pas parle avec un enfant, et les enfants ont des questions o combien plus essentielles que les inevitables”Peux-tu me donner un visa pour la Suisse””Combien on gagne la-bas?””Est-ce je peux aller travailler la-bas?!”des adultes. Il est vrai qu’alors que mon pays inspire au Pakistanais ou un Indiens “des montagnes immenses couvertes de forets”(a cause des films de Bollywood), il rappelle surtout les banques aux Ouzbeks(a cause de leur president bien sur).L’un d’eux m’a meme pretendu qu’en Suisse il etait inutile de travailler!Quand je vois mes parents, je me demande…

Parle aussi avec certains des derniers juifs de Boukhara, une tres ancienne communautee juive en pleine Asie Centrale, qui comptaient pour 10'000 habitants en 1989, et a force d'emigration massive vers Israel et les Etats-unis, a chute a environ 400 aujourd'hui.Cela pourtant n'inquiete pas du tout les maitresse de la petite ecole juive, qui si elles le pouvaient partiraient aussi.Si Khoda/Ellohim exaucait un voeu pour chaque ouzbekistanais, le pays se retrouverait vide de sa population, tant tous revent d'un avenir ideal en Europe ou au Etats-unis, gaves de telefilms americains(doubles en russe) et berces d'illusions.Chacun ses reves...
Etonnant cependant d'apprendre que les jeunes de la communaute juive sont souvent restes a Boukhara, alors que les parents et meme les aines sont partis.

Je suis reste quatre jours a Boukhara, parfois assez degoute par l’esprit venal d'une partie de la ville mais encore plus ravi d’admirer ses merveilles. Un seul regret pourtant, celui de ne pas avoir participe a aucun zikr, et que la tombe de Bahauddin Naqshband(fondateur du courant souffi naqshbandi), comme celle de Khwaja Al-Bukhari(compilateur de la sharia, son mausolee est pres de Samarcande),ait ete retapee un peu trop a neuf par le gouvernement qui lui a soustrait beaucoup de sa spiritualite et livre aux touristes(cette fois-ci surtout Ouzbeks).

Mais comme disais Aleph Sorhat, un ex-moudjahid du Panjshir,compagnon d'arme de Massoud, que j'avais rencontre a Kunduz, un zikr c'est aussi admirer un arbre, regarder une fille comme on regarde une fleur,se baigner dans des fleuves paresseux ou jouir du bonheur de sentir son sang gicler puissament dans ses veines... en pensant a ce qui les a cree!

Khanat de Khiva.La derniere capitale du Khwarezm independant.Entre deux desert et les steppes Kazakh,un autre Ouzbekistan.Je ne comprend rien a leur dialecte ouzbek,sauf ce drole de “awa” pour dire oui(qu’on retrouve en langue Karakalpak,et qui est a rapprocher du “evet” turc anatolien).

Khiva est une ville a voir le soir ou a l’aube.C’est la ville ancienne d’Asie centrale que les sovietique avaient choisi de restaurer, et ca n’est pas pour rien si elle a si souvent servi de decor pour films.Je suis arrive la nuit, et a marcher a la recherche d’un toit, j’avais l’impression d’avoir remonte dans le temps.

Les autorites ont organise une magnifique arnaque avec les billets d’entrée,avec un billets surtaxe a la porte de la vieille ville qui est cense etre valable pour tous les batiments a l’interieur mais qui ne l’est pas du tout, des “extra fees” en-veux-tu-en-voila, des musees en quatre ou cinq parties differentes,et bien d’autres combines encore.

Mais je ne me suis pas fait avoir.Je dors a l’interieur des murs de la vielle ville, ou vivent quelques familles, je rentre et sort par les portes secondaires, et surtout, je prend mon temps.Rien ne sert de tout voir, ce qui est important c’est de profiter de cette atmosphere.Khiva, c’est le Khwarezm, c’est un bon plov dehors dans la lumiere sucree de l’hiver, a manger avec la main bien sur, c’est rendre le sourire d’une jolie fille qui passe dans le bazar, c’est gouter la chaleur de ces murs en pise, les crenaux ronds des murailles et rentrer repu de moments magiques.

A noter que les Ouzbekes du Khwarezm sont a mon avis les filles les plus belles de l’Asie Centrale.Comme ailleurs en Ouzbekistan(et au Turkmenistan), c'est le resultat d’un mélange entre Aryens(Indo-europeens) et Altaiques(Turco-mongols),et je dois dire qu’ici le mélange est particulierement reussi.Une harmonie dans les traits,une profondeur dans le regard et des corps a l’image du jardin de cocagne qu’etait le Khwarezm.Et surtout un nombre impressionant d’yeux verts comme le jade.

C'est peut-etre parce que le detroit de l'Amu-darya est fragile(et meme malade), que les Khwarezmiens profitent si bien de chaque petit bonheur de la vie...

Joyeux Noel(que je ne vais surement pas feter, cette annee encore)!
Que votre ombre grandisse
Adrien

Bienvenue dans la steppe fantome

Extrait de mon carnet,a Moynaq date du 16.12.2006:

"Il existe un pays ou l'eau est jaune fluo,la terre rouge ou verte.la duree de gestation des bebes humains est de huit mois environ et il y a un port au milieu du desert.

Ce pays existe vraiment, c'est le Karakalpakistan.


S'il existe effectivement, il se pourrait cependant qu'il disparaisse bientot.

Le plus tragique exemple de societe post-industrielle, c'est un territoire qui semble avoir pris forme sous les crayons d'Enki Bilal.Le meme flou chancelant, les memes images que rien n'explique plus,les memes regards battus.

A Kungrad, chameaux et dromadaires deambulent en plein blizzard a cote de la voie ferre,saignee de fer dans la ville.En cette saison le soleil n'est qu'un souvenir, et la neige en croutes glacees ou en poudre volatile, d'une facture douteuse, prend bientot la couleur etouffante du brouillard.C'est un degrade(aucun mot ne convient mieux a la region que celui-ci) de tous les gris possibles.

Forte presence de boue et vomissures de sable du desert qui sourd partout.De fait le Karakalpakistan est deja un grand desert, acheve dans la moitie Nord, en devenir plus au Sud.Malgre l'humidite hivernale, malgre l'air moisi, ce pays presente les sequelles d'une dessication-planifiee, bien que le but ait ete le contraire-, et se retrouve a l'etat de carcasse assoifee.La mort par assoifement est lente et peut-etre une des pires agonies.
Il y un temps -les annees 60 et 70- ou la politique brejnevienne du Gosplan et des "Terres vierges", souleva l'economie du Karakalpakistan, mais ce n'etait que pour mieux retomber.

A Nukus, la capitale de la republique autonome, vegete,se sachant condamnee comme tout le reste du pays.Elle se vide petit a petit.Sifflets macabres travers les vitres brisees des immeubles administratifs demesures.

Heureusement que j'ai autour de moi cette famille Talycho(une ethnie iranienne d'Azerbaidjan)-Karakalpak, qui revient d'un mariage a Tashkent et resonne encore des chants nomades de fete.Les Karakalpaks etaient un peuple proche des Kazakh, nomades eleveurs ou pecheurs, avant leur sedentaristaion forcee dans les annees 30.

C'est la deuxieme mort de leur culture:apres avoir perdu leurs traditions, ils perdent maintenant leur sante et leur vie.Il y a tout les maux au Karakalpakistan: maladies respiratoires, faiblesse imunologique, radioactivite elevee,alcoolisme, grand choix de cancers... La plupart des femmes enceintes accouchent prematurement.Quant a moi j'ai mal a la tete depuis que je suis arrive et j'ai constamment envie de dormir. "


Moynaq, c'est un voyage qu'on ne souhaite a personne.Peut-etre l'endroit le plus deprimant du monde.Ancien grand port de la mer d'Aral, il fait maintenant face de tous cotes a des centaines de kilometres de steppe dessechee.
Une ville fantome... on les entend gemir dans les buissons piquants.

Il n'y a plus de sens aucun ici.La seule direction possible est le replis...ou la stagnation.Le bout du monde, le vrai.

Avec Dusunbaev, le Kazakh qui m'a aide lorsque je suis arrive dans le froid mortifere de la nuit et chez qui je suis Qunaq(hote), nous marchons sur le sol peu ferme, le fond de la mer.Plus beaucoup de bateaux echoues, l'ex-usine mettalurgique les a presque tous demantele et fondu.Le gouvernement voudrait en plus effacer sa memoire... manifestation d'impuissance face au desastre.Que restera-t-il de ce pays dans dix ans?Un blanc sur la carte, un vide toxique plus grand que trois fois la Suisse.

A Moynaq, une bonne partie de la population a la tuberculose.Ca n'est pas tout:en 1997 deja, 70% des habitants presentait des symptomes "pre-cancereux".L'ile de Vozozhdreniye, au milieu de l'Aral, a ete une base de stockage de dechets nucleaires et de germes bacteriologiques de l'URSS.De presqu'ile, elle est maintenant completement rattachee a la terre, libre aux oiseaux et chacals survivants de ramener vers les villages maux en tout genres.La mer quant a elle, est devenue tellement salee que seules les crevettes microscopiques et autres crustaces incolores l'occupent encore.

Triste bout du monde.

4 décembre 2006

SAMARCANDE!



SAMARCANDE!


SAMARCANDE!


SAMARCANDE!





J'y suis!!!Je suis a Samarcaaaaaaaaaaaaande!!!WAouh!Hourah!Subhan'Allah!





Au 497eme(quatre cent nonante septieme) jour de voyage a 11h21, Adrien Leonard Golinelli a atteint la ville mythique entre toutes.



...



Les bulbes azurs cachent pudiquement leur face au septentrion sous un voile de neige.On entend parler un patois persan dans la rue, et lorsque le soleil enfin perce le couvercle des nuages, une melancolique lumiere d'hiver sublime d'une touche doree le bleu des coupoles.Et on se surprend a croire au destin.






...



De Tashkent le train a rapidement chemine sur la platitude des monocultures de cotons, a franchi la Syr-darya, fleuve large et paresseux qui ajoutait salutairement du mouvement a ce paysage morne et fige.Car dans cette plaine qui rappelle le triste pays de Smolensk, il n'y a guere que les murs en pise beige pour insufler une legere vibration au paysage.




Dans le train une Armenienne me parlait en russe de sa fille qui vivait en Allemagne, mais je n'ecoutais qu'a moitie, c'etait plutot ma destination qui resonnait dans ma tete("Samarcande!enfin...")








Apres quatre heure d'impatience contenue, le wagon a passe la Zeravshan, et a longe l'arche titanesque d'un pont mongol.On approchait...






Vint les premices de la ville, banlieue sovietique habituelle, ruines industrielles et ferrailles en pagaille, quartiers tires au cordeau et ombres dont le bout du chapan disparait dans la neige.








C'est la meilleure facon d'arriver a Samarcande:de l'exterieur vers l'interieur, du plus vulgaire au plus exceptionnel, du plus fonctionnel au plus spirituel.





J'ai saute dans un minibus barre "Registan".Virage apres virage, je guettais un signe.Les blocs d'immeubles se faisaient plus raisonnes, plus modestes...





Et soudain,vlan!A ma droite, je l'avais en plein.Je suis sorti du vehicule, titubant d'emotion.Traverse la route, me suis assis sur une marche devant la sublime place, et j'ai commence a chialer comme un gamin.Un gamin heureux en tout cas.










3 décembre 2006

...hiver a Tashkent








La plus grande ville d’Asie centrale ex-sovietique, capitale de l’actuel Ouzbekistan.



C’est une immense foret d’ immeubles demesures,d’une lourdeur inegalee.Ils bouchent l’horizon qui est deja reduit par le brouillard et les nuages.L’eau gele, les crachats gelent, la neige gele, la glace re-gele...Le froid fait mal a la tete.Pas etonnant que ce week-end peu de gens sortent.D’ailleurs les avenues sont presque vides,ni vehicules ni pietons…rien que le beton.En ce premier dimanche de decembre j’ai l’impression d avancer dans une enorme ville fantome.

Dans le metro de Tashkent, pas plus de monde que dehors.les stations n’en paraissent que plus grandiloquentes: architecture d’une autre echelle, avec coupoles neo-timourides de l’epoque sovietique, ceramiques celebrant la construction du socialisme par les masses laborieuses autant que les classiques de la litterature persanne.J’aime tout particulierement la station “kosmonovty”,ou des astronautes celebres vous saluent dans des demi-bulles sorties du mur,figes dans une attitude mysterieuse.

Ici plus que nulle part ailleurs en Ouzbekistan, on constate la “methode ouzbeke” pour gerer l’apres-URSS.La surprise, c’est que les Ouzbeks sont, des republiques de la region, les plus sovietiques dans le style tout en s’efforcant de gommer les symboles du communisme.Ils sont les champions du sovietisme!Le sovietisme en tant qu’habitudes politiques, en tant que facon de gouverner, de controler et de reprimer, en tant que plethore de slogans, en tant que rhetorique, en tant que falsification de chiffres en tout genres, en tant qu’arbitraire en tant qu’autosatisfaction douteuse, et jusqu’a la haine du regime precedent, alors qu’en l’occurrence c’est son geniteur.




Alors que dans la plupart des republiques ex-sovietiques, on a paresseusement remplace les couronnes de bles entourant le marteau et la faucille, par les nouveaux symboles, et neglige la moitie,les laissant se decomposer eux-meme(je me rapelle de cet immense profil de Lenine en fer forge au bord de l’Issyk-kul qui piquait dangereusement du nez comme s’il fondait), en Ouzbekistan le moindre symbole de l’ancien regime a ete efface.A la place, on a mis la couronne de cotton et de ble entourrant un volatile(j’ai l’impression que c’est une cicgogne), et a la place de Lenine, Tamerlan ou d’autres…

On dit que c’est le pays d’ex-URSS qui est le plus staliniste.Le mal-aime president Karimov est completement paranoiaque et une remarque sur lui peut avoir des consequences irremediables.Lorsqu’il se deplace, les gens sont assignes a residence et toutes les rues bouclees.

Il se veut le chantre d’un Ouzbekistan vierge d’influence russe, vierge d’influence occidentale, en bref il ne tolere que la sienne propre.Il est deteste par une bonne partie de la population, et par les pays alentours, bien qu’il considere son pays comme la figure de proue de la region.S’il est vrai que c’est la seule republique d’Asie centrale qui partage des frontieres avec les quatre autres(plus l’Afghanistan), et que c’est la plus peuplee de cinq (bien que les chiffres du gouvernement soient exagerement gonfles, il n’y a pas 23 millions d’habitants dans ce pays), l'Ouzbekistan n'a pas la carure de leader qu'il se veut,ni economiquement ni politiquement.Tandis qu'une partie inquietante de la population n'arrive pas a joindre les deux bouts, le pays s'enfonce chaque jour un peu plus dans la dictature.

Mais Tashkent est aussi, d’une maniere un peu plus rejouissante, un melting-pot de nationalites, des Coreens aux Bachkirs en passant par les Kazakhs et les Allemands de la Volga.




La moitie de la population au moins n’utilise que la langue russe, et c’est une bouffee d’air par rapport aux provinces ou meme le cyrillique a ete elimine pour etre remplace par un alphabet latin barbarise par des apostrophes incongrues(ex.O’zbekiston), des x ou des arrets glotaux(transcrits q).


Je sais que comme avec toutes les grandes villes, il ne faut pas les juger au premier regard, et qu’elles recellent des joyaux qui se revelent avec du temps et de la patience… seulement voila mon visa ouzbek ne dure qu’un mois, et j’ai mieux qui m’attend juste un peu plus a l’ouest!!!Devinez quoi...

A tres bientot
Que votre ombre grandisse
Adrien

Le Ferghana

Le Ferghana

C’est la vraie patrie Ouzbeke…

C’est par Andijan que je suis entre en Ouzbekistan.La precisement ou l’annee derniere l’armee a tire sur la foule.Le passage de la frontiere, si tendue que soit la region, s’est bien passé,et je dirais meme plus: sans backchich(parfois c’est inevitable, comme avec le douanier afghan qui me reclamait mordicus un “exit visa” pour me laisser passer l’Oxus).Il faut dire qu'ils en empochaient assez:pendant que son collegue feuilletait mon passeport, une dizaine d’Ouzbekes glisserent sous mes yeux un billet dans la poche du garde arme tout en passant la frontiere.


Dans le premier village après la frontiere, se tramait quelqu’incident que je n’ai pas compris:des hommes regroupes, une vieille femme en pleurs, des soldats qui bloquaient des chemins et empechaient des gens de sortir de leur maisons…

J’ai file a Marghilan, une tres ancienne ville du centre de la Ferghana.En route(qui sont d’ailleurs tres bonnes en Ouzbekistan, ca change des voisins du Sud et du Sud-Est), des paysans en chapan fauchent des champs de coton mur-pas un coin de terre qui ne soit cultive(la ferghana etait censee produire 1/3 du coton de l’URSS a l’epoque).temps sombrement nuageux, ce qui parait-il est constant, du aux industries qui enfume cette vallee de seulement 300km de long fermee par de hautes montagnes.

Densement peuplee, densement cultivee, et une tres longue histoire:c’est la Ferghana.Pour prendre la mesure de ce long passé, il reste malheureusement tres peu de monuments anciens, il vaut mieux examiner la langue et les coutumes.


Ou les visages des gens.A l’image de leur origines melangees, les Ouzbeks ont des traits qui explorent toute la gamme entre altaiques, indo-europeens et meme semites.


Pour obtenir la “nationalite” ouzbeke, prenez un fond indo-europeen immemorial, parthe et perse en particulier.Entre deux fleuves(ce n’est pas la Mesopotamie, c’est la Transoxiane),faites-leur batir des villes, des temples zoroastriens, cultiver des oasis, developer la poesie, faire partie d’un immense empire(Les Achemenides bien sur), pendant deux millenaires au moins.


Et puis faites soudain faites passer des vagues turco-mongoles venant de l’Altai et d’au-dela, piller et raser.Votre civilisation aryenne(entendez par la indo-europeenne ou “iranienne”) ne s’eteindra pas, elle a deja admirablement bien gere le passage de l’armee d’un Grand Macedonien, de meme que l’arrive du bouddhisme, les absorbant tous deux dans sa riche culture et son mode de vie elaboree.

Un demi-millenaire durant, faites ainsi passer des vagues d’Altaiques au yeux brides et au visage plat sur leurs chevaux.Vous allez perdre une partie de votre preparation, mais le sedentarisme, dans les oasis de la Transoxiane, va assimiler les nomades.Entretemps, faites arriver la religion de Mahomet,laisser-la s’implanter profondement afin qu’elle inspire les plus belles constructions de l’Orient, qu’elle se sublime dans le souffisme naqshbandi dont les zikr resonnent encore de Mazar-e-sharif a Khiva.

Laissez reposer quelques siecles.

C’est prêt: a noter que vous n’aurez pas que des Ouzbeks, les villes principales seront persophones et les superbes monuments denommes “tajiks”plutot qu’ouzbek, mais dans le cas present ce sont deux composantes indissociables d’un meme ensemble.Pour avoir des Ouzbeks purs(mais alors vous n’aurez plus les superbes monuments), il est conseille d’aller voir la ou la Syr-darya coule a travers un cirque de montagnes, un endroit qu’on appelle ‘Ferghana’.

Encore un mot sur la langue:elle parait rude mais elle n’est si dur, en fait c’est une langue assez flexible.Elle a une structure agglutinante(ce sont les origines ouralo-altaiques!)et si vous parlez turc vous vous y retrouverez, au moins pour la grammaire.Si vous parlez persan, vous comprendrez au moins la moitie des mots.Une partie de ces mots sont d’origines arabes, le reste purement iranien.Et si vous parlez russe, vous comprendrez le quart restant(j’estime les mots d’origine purement altaique a environ 25-30%).

je vous laisse mediter ces considerations... ;)

A+
Adrien