27 août 2007

Confins


Wakkanai, 27 aout

La nuit est deja tombee et je suis dans un cafe internet-manga-karaoke pour vous ecrire une derniere fois depuis le Japon.C'est dans ce genre d'etablissement que vit la "generation perdue".Les enfants de la recession economique japonaise, passant d'un petit boulot mal paye a un autre, gagnant juste assez pour manger dans des fast-food et dormir dans ces cafes internet qui fournissent meme des petites chambres avec futon, ordinateur et lecteur DVD, pour moins cher que n'importe quel hotel, meme les "capsules".Mais c'est d'autre chose que je voudrais parler.

Depuis Asahikawa nous avons eu la chance d'etre rapidement pris en stop par un Japonais qui allait jusqu'a notre destination, Wakkanai, la ville la plus au nord du Japon dont le nom signifie "je ne sais pas".

Apres quatre heures de route nous avons dormi une nuit dans une modeste guesthouse pour bikers tenu par une grand-mere energique, et le lendemain avons pris le ferry pour la fabuleuse ile de Rishiri, a mon gout le pendant septentrional de la non moins fabuleuse Yakushima.

C'est aussi une ile-montagne, cree par un volcan qui pointe encore a 1721m. et s'evase largement a la facon d'un petit Fuji.Pour la drniere nuit ensemble nous avons pris une chambre dans un ryokan(hotels traditionnels japonais).Nous avons marche sans rencontrer personne (mais en croisant des papillons geants-on dirait des oiseaux) pendant trois heures dans la dense foret semi-boreale, avant de se baigner dans la mer, puis de se rechauffer dans l'onsen.

Un endroit magique que nous avons quitte ce matin,sous un soleil resplendissant aujourd'hui encore(mais avec des temperatures bien plus agreables que les 35 degres de Tokyo).
Elle est rentre a Tokyo. Mon bateau, lui, partira demain.

C'est ma derniere nuit au Japon ou j'ai passe un demi-annee passionante, ai beaucoup appris et je l'espere suis devenu encore plus humble.Je reviendrai ici, je le sais, comme je retournerai en Afghanistan (Le Japon risque fort de passer avant d'ailleurs).

Je cherchais tout a l'heure un endroit ou manger mon dernier repas au Japon: "Pourquoi pas de consistants ramen de Hokkaido? ...Ou alors des sashimis, que je ne trouverai plus avant un temps certain.Oh et puis finalement, des soba ne me feraient pas de mal!" Mais dans une ville de province japonaise, on ferme tot!Je n'etais donc plus en quete que de nourriture lorsque je questionnai un groupe d'autochtones qui profitai de ce soir d'ete dans la rue animee de Wakkanai (cent metres de gargottes aux signalement obscur).Ils connaissaient bien un endroit ou manger: c'etait là, devant moi,devant eux - si j'etais mystique j'aurais appele ca une metaphore du zen.

C'etaient des grillades de poissons et coques pechees du jour qu'ils preparaient devant leur maison.Ils eurent ce style sans ambage du Japonais qui tout en gardant la distance requise par la politesse, ne laisse pas le choix a l'invite.Et puisque je devais manger, je le fis et de bon coeur.En retour je leur devoilai un peu la maniere dont moi, le Suisu-jin, j'etais arrive jusqu'a ce bout du monde du bout de l'Asie.Entre une gorgee de biere et une bouchee de poisson, entre une question et un eclat de rire, bribes de vie, tranches d'un periple qui va bientot s'achever.


Demain je quitterai l'archipel en ferry pour debarquer sur l'ile russe de Sakhalin.Je releve le defi de rentrer a Geneve sans avion,faisant en moins de deux semaines la distance que j'ai mis un an et demi a parcourir!

A tres bientot donc.

Bien a vous tous,
Adrien

24 août 2007

Hokkaido

M'y volia enfin, a Hokkaido, deuxieme plus grande ile de l'archipel et vraiment unique: On ne s'y trompe pas, a ecouter les gens comme a admirer le paysage, c'est un autre Japon-pas completement japonais,ou plutot pas depuis longtemps-, que voila.

Pour gagner du temps car il commence a se reduire, j'ai pris le shinkansen jusqu'au bout de Honshu.,traversant en deux heures quarante le Tohoku que j'avais mis deux semaines a parcourir au debut de ce mois.

Pour atteindre Hokkaido j'ai pris un train qui passe dans un tunnel sous la mer(ce serait plus interessant si on pouvait voir au travers mais la technologie n'en est pas encore la), et suis arrive a Hakodate en fin de journee.La, une amie japonaise m'a emmene chez elle, un peu dans la cambrousse(Hokkaido est heureusement tres peu urbanisee, ce qui est unique au japon).C7est la-bas que j'ai goute l'umeshu le plus fort qui m'ait ete donne de boire au Japon.Le lendemain matin nous sommes parti faire le tour du magnifique lac d'Onuma (je vous promet des photos des que je pourrai) pres duquel se dresse un jeune volcan pas tout-a-fait eteint.

Le meme jour j'ai avale des kilometres en train puis me suis decide a essayer l'auto-stop au Hokkaido, le but etant le mythique cap Erimo.Une premiere voiture me prit pour quelque kilometres, puis je recommencai a poireauter au bord de la route.Comme personne ne s'arretait, je mis mon chapeau de moine errant, me disant pouvoir toucher la corde bouddhique qui subsiste chez beaucoup de japonais.

Ca ne rata pas, une voiture s'arreta.C'etait une grand-mere foldingue qui apparement m'avait choisi pour soulager son imminent besoin de parler et dare-dare deversa sur moi un flot ininterrompu de paroles dont je ne compris presque rien,sauf qu'elle se plaignait,plutot grossierement,que sa destination etait trop lointaine.J'acquiescais docilement, etant redevable.A la tombee de la nuit nous arrivames a Shizunai, ancien village ainou devenu en ce XXIeme siecle un ville de pachinko et station-services.J'etais plutot content de debarquer car l'ancetre conduisait comme une deratee et avait deja rogne la carrosserie plusieurs fois contre le trotoire.

Je me trouvai une minshuku (pension de famille) bon marche et jugeant que le futon n'avait apparement pas ete lave depuis sa confection, sorti mon sac a viande(= fin sac de couchage en coton) pour la premiere fois depuis la Chine.Ca n'arrangea pas l'odeur de la piece mais au moins j'avais la satisfaction de dormir dans ma propre crasse, ce qui est toujours mieux que celle des autres.

Il plut le lendemain et je pris le train et le bus pour atteindre le cap Erimo et rendre un derniere hommage a Bouvier qui passa par la il y a un demi-siecle.Erimo: "cap" en langue ainou(en fait "Eirunmo", japonise).Je ne connais aucun endroit au monde qui ne soit ausi parfaitement un cap.Une pique aiguise qui file dans la mer, prolongement de deux cotes d'une centaine de kilometres de long, soulevees par la chaine des Mts Hidaka.

Pas plus d'ainous la-bas que dans le reste de Hokkaido.Ils n'ont pas completement disparu, mais leur heritage est disperse: le sang ainou, melange au nippon, coule dans les veines d'un million de Japonais, la riche culture ainoue est releguee dans les musees, et la langue, que seuls 20 personnes connaissaient encore en 1990, se retrouve dans 95% des toponymes de Hokkaido.

De reour du cap, je retrouvai en fin de soiree a Obihiro ma copine qui elle avait pris l'avion pour me rejoindre.Mais fini le temps des escapades de deux-trois jours depuis Tokyo, en voiture(la sienne) ou shinkansen et dormant dans des ryokan.Je ne travaille plus et suis de nouveau un miserable vaguant, pour mon plus grand bonheur.Nous menons donc ensemble notre route de "bimbo ryokosha"("voyageur pauvre").

Le lendemain apres etre sorti de la ville en bus, nous commencames a faire de l'auto-stop en direction du massif montagneux des Daisetzuzan.Je pensais qu'en couple ca marcherait mieux, mais personne ne s'arreta avant une bonne heure.C'etait un groupe de jeunes qui allait jusqu'a Asahikawa et nous deposa dans le bled alpin de Nukabira.La pluie nous accueilla.Nous entrames dans une pension qui etait ouverte mais deserte, s'affalant sur les canapes en attendant que quelqu'un vienne, ce qui n'arriva pas .J'aurais pu dormir gratos dans cet hotel desert mais merveilleusement propre, mais pas assez filou pour ca, nous trouvames ailleurs a manger et un toit: dans une "rider's house", guesthouse bon marche specialement pour motocyclistes, qui sont tres nombreux a Hokkaido puisque c'est le seul endroit au Japon ou il y a de longues routes sans peages ni traffic.

Le lendemain, re-auto-stop et un camionneur tres sympa nous emmena jusqu'a Sounkyo, toujours dans les montagnes.Nous attendimes le lendemain(aujourd'hui) pour gravir la montagne,un vrai paradis sauvage avec une vue a couper le souffle.

C'est la directrice de l'ecole primaire de Sounkyo qui nous a prit jusqu'a Asahikawa, a trois heures de la.Comme elle s'arretait a Kamikawa, nous en profitames pour gouter ses ramen (nouilles d'"inspiration" chinoise avec une rondelle de porc et des pousses de soja, le tout baignant dans une soupe miso) fameux dans tout le Japon.On tombait bien, arrivant a dix minutes de l'ouverture du festival annuel des restaurants de ramen de kamikawa(sic), qui pour l'occasion avait plante leur tente dans un parc du village.En habit medieval, les tenanciers improviserent une chanson avant de distribuer des bols de ramen pour un franc.S'ensuivit des degustations de sake et des varietes locales de tomates... un petit air de Suisse!

Etonnant Hokkaido!

A bientot

Adrien

18 août 2007

Auto-stop au pays Nambu



[Suite des aventures dans le Tohoku et bref retour a Tokyo.]




Du Tsugaru ou il a plu sans arret apres l'omatsuri (il ne me semble pourtant pas que l'on avait sollicite les kamisama de la pluie), j'ai fait mon chemin jusqu'a la cote du pacifique... en auto-stop.


C'est la premiere fois que j'experimentais ce moyen de transport au Japon, qui n'est pas repute etre le paradis des auto-stoppeurs!
Pourtant ca a plutot bien marche.Il y a tres peu de Japonais qui prennent en auto-stop, mais ceux qui s'arretent aident pour de bon.Ainsi, par deux fois, je fus invite a rester dormir.C'etait au moment des vacances d'Obon, la fete bouddhique des morts, ou l'on va prier au sanctuaire et au temples afin que les esprits des membres defunts de la famille "rentrent" momentanement a la maison.
A cette occasion, Tokyo et d'autres grandes villes se vident car beaucoup retournent visiter leur lieu de naissance.Plusieurs fois des familles rentrant voir les grands-parents pour Obon me prirent en auto-stop, et je dormis dans des criques de la cote du Sanriku qui est abrupte et profondement decoupee.M'y baignai et goutai quelques specialites locales comme l'oursin ou le poisson-napoleon (cru, bien entendu).Pas de baleine a ce moment de l'annee...
Apres trois jours a descendre la cote du Sanriku et un superbe coup de soleil, arrive a la hauteur de Sendai, je traversai(en train cette fois-ci) les montagnes qui constitue la moelle epiniere du Honshu et me retrouvai a Sakata, au bord de la mer du Japon, le jour de Obon.Grande ferveur, mais ferveur facon Japon moderne: Tout le monde va au temple en land rover, garant leur monstres jusque dans les cimetieres!Je ne parle pas des embouteillages... dans une ville de taille pourtant modeste.
Continuant graduellement mon chemin vers Tokyo, je passai une nuit a Yamagata, admirai le coucher de soleil depuis l'onsen rennome a Zao (un volcan eteint avoisinant) et le lendemain gravi le Yamadera, un vieux temple etage dans la montagne.
Tokyo: vacances d'ete, chaleur suffocante, l'estomac en compote a cause des bacteries qui se developpent immanquablement... J'ai mon visa russe, a moi Hokkaido!

9 août 2007

Le fond de la route

Michinoku, "le fond/le bout de la route"
道の奥

C'est l'ancien nom du Tohoku, la partie Nord de l'ile principale de l'archipel(Honshu).

Je suis a son extremite septentrionale, en face de la grande ile du Nord, Hokkaido.
Il n'y a pas si longtemps, cette endroit au denses forets peuplees d'ours, loups et animaux endemiques de l'archipel, etait considere comme une extremite lointaine, fraichement conquise aux "barbares"(Ainous en l'occurence, et pas barbare pour un sou,mais qui eurent le malheur de ne pas etre japonais) et ou des Shogun rivaux guerroyaient.


A Hirosaki ou je viens de passer trois jours, on parle un dialecte aussi different du japonais standard que le dialekt vis-a-vis du hochdeutsch, et herite directement du petit royaume de Tsugaru.


Avant-hier j'ai participe a mon deuxieme matsuri de l'annee, le festival des Neputa, des effigies geantes de personnages mythologiques sino-japonais en papier japonais peint et soutenu par une structure metallique.On les tire a la force des bras, guide par un eclaireur qui veille a ce que le neputa ne touche pas les fils electriques.Pour cela, le Neputa est mecanise et peut tourner sur lui-meme.Il y a des variantes , comme les Neputa geants qui font l'equivalent d'un immeuble de cinq etages, ou les Neputa flottants sur l'eau.Je suis arrive pour le dernier jour du festival ou les Neputa sont ramenes vers leurs hangars avant d'etre depece.
Je me suis aussi essaye aux percussions...
A Aomori, la ville principale de la prefecture ou un festival similaire se deroulait, je suis alle voir les feux d'artifices(hanabi).Un must au Japon qui se dit fier d'etre le meilleur artificier mondial.J'avoue que ca n'est surment pas un mensonge.

Avant cela j'ai aussi passe deux jours sur l'ile Sado, sur la mer du Japon.De la campagne japonaise pure!Champs de riz ondulants jusqu'a la cote ecorchee, montagne dans la brume couverte de foret vierge, vagues violentes et un mode de vie qui a l'air d'etre reste preserve de la "modernistation" galopante du reste du Japon.Les familles, presque autosuffisantes avec leurs champs de riz, produisent elles-meme leur miso et leur legumes.Un fait qui devient rare sur l'archipel.

L'ile est aussi connue pour ses mines d'or abandonnee, mais la premiere choses que les japonais vont diront, c'est de prendre garde aux Nord-coreens!Des sous-marins espions ont jadis enleves des Japonaisdont certains seraient encore en captivite... J'ai eu beau cherche, et meme m'etre baigne, je ne les ai pas vu.Tant pis, j'irai dire bonjour a Kim Jong-Il une autre fois!
A+
Adrien