23 décembre 2007

Le ressac

Bonjour, fidèles parmi les fidèles, qui venez encore vous enquerir de moi sur ce blog!
J'espere que vous ne vous vous etes pas trop langui.

J'avoue qu'une fois revenu, il est difficile de tenir un blog de la meme maniere qu'en voyage. Non pas qu'il n'y ait plus a dire: Ma vie ne s'est pas aplanie. Ce n'est même pas une carence d'"exotisme": Rappelez-vous, au Japon je vous ai aussi laissé sans nouvelles pendant longtemps.Non, je crois plutôt que c'est lié au sédentarisme.Ce blog répond d'une pulsion nomade qui me pousse a vous avertir lorsque je change de region, de culture, de province, de langue...

Je suis en vacances depuis aujourd'hui, juste un peu plus de trois mois apres mon retour.Trois jour après être descendu sur le quai de la gare Cornavin et avoir été accueilli par ma famille et quelques amis proches, j'ai commencé l'université, et j'ai vite atteint le niveau de croisière des études en lettres. A Geneve il faut choisir deux disciplines, et pour moi c'était déja trop peu. Dans ces cas-là, avoir le choix c'est être obligé de restreindre sa liberté. C'est peut-etre un lieu commun mais au moment d'etre confronté a ces froids dilemnes, on le sens cruellement.

Le choix fut dur mais je n'en suis pas decu. J'etudie le japonais et la linguistique générale, avec une touche de philosophie et de grec ancien (je me suis finalement arrangé pour faire un peu plus que deux branches).Je viens de finir une batterie d'examens pré-vacances et je me rejouis d'une chose, pouvoir dormir. ...et skier, aussi.

L' adaptation nécéssaire après une si longue absence, s'est faite plus facilement que je ne m'attendais. Les premiers jours ne sont jamais très durs, car on est grisé par le tourbillon des retrouvailles.Le vrai spleen peut venir lorsque cette étape est passée et surtout que l'on sent la routine mecanique resserer son etreinte. Mais j'ai une vision à long terme de ce que je fait et j'arrive sûrement mieux qu'avant à me décoller de la linéarité apparente de la vie d'ici.
Et revenir, c'est souvent pour mieux repartir.Il n'est pas encore temps pour un voyage de la même envergure, mais cela viendra.

Le retour, a vrai dire, j'y avais beaucoup pensé avant qu'il ne se realise.Je m'en rejouissais (sans impatience), je le craignais aussi car je m'imaginais qu'il serait une étape douloureuse, peut-etre une nouvelle grande phase de désillusions. Je parlerais de ressac: Après la vague qui a gonflé, s'est hissé le plus loin possible et a mis toutes ses forces dans une final éclatant, il y a ce ressac qui essore la plage avec un bruit rêche. Il siphone la grève en reprenant au loin nombres de belles images.
Il laisse le squelette du voyage, pur, essentiel.

Après tout grand voyage il y a un ressac, celui-ci n'y échappe pas.Seulement, il se fait plus doucement que je ne pensais et j'arrive bien a l'encaisser. Mieux: j'ai découvert dans le sable des coquillages et des pierres qui commencent seulement à reveler leur valeur.

Genève est fort heureusement une ville métissée et j'ai à qui parler dari, turc, kazakh, bosniaque, russe ou farsi... et retrouver un peu de ces pays qui m'ont habité.

Il me faudra des années pour digérer cette odyssée. D'ici là, il y a plusieurs manières de le rendre. Ce blog pourrait servir de base a un résumé. La crème des ~3000 photos de voyage parlent d'elles-même.Quant à rassembler les anecdotes les plus captivantes, c'est une possibilité non moins valable. Cependant j'ai l'intuition que ce voyage ne s'achevera qu'avec un livre. Une oeuvre dont chaque couche se dépose lentement, imperceptiblement, produit de la "deuxième distillation". Un travail d'une vie.

Ca n'est que le début du voyage. Il reste encore tellement a découvrir sur la grève d' Ulysse.

Que votre ombre grandisse

Adrien

17 septembre 2007

Les 777

Adrien, de retour a la maison apres 777 jours de voyage.
L'Odyssee Eurasiatique aura duré plus de deux ans, du 28 juillet 2005 au 13 septembre 2007.

Apres 12'000 kilometres de train a travers la Russie, l'Ukraine, la Pologne et l'Allemagne, je suis arrive jeudi soir au coucher du soleil a la gare de Cornavin ou m'attendais ma famille et certains de mes amis.

J'ai pose mes bagages pour de bon et ai retroussé mes manches pour construire ma vie ici.C'est ce matin que je commence l'Université, dare-dare.

Ce blog va continuer, pas en tant qu'informateur en temps reel, mais comme resumé de voyage: Je vais ajouter de nombreuses photos, corriger les textes (que j'ai pas relu en regle generale), et certains post inedits pourraient meme apparaitre parmi les autres!

Alors a bientot, sans faute!
Adrien

10 septembre 2007

Derniere ligne droite

Bonjour!
Moscou, fin de l'ete, 8 degres.

C'est long, la Russie!Grand,oui, mais surtout long,long, long.Comme si on avait etire ce pays indefiniment.La Siberie, ce sont des villes en ligne droite espacees par des centaines de kilometres, eparpillees sur la mince frange de terre vivable entre Les steppes mongoles et kazakhes et le permafrost.Passe l"Oural, on revient dans la troisieme dimension.Villages, forets et champ a la terre tres noire ondulent sur les collines pre-ouraliennes.Je me suis arrete dans la campagne de Mordovie, une des republiques de cette region, dire bonjour a une amie de la-bas et gouter-quoique brievement- a l'hospitalite russe.

Il me reste encore un petit bout jusqu'a la maison mais j'ai deja fait le gros du chemin depuis le Japon!En train, en platzkart plus exactement.C'est la troisieme classe, des wagons-lits sans compartiments."une grande famille" disent les Russes eux-memes.Il faut bien passer le temps et ils banquettent comme au reveillon!Sortent de leurs bagages des poissons fumes, des litres de bieres, du pain, des saucisses, du fromage, des crepes, et festoient en s'invitant parmi jusqu'a la nuit et la distribution de draps propres et de couvertures.
Les Russes voyagent enormement en platzkart mais les tourites etrangers assez peu.Pour ma part, a chaque voyage c'est pareil.La moitie du wagon me torpille de questions. ...et l'autre moitie ecoute. Et a la fin du voyage tout le monde connait ce Suisse un peu fou qui voyage depuis deux ans...

Moscou ne parait pas tres conviviale apres des jours de platzkart.Du beton partout.Les magnats font construire des tours au milieu des deja omnipresents batiements stalinistes, monstres qui semblent melanger neo-gothique et style victorien, emblemes communistes geants en plus.Les voitures, chars a boeufs americains a cote de jiguli sovietiques roulent comme sur un rally partout dans la ville. Mais bien que la ville ait l'air d'une piece trop grande et difficile a chauffer, les Moscovites la rende eminement vivante!

J'embarquerai tres bientot pour la derniere ligne droite, en train toujours.arrivee a Geneve prevue le 13 au soir... Je me rejouis de tous vous revoir!

Adrien

4 septembre 2007

Le train sans fin

Bonjour!
Entre deux correspondances, juste un mot pour vous dire que je suis a Irkustk en Siberie orientale.
Il fait beau et je me suis baigne dans le Baikal, plus profond lac du monde(1600m) et pas le plus chaud.Pour tout dire ce fut... vivifiant!
Depuis Sakhalin (5h.de bateau depuis Hokkaido), ou j ai passe ma premiere nuit en Russie - ce qui fut un petit choc car je n'avais encore jamais connu deux endroits si proche(Hokkaido et Sakhalin) et si differends, tant au niveau des gens , des coutumes, des manieres, que des infrastructures et du mode de vie - , je pris un ferry pour rallier le continent(16heures cette fois-ci), en compagnie du Slovaque Peter, puis pris le transsiberien jusqu'ici.
Dans moins d'une heure je prends le train qui me fera passer de l'autre cote de l'Oural dans 4 jours.
A bientot, j'ai envie de dire, "de plus en plus"!
Bisous
Adrien

27 août 2007

Confins


Wakkanai, 27 aout

La nuit est deja tombee et je suis dans un cafe internet-manga-karaoke pour vous ecrire une derniere fois depuis le Japon.C'est dans ce genre d'etablissement que vit la "generation perdue".Les enfants de la recession economique japonaise, passant d'un petit boulot mal paye a un autre, gagnant juste assez pour manger dans des fast-food et dormir dans ces cafes internet qui fournissent meme des petites chambres avec futon, ordinateur et lecteur DVD, pour moins cher que n'importe quel hotel, meme les "capsules".Mais c'est d'autre chose que je voudrais parler.

Depuis Asahikawa nous avons eu la chance d'etre rapidement pris en stop par un Japonais qui allait jusqu'a notre destination, Wakkanai, la ville la plus au nord du Japon dont le nom signifie "je ne sais pas".

Apres quatre heures de route nous avons dormi une nuit dans une modeste guesthouse pour bikers tenu par une grand-mere energique, et le lendemain avons pris le ferry pour la fabuleuse ile de Rishiri, a mon gout le pendant septentrional de la non moins fabuleuse Yakushima.

C'est aussi une ile-montagne, cree par un volcan qui pointe encore a 1721m. et s'evase largement a la facon d'un petit Fuji.Pour la drniere nuit ensemble nous avons pris une chambre dans un ryokan(hotels traditionnels japonais).Nous avons marche sans rencontrer personne (mais en croisant des papillons geants-on dirait des oiseaux) pendant trois heures dans la dense foret semi-boreale, avant de se baigner dans la mer, puis de se rechauffer dans l'onsen.

Un endroit magique que nous avons quitte ce matin,sous un soleil resplendissant aujourd'hui encore(mais avec des temperatures bien plus agreables que les 35 degres de Tokyo).
Elle est rentre a Tokyo. Mon bateau, lui, partira demain.

C'est ma derniere nuit au Japon ou j'ai passe un demi-annee passionante, ai beaucoup appris et je l'espere suis devenu encore plus humble.Je reviendrai ici, je le sais, comme je retournerai en Afghanistan (Le Japon risque fort de passer avant d'ailleurs).

Je cherchais tout a l'heure un endroit ou manger mon dernier repas au Japon: "Pourquoi pas de consistants ramen de Hokkaido? ...Ou alors des sashimis, que je ne trouverai plus avant un temps certain.Oh et puis finalement, des soba ne me feraient pas de mal!" Mais dans une ville de province japonaise, on ferme tot!Je n'etais donc plus en quete que de nourriture lorsque je questionnai un groupe d'autochtones qui profitai de ce soir d'ete dans la rue animee de Wakkanai (cent metres de gargottes aux signalement obscur).Ils connaissaient bien un endroit ou manger: c'etait là, devant moi,devant eux - si j'etais mystique j'aurais appele ca une metaphore du zen.

C'etaient des grillades de poissons et coques pechees du jour qu'ils preparaient devant leur maison.Ils eurent ce style sans ambage du Japonais qui tout en gardant la distance requise par la politesse, ne laisse pas le choix a l'invite.Et puisque je devais manger, je le fis et de bon coeur.En retour je leur devoilai un peu la maniere dont moi, le Suisu-jin, j'etais arrive jusqu'a ce bout du monde du bout de l'Asie.Entre une gorgee de biere et une bouchee de poisson, entre une question et un eclat de rire, bribes de vie, tranches d'un periple qui va bientot s'achever.


Demain je quitterai l'archipel en ferry pour debarquer sur l'ile russe de Sakhalin.Je releve le defi de rentrer a Geneve sans avion,faisant en moins de deux semaines la distance que j'ai mis un an et demi a parcourir!

A tres bientot donc.

Bien a vous tous,
Adrien

24 août 2007

Hokkaido

M'y volia enfin, a Hokkaido, deuxieme plus grande ile de l'archipel et vraiment unique: On ne s'y trompe pas, a ecouter les gens comme a admirer le paysage, c'est un autre Japon-pas completement japonais,ou plutot pas depuis longtemps-, que voila.

Pour gagner du temps car il commence a se reduire, j'ai pris le shinkansen jusqu'au bout de Honshu.,traversant en deux heures quarante le Tohoku que j'avais mis deux semaines a parcourir au debut de ce mois.

Pour atteindre Hokkaido j'ai pris un train qui passe dans un tunnel sous la mer(ce serait plus interessant si on pouvait voir au travers mais la technologie n'en est pas encore la), et suis arrive a Hakodate en fin de journee.La, une amie japonaise m'a emmene chez elle, un peu dans la cambrousse(Hokkaido est heureusement tres peu urbanisee, ce qui est unique au japon).C7est la-bas que j'ai goute l'umeshu le plus fort qui m'ait ete donne de boire au Japon.Le lendemain matin nous sommes parti faire le tour du magnifique lac d'Onuma (je vous promet des photos des que je pourrai) pres duquel se dresse un jeune volcan pas tout-a-fait eteint.

Le meme jour j'ai avale des kilometres en train puis me suis decide a essayer l'auto-stop au Hokkaido, le but etant le mythique cap Erimo.Une premiere voiture me prit pour quelque kilometres, puis je recommencai a poireauter au bord de la route.Comme personne ne s'arretait, je mis mon chapeau de moine errant, me disant pouvoir toucher la corde bouddhique qui subsiste chez beaucoup de japonais.

Ca ne rata pas, une voiture s'arreta.C'etait une grand-mere foldingue qui apparement m'avait choisi pour soulager son imminent besoin de parler et dare-dare deversa sur moi un flot ininterrompu de paroles dont je ne compris presque rien,sauf qu'elle se plaignait,plutot grossierement,que sa destination etait trop lointaine.J'acquiescais docilement, etant redevable.A la tombee de la nuit nous arrivames a Shizunai, ancien village ainou devenu en ce XXIeme siecle un ville de pachinko et station-services.J'etais plutot content de debarquer car l'ancetre conduisait comme une deratee et avait deja rogne la carrosserie plusieurs fois contre le trotoire.

Je me trouvai une minshuku (pension de famille) bon marche et jugeant que le futon n'avait apparement pas ete lave depuis sa confection, sorti mon sac a viande(= fin sac de couchage en coton) pour la premiere fois depuis la Chine.Ca n'arrangea pas l'odeur de la piece mais au moins j'avais la satisfaction de dormir dans ma propre crasse, ce qui est toujours mieux que celle des autres.

Il plut le lendemain et je pris le train et le bus pour atteindre le cap Erimo et rendre un derniere hommage a Bouvier qui passa par la il y a un demi-siecle.Erimo: "cap" en langue ainou(en fait "Eirunmo", japonise).Je ne connais aucun endroit au monde qui ne soit ausi parfaitement un cap.Une pique aiguise qui file dans la mer, prolongement de deux cotes d'une centaine de kilometres de long, soulevees par la chaine des Mts Hidaka.

Pas plus d'ainous la-bas que dans le reste de Hokkaido.Ils n'ont pas completement disparu, mais leur heritage est disperse: le sang ainou, melange au nippon, coule dans les veines d'un million de Japonais, la riche culture ainoue est releguee dans les musees, et la langue, que seuls 20 personnes connaissaient encore en 1990, se retrouve dans 95% des toponymes de Hokkaido.

De reour du cap, je retrouvai en fin de soiree a Obihiro ma copine qui elle avait pris l'avion pour me rejoindre.Mais fini le temps des escapades de deux-trois jours depuis Tokyo, en voiture(la sienne) ou shinkansen et dormant dans des ryokan.Je ne travaille plus et suis de nouveau un miserable vaguant, pour mon plus grand bonheur.Nous menons donc ensemble notre route de "bimbo ryokosha"("voyageur pauvre").

Le lendemain apres etre sorti de la ville en bus, nous commencames a faire de l'auto-stop en direction du massif montagneux des Daisetzuzan.Je pensais qu'en couple ca marcherait mieux, mais personne ne s'arreta avant une bonne heure.C'etait un groupe de jeunes qui allait jusqu'a Asahikawa et nous deposa dans le bled alpin de Nukabira.La pluie nous accueilla.Nous entrames dans une pension qui etait ouverte mais deserte, s'affalant sur les canapes en attendant que quelqu'un vienne, ce qui n'arriva pas .J'aurais pu dormir gratos dans cet hotel desert mais merveilleusement propre, mais pas assez filou pour ca, nous trouvames ailleurs a manger et un toit: dans une "rider's house", guesthouse bon marche specialement pour motocyclistes, qui sont tres nombreux a Hokkaido puisque c'est le seul endroit au Japon ou il y a de longues routes sans peages ni traffic.

Le lendemain, re-auto-stop et un camionneur tres sympa nous emmena jusqu'a Sounkyo, toujours dans les montagnes.Nous attendimes le lendemain(aujourd'hui) pour gravir la montagne,un vrai paradis sauvage avec une vue a couper le souffle.

C'est la directrice de l'ecole primaire de Sounkyo qui nous a prit jusqu'a Asahikawa, a trois heures de la.Comme elle s'arretait a Kamikawa, nous en profitames pour gouter ses ramen (nouilles d'"inspiration" chinoise avec une rondelle de porc et des pousses de soja, le tout baignant dans une soupe miso) fameux dans tout le Japon.On tombait bien, arrivant a dix minutes de l'ouverture du festival annuel des restaurants de ramen de kamikawa(sic), qui pour l'occasion avait plante leur tente dans un parc du village.En habit medieval, les tenanciers improviserent une chanson avant de distribuer des bols de ramen pour un franc.S'ensuivit des degustations de sake et des varietes locales de tomates... un petit air de Suisse!

Etonnant Hokkaido!

A bientot

Adrien

18 août 2007

Auto-stop au pays Nambu



[Suite des aventures dans le Tohoku et bref retour a Tokyo.]




Du Tsugaru ou il a plu sans arret apres l'omatsuri (il ne me semble pourtant pas que l'on avait sollicite les kamisama de la pluie), j'ai fait mon chemin jusqu'a la cote du pacifique... en auto-stop.


C'est la premiere fois que j'experimentais ce moyen de transport au Japon, qui n'est pas repute etre le paradis des auto-stoppeurs!
Pourtant ca a plutot bien marche.Il y a tres peu de Japonais qui prennent en auto-stop, mais ceux qui s'arretent aident pour de bon.Ainsi, par deux fois, je fus invite a rester dormir.C'etait au moment des vacances d'Obon, la fete bouddhique des morts, ou l'on va prier au sanctuaire et au temples afin que les esprits des membres defunts de la famille "rentrent" momentanement a la maison.
A cette occasion, Tokyo et d'autres grandes villes se vident car beaucoup retournent visiter leur lieu de naissance.Plusieurs fois des familles rentrant voir les grands-parents pour Obon me prirent en auto-stop, et je dormis dans des criques de la cote du Sanriku qui est abrupte et profondement decoupee.M'y baignai et goutai quelques specialites locales comme l'oursin ou le poisson-napoleon (cru, bien entendu).Pas de baleine a ce moment de l'annee...
Apres trois jours a descendre la cote du Sanriku et un superbe coup de soleil, arrive a la hauteur de Sendai, je traversai(en train cette fois-ci) les montagnes qui constitue la moelle epiniere du Honshu et me retrouvai a Sakata, au bord de la mer du Japon, le jour de Obon.Grande ferveur, mais ferveur facon Japon moderne: Tout le monde va au temple en land rover, garant leur monstres jusque dans les cimetieres!Je ne parle pas des embouteillages... dans une ville de taille pourtant modeste.
Continuant graduellement mon chemin vers Tokyo, je passai une nuit a Yamagata, admirai le coucher de soleil depuis l'onsen rennome a Zao (un volcan eteint avoisinant) et le lendemain gravi le Yamadera, un vieux temple etage dans la montagne.
Tokyo: vacances d'ete, chaleur suffocante, l'estomac en compote a cause des bacteries qui se developpent immanquablement... J'ai mon visa russe, a moi Hokkaido!

9 août 2007

Le fond de la route

Michinoku, "le fond/le bout de la route"
道の奥

C'est l'ancien nom du Tohoku, la partie Nord de l'ile principale de l'archipel(Honshu).

Je suis a son extremite septentrionale, en face de la grande ile du Nord, Hokkaido.
Il n'y a pas si longtemps, cette endroit au denses forets peuplees d'ours, loups et animaux endemiques de l'archipel, etait considere comme une extremite lointaine, fraichement conquise aux "barbares"(Ainous en l'occurence, et pas barbare pour un sou,mais qui eurent le malheur de ne pas etre japonais) et ou des Shogun rivaux guerroyaient.


A Hirosaki ou je viens de passer trois jours, on parle un dialecte aussi different du japonais standard que le dialekt vis-a-vis du hochdeutsch, et herite directement du petit royaume de Tsugaru.


Avant-hier j'ai participe a mon deuxieme matsuri de l'annee, le festival des Neputa, des effigies geantes de personnages mythologiques sino-japonais en papier japonais peint et soutenu par une structure metallique.On les tire a la force des bras, guide par un eclaireur qui veille a ce que le neputa ne touche pas les fils electriques.Pour cela, le Neputa est mecanise et peut tourner sur lui-meme.Il y a des variantes , comme les Neputa geants qui font l'equivalent d'un immeuble de cinq etages, ou les Neputa flottants sur l'eau.Je suis arrive pour le dernier jour du festival ou les Neputa sont ramenes vers leurs hangars avant d'etre depece.
Je me suis aussi essaye aux percussions...
A Aomori, la ville principale de la prefecture ou un festival similaire se deroulait, je suis alle voir les feux d'artifices(hanabi).Un must au Japon qui se dit fier d'etre le meilleur artificier mondial.J'avoue que ca n'est surment pas un mensonge.

Avant cela j'ai aussi passe deux jours sur l'ile Sado, sur la mer du Japon.De la campagne japonaise pure!Champs de riz ondulants jusqu'a la cote ecorchee, montagne dans la brume couverte de foret vierge, vagues violentes et un mode de vie qui a l'air d'etre reste preserve de la "modernistation" galopante du reste du Japon.Les familles, presque autosuffisantes avec leurs champs de riz, produisent elles-meme leur miso et leur legumes.Un fait qui devient rare sur l'archipel.

L'ile est aussi connue pour ses mines d'or abandonnee, mais la premiere choses que les japonais vont diront, c'est de prendre garde aux Nord-coreens!Des sous-marins espions ont jadis enleves des Japonaisdont certains seraient encore en captivite... J'ai eu beau cherche, et meme m'etre baigne, je ne les ai pas vu.Tant pis, j'irai dire bonjour a Kim Jong-Il une autre fois!
A+
Adrien

31 juillet 2007

pendant ce temps-là...

Pendant qu'ici je me prepare a quitter Tokyo (des que j'aurai recu ce +%&/=*+% de visa russe), je garde un oeil sur les pays par lesquels je suis passe.J'aurais voulu dresser un apercu de quelques uns de ceux-ci en ce moment...

Le Pakistan semble etre devenu plus dangereux depuis la fin du printemps.Avec l'eviction du president de la cour supreme par le general Musharaff (qui est a la fois chef de l'etat et chef des armees), et plus recemment le combat pour le controle de la Mosquée rouge (fief des talibans pakistanais, au coeur de la capitale), les tensions latente entre Islamistes, opposition et gouvernement, ont dégénéré en violences.

Traditionnelement le Pakistan est un pays ingouvernable et ingouverné.Même des régimes a poigne comme ceux de Zia ul-Haq ou Bhutto n'ont jamais eu qu'un pouvoir superficiel sur cette société fractionnée en ethnies rivales (Pendjabi, Pashtouns, Baloutches, Sindhi,etc.) et confessions divergentes(Chiites,Sunnites,Ismaeliens), differences exacerbées par une structure tribale.

Apres la Somalie et l'Afghanistan, c'est probablement le pays au monde ou l'etat a le moins de pouvoir.Mais les Pakistanais se gouvernent bien eux-meme, d'ailleurs ce ne sont pas les lois qui manque, entre le code tribal et les regles religieuses.Si Musharaff est plus faible que jamais, aucune des nombreuses oppositions n'a la capacite de le renverser ni le soutien de toute la population.Depuis presque quarante ans une alliance tacite entre islamistes et armée constituait le veritable 'etat' pakistanais.Musharaff vient de tenter de divorcer des Islamistes et ces derniers montrent qu'ont ne peut se separer d'eux si facilement.

Des attentats, il y a toujours eu.Generalement aux memes endroits:Quetta et le Baloutchistan, Karachi, Peshawar, Gilgit... Ils sont plutôt sporadiques et généralement de faible ampleur.Il y en a simplement plus maintenant, qui tuent plus de gens.
Ce n'est ni le debut d'une guerre civile, ni l'aube d'une revolution islamique.La population reste extremement accueillante, a l'hospitalité inégalée, calme et tolérante envers l'étranger.Le seul risque qui existe pour un voyageur au Pakistan est la deveine d'être au mauvais endroit au mauvais moment(i.e.sur touche par un attentat) et ce risque vient d'augmenter legerement... Sans changer tellement la vie des gens.
Je retournerai toujours aussi volontiers dans ce pays passionant!



Afghanistan

Le seul pays de mon voyage que je considere comme dangereux.Le risque est reel,puisque celui d'un pays en guerre.La mobilite dont jouit le voyageur l'aide grandement.Surtout, un voyageur a l'avantage de ne servir les interets d'aucune partie.Encore faut-il faire comprendre aux Afghans que l'on est ni un espion, ni un volontaire d'ONG, ni un combattant islamiste(ni un soldat de la coalition), car comme 99% des etrangers en Afghanistan rentrent dans ces categories, il en est plus d'un Afghan qui est sceptique face a quelqu'un qui se pretend voyageur.



Une fois ce cap passe, il sont magnifiques, donnent tout alors qu'ils manquent et font honneur au pashtunwali(code moral et tribal) et au dicton:"la premiere fois,[tu es] un ami, la seconde un frere" illustration de l'hospitalite afghane.

La vrai menace qui pese sur un voyageur -comme sur n'importe qui,afghan ou etranger- est l'instabilite d'un pays quasi-sans etat agite par la guerilla.Concretement, cela signifie bandits de grands chemins, voleurs, kidnappeurs mafieux[sans motivations religieuses],etc.Ce sont eux qui presente un danger, car prets a tuer pour un peu d'argent.

L'avenir de l'Afghanistan n'a pas l'air de s'eclaircir tellement.Il semble que les seigneurs de la guerre, les politiciens corrompus(a un point affolant!!) et les talibans soutenus par le Pakistan ont encore de beaux jours devant eux.Et donc que le peuple va encore ramer un moment.







C'est le 9 aout que s'ouvre la jirga(conseil tribal) de la paix (peace jirga) a Kaboul. 700 chefs tribaux et clercs de deux cotes de la frontiere afghano-pakistanaise vont se rencontrer pour discuter de la lutte contre les talibans et des perspectives de paix.Il y a peu de chance que cela fasse changer la situation,vu la mauvaise fois du gouvernement pakistanais(Musharraf boude la jirga) et le niveau de delabrement de l'etat afghan du a la corruption.

Tant qu'il n'y aura pas une volonte reelle des pays alentours et des grandes puissances de changer la donne, l'equilibre instable et plutot malsain qui prevaut actuellement en Afghanistan et au Pakistan perdurera.


Turquie


L'AKP, parti "islamiste modere", opportuniste comme tous,a recemment rafle la majorite au elections legislatives anticipees.L'elite laique craint pour le statut de pays musulman moderne/europeanise de la Turquie, mais la majeur partie de la classe moyenne, qui se reislamise depuis quelques annees, soutient toujours autant Erdogan, actuel premier ministre qui pourrait briguerla presidence.Et c'est la la crainte de ceux attaches a la laicite et aux valeurs kemalistes: Si la presidence est une fonction essentiellement symbolique, elle permet le veto contre les decisions du parlement.Nombre de lois "delaicisantes" ont ete empechees par le president,un kemaliste convaincu.Son mandat est arrive a terme et l'AKP tente de faire passer Erdogan ou son bras droit, Gul.Cela avait cree une crise politique de grande ampleur, manifestations monstres pour defendre la laicite et menaces d'interventions de la part de l'armee.Raison de ces elections.Il a reussi son pari de garder(et meme consolider) sa majorite:47%, cela a de quoi refroidir les militaires.mais il ne faut pas se leurrer: l'AKP qui a gagne, ca n'est pas le parti islamiste que l'on croit, mais un parti devenu de centre-droite pragmatique et affairiste.

16 juillet 2007

Typhons etcaetera

Bonjour!

Apres une periode de lethargie qui j'espere ne vous a pas desespere, le blog du voyage de Goli continue!

Ici toujours le pays du soleil levant,ou j'arreterai bientot d'enseigner pour profiter du delai que me laisse mon visa et voir du pays.Debut aout je quitterai Tokyo et remonterai petit a petit le Nord de l'archipel.Depuis l'extremite septentrionale de Hokkaido(la grande ile duNord du Japon),j'espere attraper un ferry pour l'ile russe de Sakhaline,juste en face.Depuis la il s'agira de rallier un arret du Tanssiberien pour traverser les immensites de la taiga en train jusqu'au continent europeen et la Suisse,ou il faudra que je sois de retour a la rentree universitaire(mi-septembre).

Avec beaucoup de retard, la saison des pluies est enfin arrivee.Ces deux dernieres semaines il a plu presque tous les jours.Une pluie tenace,drue,obstinee.Une pluie faite de petites gouttes raides et groupees serrees, martelant sans relache des heures, des jours durant.Autant j'aime une grosse averse dans la campagne,qui gorge la terre et remplume la verdure,autant la pluie dans la ville me laisse un sentiment de gaspillage, un choc entre deux mondes incompatibles, puisque la ville est trop rigide et lisse pour acepter que l'eau du ciel la feconde.
Mais a Tokyo la pluie est quand meme salutaire,car elle tasse le smog permanent.Il arrive alors que l'on apercoive,pendant une des precieuses accalmies,un coin de ciel coeruleen,vision si rare au Japon ou il tous les jours il est blanc et opaque.

Avant-hier le typhon Man-yi a racle l'archipel du Sud au Nord.Blessant quelques personnes a Okinawa,tuant un enfant sur l'ile de Kyushu,et progressant sa course a plus de 216km/h. vers les 30 millions d'habitants de l'aglomeration de Tokyo.Ce fut d'abord une pluie plus intense que jamais, a un point qui m'etait inconnu jusque la.En fin de journee elle cessa en laissant quelques nuages eparpiles.Bientot un vent horizontal les souffla puissament.Il semble que le typhon avait pourtant perdu de sa puissance et il ne provoqua pas grand-chose de plus que de nombreuses coupures d'electricite dans toute la ville,notamment dans mon quartier ou les sirenes des reparateurs de lignes retentirent jusque tard.

Le soleil est de retour aujourd'hui mais ce matin je fus reveille secoue comme un poirier.C'etait un tremblement de terre.J'en ai deja senti plusieurs legers au Japon, ou on enregistre des centaines de seismes de faible intensite chaque annee.Mais cette fois-ci ce fut presque inquietant.L'epicentre a beau avoir ete a 250km au Nord de Tokyo, 6,8 sur l'echelle de Richter ca n'est tout de meme pas rien(bilan:sept morts et 700 blesses dans les prefectures de Niigata et Nagano).Plus embetant, ce fut proche de la plus grande centrale nucleaire du Japon(Kashiwazaki-kariwa), dans laquelle un incendie s'est declare,liberant des substances radiactives dans la riviere, danger mimimise par les autorites dans un prompt communique.

Quelques photos:
http://www.lemonde.fr/web/portfolio/0,12-0@2-3216,31-936047@51-935738,0.html

C'est ca aussi, le Japon.Une nature qui sans cesse rappelle qu'elle est indomptable, malgre l'obstination des Japonais a la recouvrir et a l'etouffer sous le beton.Ca fait peur mais parfois ca fait du bien aussi.Comme un sentiment d'etre sur une terre vivante,pas dans un monde hermetique de beton et d'acier.

A bientot,
Adrien

14 mai 2007

Omatsuri







Hier matin ma copine m'a proposé d'aller a Kanda(centre-est de Tokyo) pour un omatsuri.Au Japon,chaque sanctuaire shinto organise a peu pres une fois par annee un "festival".Les habitants de chaque chome(quartier,pâté de maisons) entament une procession en costume, tirant ou portant des autels construits pour l'occasion et au bout de quelques heures convergent a l'un des grands sanctuaires de la ville.

Je me suis dit,"pourquoi pas",et a 9h30(du matin),nous arrivions a l'un des petits stands d'ou partirait une proccession.Je fis connaissance avec des amis de ma copine prenant part au festival.Dix minutes plus tard, nous nous etions nous aussi en costume d'omatsuri!Les idees encore dans le vague et le ventre presque vide,il me fallut un temps pour saisir que nous n'etions pas venu en simple spectateur(Elle,le savait bien).Ce qui rendait la chose beaucoup plus excitante.

Rejoignant le reste du chome,dans la rue ou les joueurs de percussion se syncronisaient sur leurs chariots,les "maitres" de quartier lancaient leur derniere harangue et les hommes en pagne buvaient deja,on me distilla quelques informations. ....

Le dai-ji de Kanda est comme son nom l'indique l'un plus grands sanctuaires de Tokyo.Son festival a lieu une fois tous les trois ans,remplissant tout une partie de Tokyo d'une foule effervescente.

D'abord tirant avec d'autres la longue corde d'un chariot(exercise peu fatiguant auquel des enfants participent souvent),je changeai bientot d'habit pour rejoindre le groupe des porteurs d'autel.C'est tres lourd et en plus il faut le faire balancer.Tout est une question de rythme:plier le genou tous en meme temps,faire les pas au meme moment,et caller sa respiration.Mais si on ne suit pas absolument le rythme,alors on se fait vraiment mal.





Les participants d'omatsuri de chaque sanctuaire crient des onomatopées differentes pour ponctuer le rythme.Pour nous,c'était "séyé" et les femmes marquaient le contretemps:"san".




Lors des "pauses", on fait balancer energiquement les autels de gauche a droite, afin que les kami (esprits) l'habitent completement et afin de montrer sa puissance.Dès qu'un des porteurs se retire, un autre le relaie immediatement.Moi on ne m'a pas beaucoup relayé, j'étais accroche a ma poutre comme un charancon!!Certains ont affirme que j'étais le porteur qui avais porte le plus longtemps de notre groupe.ma foi,a un juger par les boursouflures violacees sur mes epaules et les courbatures qui me tetanisent,je veux bien le croire!





All photos:copyright Adrien Golinelli


A trois heure de l'apres-midi environ, notre groupe arriva aux abords du sanctuaire.Le ballet des groupes de chaque quartier traversant le sanctuaire pour recueillir le maximum d'energie divine avait deja commence.Les ruelles comme les avenues étaient pleines de monde,taches mouvantes de violet,rouge,bleu,orange,brun,suivant la couleur du happi, la tunique qui est differente pour chaque quartier et porte l'ideogramme du chome.


Prenant des forces avant la dernière etape, on s'empiffre d'onigiri(grosses boulettes de riz) au saumon ou aux algues-sauce soya, arosant le tout d'une ou deux canettes d'Asahi, et on papote ou on va saluer deux rues plus loin un ami d'un autre groupe, dans la clameur suante, la chaleur cathartique qu'attise le soleil, les énérgies déchainées.



Enfin ce fut pour mon groupe le moment, apres un dernier ceremonial, on repris l'autel, concentra nos forces et mit la procession en branle.








Sous le torii, la foule exercait une pression telle que le risque de pietinement est reel.L'autel avancait et refluait, sujet aux courants.Il faut l'agiter le plus possible, et on se relaya plus souvent.Jamais je n'avais vu des Japonais ainsi:en transe,veritablement.Les cris tordent l'air, les respirations font trembler la terre,des regards se revulsent et la progression continue.


Cela dura un temps indeterminable tant c'etait intense.Enfin au centre,on deposa l'autel, pria et bientot,repartit.Le groupe suivant se frayait deja un chemin parmi la foule de participants et de spectateurs.

A bientot...

Adrien

11 mai 2007

Au sud du printemps

Ciao a tous...

Ici Tokyo.Sous les bourrasques,le soleil... ou les averses.Difficile a dire parfois si c'est l'hiver qui se rappelle a mon souvenir ou la mousson qui donne un avant-gout de ce qu'elle réserve.Pourtant il y a eu un printemps,furtif et délectable.J'ai tardé a vous le conter.

J'étais alors pour quelques jours dans le Kansai,région historique du japon s'il en est.A Kyoto,l'ancienne capitale,les sakura insufflaient un gout d'ether au travers des charpentes massives des temples.Fragiles pétales pastels coté du brun doré de futs patinés.Du hinoki de Nikko,du sugi de Mie...
A arpenter Gion,le quartier des geiko(geisha diriez-vous) parseme d'immenses pagodes et de temples bruts et raffines a la fois, on est transporte dans une autre epoque.Mais comme,disons Khiva,c'est surfait.Trop lisse pour etre vrai.J'exagère peut-etre car les japonais ont toujours eu(ou depuis quelques siècles au moins) une passion maniaque pour la perfection,pour le détail...Les batiments étaient surement pareils il y a un siecle.Seulement,les bruits d'appareils photo ont remplacé ceux des cloches des moines mendiants et les rabatteurs pour restaurants chics se sont subtitués aux vendeurs a la criée.
Kyoto n'en reste pas moins la ville la plus passionante du Japon,et le Kyomizu-dera sous une pluie de sakura,on s'en souvient toute sa vie!



Le meilleur de Kyoto est legerement excentré:le temple d'or(Kinkaku-ji),probablement le plus fameux du Japon,le palais imperial,mais aussi,encore plus eloigné,un peu oublié,sensiblement epargné par les hordes visiteuses,Fushimi.Un endroit unique.Placés comme des dominos a faire ecrouler d'une pichenette,des milliers de torii(bien solides eux) s'enroulent dans la montagne,long dragon rouge a traverser de part en part.



A Nara,plus au Sud,qui fut aussi capitale(au 8eme siecle),ambiance plus posee.C'est peut-etre la proximite de la montagne(ou la pluie,ce jour-la) qui attenue la frenesie touristique.J'ai trouve le tampon du temple todai-ji tellement beau que je l'ai plante dans mon passeport,entre visa afghan et japonais.On verra bien ce qu'ils disent a la douane... Dans la forêt primitive de la montagne, les chemins se croisent qui mènent a des sanctuaires ermites aux torii rouges laqués,parfois gardés par un gingko seculaire.

Yakushima


Un mythe.Tout au sud du Japon se trouve cette île semi-légendaire, champignon etrange s'elevant abruptement a 1935 metres au-dessus de la mer dans ses brumes eternelles.Climat tropical sur ses plages, neiges au sommet.Sommet pres duquel se trouve le plus vieux sugi(cryptomeria japonica) du Japon.Les autochtones pretendent que l'arbre dont la circonférence atteint 17 metres, a 7200 ans(2190 d'apres les carottages).Pour l'admirer en face, pas d'autres moyen que de grimper pendant six heures,en glissant souvent,en admirant toujours,la puissance des Kami-sama de cette foret-la.Du reste, de tout le Japon, les sakura que je préfère sont les grands cerisiers sauvages de Yaku!Là encore la floraison était au rendez-vous.
Si les retraités aventureux ne sont jamais tres loin sur le chemin de l'arbre géant, les animaux sauvages sont omniprésents.On dit dit de Yakushima qu'il y vit 30000 humains,30000 daims et 30000 singes!Mais aussi pleins de tortues sur les plages, des pintades sur les sommets, de grands rapaces, et des poissons en abondance grâce à la position unique de Yakushima, à la comissure des deux courants majeurs du Japon(celui dela mer du japon et celui de l'Ocean pacifique).

A Anbo, le village ou nous sejournions pendant les trois jours sur l'ile, il y a une cantine locale qui sert les meilleurs sashimi(poisson cru) avec lesquels mes papilles eurent jamais fait connaissance.Accueilli par les "Hoï!Irasshshoï!" des freres qui tiennent le restaurant, prototype des Japonais de la campagne(généreux, pas introvertis pour un sou,rieurs et se liant facilement d'amitié), on prit l'habitude de venir pour chaque souper, se regalant des sushi et sashimi des poissons pêchés le matin même.Poissons que j'eu l'occasion d'aller pecher avec eux, dont le fameux "ojisan"("pépé"), rouge a la chaire rosée, nommé ainsi a cause de ses moustaches.










On quitte Yakushima de preference en "toppi", des bateaux aeroglisseurs qui relient l'île a Kagoshima,tout au Sud de Kyushu.De la,train et Shinkansen en passant par Beppu,une ville d'onsen, perpetuellement dans la vapeur, fumeroles s'echappant des canalisations,des maisons,des "enfers" sacrés... Puis Hakata d'ou part l'immaculé Shinkansen pour Tokyo.



Nikko

C'est dans cette ecrin de nature du Nord-Kanto que Ieyasu Tokugawa, le premier shogun ayant réussi l'unification du Japon, décida la fondation d'un temple, aujourd'hui au lieu touristique et un des symboles nationaux, mais dont l'environnement ne reste pas moins tres sauvage et l'atmosphère du lieu intacte-les jours de faible affluence au moins-.

Au rouge pétant, aux épaisses tuiles noires luisantes et à la lourdeur des fioritures de Nikko, je préfère le gris clair, les discretes lignes noires, les contours blancs et les toits en paille pressée des temples oubliés des foules(je pense par exemple au Miyoji-ji de la peninsule de Kanazawa), mais j'avoue que Nikko a indubitablement un charme et une enérgie emminement positive.

Minna ki o tsukete kudasai
A+
Adrien

24 mars 2007

Le temps des hanami

Le printemps gagne du terrain, tache les cerisiers de rose et de blanc.Taches timides et prometteuses...

Pendant que du Mazandaran a l'Arachosie en passant par la Bactriane, on est repu des festins du Naw ruz, sur l'archipel on contient sa joie, mais deja les coeurs gonflent a mesure que les bourgeons prennent leur essor.

Le sakura est plus qu'un symbole, c'est une dimension.Une bouffee d'air dans la grisaille geometrique des Nippons.A lui tout seul la fleur de cet arbre va arreter des entreprises, distribuer des vacances, susciter des millions de photos ...et jeter beaucoup de gens saouls hors des parcs.Saouls de beaute, saouls de sake aussi.

Le hanami(花見) ...un passe-temps irresistible, un art.Traduisez par "contemplation des fleurs de cerisiers" mais comprennez:"boire sous les cerisiers".

L'idee du Japonais accordant a chaque petale un quart d'heure de beatitude est un cliche!En verite, personne ne passe plus que dix minutes a regarder les fleurs, trop impatient de boire de l'alcool entre amis (ou en famille!) sous une pluie pastel.Un stereotype de plus qui tombe ...c'est la saison!


Bientot un mois de Japon, bientot le 31mars!Je m'accorde quelques "vacances" pendant les deux semaines suivant mon anniversaire.
Je compte parcourir le Kansai,i.e.la region d'Osaka,Kyoto,Nara... mais aussi le Kyushu et peut-etre pousser jusqu'a Yakushima,une peite ile du Sud du Japon tres particuliere.
De l'archipel,je n'ai vu-outre Tokyo- que Osaka(mais seulement son port et son metro!) et Yamaguchi(l'Arima onsen et de delicieux nabe, dans l'Ouest du Kansai.Je me rejouis de voir du pays,de liberer a nouveau mes instincts nomades... le voyage quoi!Promis, je vous raconterai tout(et meme peut-etre en image!).

J'imagine deja le repos que sera de prendre conge,pour un temps, de la plus grande ville du monde, de cette ruche insaisisable, des dizaines de milliers de pietons qui deferlent quotidiennement sur Hachiko sous les ecrans geants, les sollicitations sonores intempestives, les lumieres sur-abondantes des enseignes... J'ai ici des projets, des objectifs, j'ai retrouve des amis mais je ne peux pas attendre davantage avant de re-bourlinguer un peu... ne serait-ce que pour mieux me fixer ensuite.Des mon retour a Tokyo j'enseignerai l'anglais dans une ecole(a vrai dire j'ai deja commence), demenagerai, m'acheterai un velo, nagerai plus souvent, et a defaut d'hanami, on fera des izakaya!

Mata ne
きおつけて!
Adrien

9 mars 2007

Alunissage sur la terre nippone






"Meme si l'abris de ta nuit est peu sur
et ton but encore lointain
sache qu'il n'existe pas
de chemin sans terme
Ne sois pas triste" Hafez


Bonjour!

voila deja une semaine,mine de rien, que je suis au Japon!je ne blague pas:Le premier mars,au cinq cent cinquantieme jour de voyage,j'ai touche la terre nippone... Une semaine avant,j'etais encore au Tibet!

Litang-Osaka en neuf jours, pas facile en plein nouvel an chinois!A defaut de bus,on prend des camions...Va pour quelques centaines de kilometres,pas pour des milliers.Heureusement il y a le train. ...En theorie.En realite,tous les billets etaient vendus jusqu'en mars!J'ai failli prendre un ticket debout pour Chengdu-Shanghai, mais 37 heures presque sans dormir,avec des Chinois bruyants et sans egards,crachants partout et fumants en permanence,c'est vraiment inhumain.Finalement j'ai trouve la solution:Un des trois derniers tickets en soft sleeper(couchette dans cabine a 4)pour un train Chengdu-Hanghzhou(ville de la cote un peu au Sud de Shanghai).

Nous n'etions pas 4 mais 6 dans la cabine:deux 'passagers clandestins',des enfants pour qui les parents n'avaient pas de tickets.Je me fis assez vite au cris intempestifs, mais pas a l'elevation de la temperature de la cabine tandis que dehors elle sauta a 25 celsius,dans les basses plaines du Chongqing.Le train fit un detour de presque deux mille kilometres par la province du Guizhou,plus au Sud et pourtant plus fraiche.On arriva a Hangzhou apres 49 heures.

Trois jours plus tard j'embarquai dans un ferry pour le Japon.Quarante-huit heures sur une mer tres agite... mais avec onsen(bain japonais) a bord!Dans l'eau,on a moins le mal de mer!


La temperature de tous les pasagers fut prise avant et apres l'embarquement(SRAS!), et a la douane japonaise, legerement effrayes par tous mes visas, mes bagages ont ete fouille de fond en comble.J'ai ete presque etonne de passer malgre quelques semis de coniferes rares ramenes du Tibet, ma pate de prune d'Iran(qui ressemble furieusement a une plaque d'opium...j'en ai mange sous les yeux du douanier pour balayer ses soupcons) et mon tsampa,la farine de froment tibetain.Sur le haut-plateau j'avais achete un kilo de cette poudre et la melangeais chaque matin a du the au beurre rance pour faire une mixture etouffe-chretien (appelee pa') tres nourrissante pour peu que l'estomac la digere!J'en avais encore une certaine quantite au moment d'entrer au Japon.

Toucher la terre nippone ne m'a pas emu au point de me tirer des larmes comme l'arrivee a Samarcande et l'arrivee a Lhassa.Plutot,j'avais un sentiment de sereine satisfaction mais aussi que beaucoup etait a faire.

"Le Japon est une societe fermee" m'avait dit un voyageur japonais lorsque je lui parlais de trouver un travail la-bas.Je lui avais replique que je venais moi aussi d'une societe fermee.Je reconnais maintenant qu'il n'y a pas de commune mesure.Les Japonais ont en prime cette fierte nationale toute asiatique et le gaijin(etranger,mais le meme mot signifie aussi "faiseur d'ennuis"!) n'est pas toujours vu avec bienveillance.


Ainsi,j'ai bien emmenage dans ma petite guesthouse(surpeuplee de jeunes Japonais(es) etudiant ou travaillant au centre de Tokyo)mais je suis encore en train de lutter pour trouver du travail.Pour enseigner le francais ou l'anglais(mon idee de depart), la concurrence est feroce et je suis nettement desavantage par le fait que je n'ai pas de visa de travail(etonnament difficile a obtenir pour les Suisses!!!Faute d'accord entre les deux pays)et que je compte etre a Tokyo pour moins d'un an.Mais si j'ai appris quelque chose pendant ces longs mois a taper la route, c'est la tenacite.Je suis determine et considere ces nouvelles difficultes comme une lecon utile et un defi.

Ici commence une autre phase du voyage.Apres dix-neuf mois de nomadisme(je suis rarement reste plus d'une semaine au meme endroit), je me pose enfin.Je suis arrive a l'extremite de l'Eurasie; il n'y aura pas davantage d'Est.

a+
Adrien

19 février 2007

Ya La So!!!






Tashi deleeek!Pensamtsooook!

De Kangding humide et givree par le vent, j'ai reussi in extremis a revenir(avant-hier)sur les grasses steppes du haut-plateau,juste a temps pour... LOSAR!Le nouvel an tibetain.

Forcement il fallait choisir:continuer vers l'Est et finir sourd des petards du nouvel an chinois, ou retourner vers l'Ouest, vers les fiers cavaliers Khampa et la chaleur du tsampa des sommets.POr ne rien vous cacher j'avais deja ma petite idee depuis quelques semaines:

Litang, au coeur du Kham.
Des Tibetains avec un grand T, fier de l'etre et dont l'armee chinoise a peur encore aujourd'hui(n.b.c'etait la base du Chu shi gantuk,la resistance armee des annees 60-70).
Ici les photos du Dalai-lama("notre Roi" disent-ils meme)foisonnent dans les monasteres que Pekin fait regulierement "raboter" de quelques centaines de loges tant ils attirent du monde-meme des Chinois!

Plus au Nord,Larungar est encore, avec 8000 moines estimes, le plus populeux du Tibet, bien qu'en l'an 2000 il ait ete partielement detruit(une fois de plus).On vit ses lamas mendier sur le Barkhor(la grand-rue du vieux Lhassa) les mois suivant.Etant interdit aux etrangers, il me faudrait quelques jours de preparation pour y entrer, mais je n'ai pas ce temps-la... Pour ce voyage, Litang est probablement le dernier coin de Tibet que je foule.

Mais quel coin!
Meme lorsque les Khampa remplacent leur chevaux par des becanes, il gardent leur vestes aux manches demesurees,leur ambre,turquoise et ivoire dans leur longs cheveux,leur regards roides sur un sourire altruiste.

J'ai manque le jour de la chasse aux esprits malins qui a vu, au gompa(monastere) la geste huit fois centenaire des moines en habit complet de demons,cote des trompes et timbales celestes.Mais je suis encore repu des chamomo(raviolis a la vapeur a la viande de yak) et autre specialites de debut d'annee-exclusivement au sein des foyers tibetains!
Ni les danses semi-guerrieres d'aujourd'hui:Le public etait encore plus spectaculaire que les choregraphes!
Habits d'une elegance inegalee,enfants en [fausse]fourrure de leopard des neiges,femmes bardees de bijoux enormes autour de la taille,sur la tete et dans les tresses qu'elles ont mis toute la veille a preparer, et une ambiance de far-west qui va jusqu'a faire oublier le froid.

Demo!(A+ en Kham-ke de l'Est)

Que votre ombre etcaetera

Adrien(Tashi en tibetain)

16 février 2007

Encore des nouvels ans










Bonjour!

Apres le nouvel an 2007 du calendrier julien, l'ancien nouvel an russe (gregorien, "stary novy god"),en voici d'autres qui pointent:

D'une pierre, deux coups, le 18 sera cette annee a la fois le nouvel an tibetain et chinois.Hasard ou manigance?Je ne sais.

Je suis a Kangding, en pleine province chinoise du Sichuan... et pourtant encore au Tibet!C'est que le Tibet originel a ete depece et incorpore a des provinces chinoises, le Tibet "officiel"(chinois) ne comptant que pour moins d'un tiers de la superficie de depart.Paradoxalement, c'est dans les regions tibetaines hors de la "province autonome du tibet" que les Tibetains ont la plus grande liberte(toute relative).En langue de bois chinoise, "autonome" signifie donc loi martiale et repression acrue.

Je suis arrive hier avant l'aube apres deux jours et deux nuit de bus chaotique,venant de l'Est du Tibet "autonome".Un peu contre mon gre:c'est la police qui a choisi la destination!

Ne pas avoir de permis pour la "province autonome" passe encore a Lhassa ou Shigatse, mais attention en province qui est interdite aux etrangers et demande des permis supplementaires.Et encore davantage dans les zones frontalieres(avec l'Inde par ex.)! ...Que croyez-vous que j'ai fait??

J'ai traverse le Tibet central(U-tsang) et oriental(Kham) dans la largeur, par des regions etonnantes, decouvrant une autre geographie que celle de la carte:

Gorges escarpees du Lhoka ou des dizaines de ruines de dzong detruits(mais par qui donc?!) toisent les valles comme des equilibristes sur les cretes et les a-pics;

Brumes du pays hopa, minorite animiste(non bouddhisee) de la vallee du Yarlung Tsangpo,fleuve qui deviendra le Bramapoutre plus bas.

Cypres geants de 50m.(cupressus austrotibetica) dominant une foret tropicale a plus de 2000m.d'altitude, au Khombo.

Et finalement, le Kham dont les guerriers legendaires organiserent une guerilla(soutenue par la CIA jusqu'a la rencontre Nixon-Mao)contre l'envahisseur chinois, et qui gardent encore aujourd'hui en permanence un sabre avec eux,a cheval comme a moto.

J'ai passe incognito les 20 ou plus check-post de Lhassa a Chamdo, traverse des zones militaires, reussi a dormir chaque nuit sous un toit bien que ce ne fut pas donne d'avance:les auberges refusent souvent les etrangers(me releguant a des hotels douteux ou la porte ne ferme jamais et les visites frequentes vers 4-5h.du matin lorsque les discos mettent dehors des hordes imbibees).Les chauffeurs de bus aussi:j'ai du en convaincre plusieurs que j'avais tout,tout,tout en matiere d'autorisations(absolument faux),risquant encore plus gros.En appliquant les trucs appris en Afghanistan, j'ai passe entre les mailles de tous les filets.

A Chamdo, derniere etape avant le Sichuan, j'ai finalement ete arrete:Un Tibetain qui m'informa gentiment sur l'horaire des bus refusa ensuite de me vendre le billet de bus pour la ville pres du Sichuan... il etait un flic en civil.Quelques temps plus tard arriva un officier qui me gueula:"Letse go tumai police steshion!!!"(Let's go to my police station)

J'avais plutot de la peine a me composer une mine affligee, car en verite il ne m'effrayait pas du tout, et j'avais deja mon plan qui fonctionna a merveille.Je repondis a ses questions et en substance expliquai que je venais d'arriver en auto-stop depuis le Sichuan, ignorant que Chamdo etait interdite aux etrangers.

Il me colla une amende de 20 euros(au lieu des 50 prevu par la loi, mais qui peut monter jusqu'a 500!Je gage que s'il avait su que je venais de la direction opposee, que j'etais depuis une semaine en zones interdites et que j'avais apercu toutes les bases militaires du Nyingtri,je ne serais deja plus en Chine!) et m'installa dans un bus direction Chengdu,me "renvoyant" au Sichuan.Exactement ce j'avais tente quelques heures plus tot...

En route,nous passames(de nuit) un col qui je l'appris plus tard depasse les 6300m... je dormais comme un loir.L'altitude,a force on s'y fait ;)

Que votre ombre grandisse!

Bob Morane

4 février 2007

Soleil d'hiver a Lhassa


Lhassa,Tibet occupe.

Tashi delek!

Le Tibet en hiver,c'est le pied!Je m'y plait tellement que j'ai un pincement au coeur a l'idee de quitter Lhassa.Mais j'ai encore quelques centaines de kilometres de route tibetaine(entre cinq et quinze jours) devant moi...et etant illegal dans cette province,il y a un risque(accru en allant vers l'Est) que l'on m'arrete et me renvoie a Lhassa.

J'ai parfois encore de la peine a realiser ou je suis.J'ai tellement reve du Tibet...que je n'ai jamais pense serieusement a y passer durant ce voyage.Et il y a deux semaines encore,je n'imaginais pas aller jusqu'a Lhassa.Voila comment c'est arrive:

...

Annoncer dans mon dernier post que j'allais arriver sur le plateau tibetain le lendemain,c'etait vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tuer:J'ai moisi quatre jours a Charklik,bled ouighour noyaute par une colonie chinoise, attendant le depart d'une jeep qui pouvait etre imminent.Nous etions deux passagers,le chauffeur en voulait sept ou huit.
Vous ne connaissez probablement pas cette sensation de leger excitement un peu impatient lorsqu'on sait que ce peut etre a tout moment, ou l'on hesite a s'eloigner de plus de vingt metres du vehicule ou du chauffeur,... et qu'a la fin de la journee,ce dernier apres une centieme partie de mah-jong, siffle entre ses dents carriees:"Mingtian!"(demain) Mingtian toujours invoque, mingtian tout ira mieux, mingtian n'arrive jamais!Apres un an et demi de voyage et avoir laisse derriere moi des pays comme l'Afghanistan,je ne pensais pas que cela m'arriverais encore...

Au matin du quatrieme jour, je m'appretais a repartir en arriere lorsque je vis ce vilain mettre la derniere main au paquetage sur le toit de sa jeep.Comme je m'y attendais,huit passagers etaient arrive d'un seul coup...nous etions dix.

Six heures de route entre desert et montagnes qui me rappela fichtrement les voyages en pick-up baloutch, dont on sort la moitie du corps paralysee par les positions inconfortables.Six heures de route epoustouflante de brutalite minerale,passant de dunes de sables a canyons demesures en roulant sur des fleuves geles,avant d'attaquer des cotes a donner le vertige, passant du niveau de la mer a presque 3000m. d'altitude.

Ce n'etait pas gagne pourtant:Depose dans un hameau plus perdu que Piogre,il fallut bataille pour atteindre un village juste un peu plus gros,quoique tout aussi artificiel-vivant de l'extraction du petrole-, en province d'Amdo/Qinghai.Je du y passer deux nuits avant qu'un bus parte pour Golmud vers le sud.

Paysages de haut-plateau orange,brule par le vent,perpetuellement renouvele par l'erosion.Je ne m'en lassais pas,mais la nuit tombee il n'y eu plus que les etoiles a admirer.Difficile tache que de dormir.L'interieur de ce genre de bus est divise en trois ranges de couchettes sur deux etages,tellement etriquees que l'on a tous la tete dans les pied de son voisin,et concu specialement pour que l'on ne perde pas une once des secousses.Mais cela passe encore.S'il y a deux choses en revanche qui me font deconseiller absolument les bus chinois,ce sont la fumee et la television.

Les Chinois,comme les Turcs sont un peuple fumeur.La difference c'est que les cigarettes chinoises sont d'une toxicite inegalee.A Kashghar, ils raffolent des "pilot" kirghizes,c'est dire si les leurs sont degueulasses!Ils n'ont aucun scrupules a fumer dans un bus ferme et a cote d'enfant ou de jeunes meres.En Chine la notion de non-fumeur n'existe simplement pas.

Quant a la television,qu'elle diffuse de la techno chinoise(carrement arythmique!) ou des sketch dont je ne saisis goutte sauf que cela crie du debut a la fin, elle ne s'eteint jamais.

Le train du toit du monde

De Golmud je n'ai pas vu grand-chose(je n'ai rien rate parait-il):Apres treize heures de route,le bus s'arreta pile devant la gare.Dix minutes plus tard, a 4h10 du matin, j'etais dans le train le plus haut du monde, en route pour Lhassa.

Un vrai train suisse!Distributeur personnel d'oxygene pour les petites natures(On grimpe jusqu'a 5072 metres d'altitude!!!), trilingue chinois-tibetain-anglais, bande-annonces comme a la bourse qui donne l'altitude,la froidure et la vitesse(une moyenne de 95km/h.), triple lavabo a chaque extremite de wagon...

Seulement voila,les passagers,eux,ne sont pas Suisses.A l'arrive, le sol est jonche d'une epaisseur de detrituts,tous les lavabos du train sont bouches et la porte des toilettes,meme fermee,suinte.

Les quatorze heures de trajet se font principalement de jours et c'est tant mieux.Les enormes troupeaux de yaks deviennent communs tant ils y en a,mais on comptent encore les antilopes sauvages ou les aigles du Tibet.Le plateau est deja a 5000m mais cela ne decourage pas les chaines de montagnes qui montent encore d'un ou deux kilometres vers le ciel.Les lacs,meme de la taille de celui de Neuchatel,gelent integralement...mais il fait grand beau!

La mort par etouffement

Aussi plaisant qu'il soit, ce train n'est pas pour rien dans le pillage et la defiguration acceleree du Tibet.J'ai pleure de joie en voyant le Potala, mais si j'avais encore des larmes elles seraient plutot de tristesse pour la destruction du Tibet et des Tibetains.

Apres avoir deux decennies(1959 a 1976) durant, massivement tue et detruit, l'empire du milieu prefere maintenant d'autres methodes pour anihiler definitivement les Tibetains.La mort du Tibet sera par etouffement et momification.

La colonisation des territoires "chinois" de l'Ouest(Turkestan oriental et Tibet) n'a vraiment commence qu'il y a quinze ou vingt ans, et s'est furieusement acceleree depuis 2002.A grands coups promotionnels de privileges, d'exemption de taxes, de logement et de travail deja prets, de salaires doubles par rapport a l'Est, le gouvernement est en train de noyer les populations locales sous un flot de Han.

A l'ouest de Lhassa,autrefois forets de peupliers nains entres les meandres du Kyichu, une banlieue grise de centaines de logements identiques en rang de bataillon a pousse en quelques mois.Le meme train qui a amene les materiaux transporte desormais les colons qui y demenage.


La majorite des Chinois n'aiment pas la terre tibetaine qui leur est inhospitaliere, et ceux qui viennent s'installer ici ne le font pas bonte de coeur, mais parce qu'il ont de la peine a joindre les deux bouts dans leur Est natal.

Si le Tibet redevenait independant aujourd'hui,il se viderait de sa population chinoise encore plus vite qu'elle est arrivee.Pensez a un pays comme le Kazakhstan a la fin des annees '80:En plein URSS dont personne n'envisageait l'implosion et peuple a 70% de non-Kazakh.En 1991(contre son gre,tant plus aucun Kazakh ne revait d'independance!),il devint independant et en l'espace de quelques annees, des centaines de milliers de Russes le quitterent,inversant la proportion ethnique.
(Pour etre precis le Tibet souffrerait plutot la comparaison avec l'Ouzbekistan qui est reste tres enracine dans sa culture et sa religion.)

Le revers de la medaille:Une grande partie de Tibetains partiraient pour Pekin,Shanghai et Canton (ou retourneraient en Inde)pour nourrir leur famille.Le Tibet n'aurait guere d'autre ressource que le tourisme(et les mines),une mono-economie a l'image du coton en Ouzbekistan.

Mais qui sait,le Tibet est un pays different et l'apres-independance pourrait se passer mieux?

En tous les cas, il faudrait que cette independance arrive vite,car le visage du Tibet change a une allure foudroyante.

Autrefois le potala n'etait qu'une extension a l'ouest du Lhassa pre-invasion.La ville l'entoure entierement,pousse jusqu'au pied des monasteres de Drepung et Sera(deux des quatres plus importants du Tibet) et n'arrete pas de s'etendre a l'ouest, encourage par un slogan geant en singlish, estampille de la tete de termite de Deng Xiaoping:"The developing zone is very promising!"

A l'extremite de Lhassa, sur la route de Shigatse,un village de plus est absorbe dans la "developing zone".Les maisons qui n'ont pas encore ete remplacees par des concessionaires automobiles ont ete souillees d'un charactere rouge qui signifie bien evidemment "a detruire".Les habitants seront reloges dans des fausses maisons tibetaines.De loin ca y ressemble, mais il y a quelque chose qui cloche... Est-ce leur alignement,leur architecture exctement identique?Ou le fait que les briques sont laissees apparentes,les murs non recouverts de torchis puis peints en blancs, et les fenetres encadrees de catelles?Les reloges se plaignent du froid.

Plus je passe de temps a l'Ouest de la Chine,et en particulier au Tibet, plus je suis convaincu qu'il y a une maniere chinoise de faire les choses et qu'elle est fondamentalement differente, souvent opposee, a la maniere tibetaine.

Soleil de Lhassa

Il reste a Lhassa des lieux bouillonants de vie, fuieusement tibetaine et qui le resteront quelques annees encore.Promenez-vous autour du Jokhang,le temple central du vieux Lhassa.Les pelerins se prosternent a longueur de journee devant l'entree tandis qu'une masse compacte tourne dans le sens des aiguilles d'une montre du matin au soir.

Tout autour, le bazar de Lhassa est un spectacle permanent... Une foule heteroclite,venant du Kham ou du Ngari,de l'U-tsang et du Khombo,ou meme de l'Avuho et du Moyu,de tous les coins du Grand Tibet, y negocie viande de yak et racines troma,ambre et turquoise,drapeaux de prieres et habit monastique,tsampa,DVDs de musique tibetaine, et bien plus encore.

C'est la que je vais lorsque les Chinois me minent trop le moral, et c'est de la que renaitra le Tibet si on lui laisse la chance.

PO RANGZEN!!!

Adrien

23 janvier 2007

Entre Tibet et Taklamakan















Bonjour!

Si vous arrivez a lire ce post,remerciez les Dieux!
Je suis en Chine depuis une semaine environ,et etonnament internet y est tres aleatoire.Depuis un mois environ,les sites etrangers prennent un temps incroyable a s'ouvrir,et generalement ne s'ouvrent tout simplement pas.La faute,dit-on,a un tremblement de terre qui a secoue Taiwan et le Sud de la Chine fin decembre.Je doute un peu de cette version(officielle), mais je garde mon avis pour moi car je sens que sinon ce post ne va pas passer la censure.

Depuis mon envoi, j'ai fait un bon millier et demi de kilometres.Je suis maintenant au coin Sud-Ouest du Xinjiang(Turkestan oriental), et sur le point d'entrer dans "l'autre Tibet", loin au Nord de Lhassa,la province du Qinghai(en tibetain:Amdo), aussi grande que le Tibet du decoupage administratif chinois, mais meconnue.

De Bichkek a Kashghar, il n'y a pas trois cols, mais huit!Le temps est exceptionnelement clement cette annee ici aussi(mais pas autant que chez vous:il neige presque toutes les semaines a Bichkek depuis debut novembre...on appelle ca clement la-bas) et en trois jours a peine je les ai tous passe, la plupart en Kamaz, ces puissants camions sovietiques.

Ce fut sans doute une des routes les plus magnifiques du voyage(Je ferai peut-etre un post ulterieurement avec un classement des plus belles routes, des meilleurs bazars etc.),au paysage mineral epoustouflant.

A Kashghar,je refis connaissance avec la Chine(que j'ai vu partiellement une premiere fois en 2002).Les Chinois n'ont pas changes:Sales,bruyants,nombreux.A la frontiere,tandis qu'on s'assurait que je n'etais pas porteur du SRAS, je vis un soldat se moucher dans la main et etaler sa morve sur le mur.
Mais l'adaptation se fait en douceur: Le Xinjiang, plus grande province de Chine -39 fois la Suisse!-, est peuplee originellement d'Ouighours, dont la langue s'avere assez proche de l'ouzbek pour que je puisse communiquer sans probleme.Avec les Chinois c'est une autre paire de manche:il comprennent a peine le langage gestuel.

Les Ouighours ont comme les Ouzbeks,des facies plus indo-europeens que mongoloides,un gout prononce pour la bonne chere, un talent certain pour la musique et la danse, et un ancrage inebranlable dans l'Islam et les traditions sans toutefois etre extremiste.

Comme les Turcs et les Ouzbeks, ils parlent une langue turcomane(altaique) mais reposent sur un fond indo-europeen millenaire(qui leur donne cette urbanite, ce raffinement de sedentaire qui a du temps a passer a composer des poemes entre deux recoltes, et ce melange dans le sang rendant certaines filles si belles), et ont subi une forte influence arabisante et musulmane.

Trois peuples qui se ressemblent,et ce n'est pas pour rien: L'Anatolie, la Transoxiane et le bassin du Tarim sont autant de zones de civilisations immemoriales, dont les couches de peuplement turco-mongoles ne sont que les dernieres d'une longue serie.

Avant l'Islam, la ou se trouve les actuels Ouzbekistan et Xinjiang, le zoroastriannisme puis le bouddhisme fleurirent, et on y parlait sogdien, la lingua franca de la route de la soie.

DE Kashghar, j'ai poursuivi en longeant le Taklamakan (deuxieme plus grand desert du monde)par la route de la soie du Sud, passant par Yarkand et l'immense bazar de Khotan, jusqu'ici, Charklik, a l'autre bout du Xinjiang.
Demain je dirai adieu a la sveltesse des dune du "desert mouvant" ou l'on apercoit parfois des caravanes, des vraies, faites de dizaines de chameaux de Bactriane,vrais monstres prehistoriques a l'air debonnaire.A moi le haut plateau tibetain!En janvier!

Que votre ombre grandisse, et les arbres aussi.
A bientot lorsqu'internet le voudra bien.
Adrien