28 février 2009

200 ans d'histoire de Genève... des copeaux!



Il est des parfums qu'on reconnaît entre mille. Ceux des livres de son enfance, des rocs poncés par la Méditérannée, ou de l'epiderme d'une conquête au réveil.

Et il en est un, seigneurial, puissant, qui grandit l'air et anoblit l'âme. Celui du cèdre du Liban.

Il précède toujours la vue. Et parfois, cela vaut mieux, car ce que j'ai vu m'a remplie de tristesse.

Trois vénérables cèdres ont cessé d'exister à Genève la semaine du 9 février à Genève. Par n'importe lesquels, des monuments. Des gardiens de la mémoire, des arbres tutélaires.


L'indignation des citoyens n'a pas pu empêcher le désastre: Le cèdre du parc Sautter a été coupé en rondelle, comme le magnifique pin laricio à côté de lui, ainsi que 300 autres arbres de toutes tailles. Ilot de verdure sacrifié pour l'extension du CMU. Mais n'y avait-il pas moyen de le préserver, au moins lui? Alors que les projets architecturaux intégrant des arbres vénérables sont de plus en plus cotés, ici, c'est un monolithe de béton qui va s'ajouter au complexe du CMU et du CHUV dont le style ferait pâlir d'envie Brejnev.

Précisément, c'est le style d'une époque. Une époque qui a eu son lot d'impunité dans l'aménagement du territoire. Une époque dont certaines autorités semblent ne pas savoir qu'elle est révolue. Force est de constater que si les Genevois aiment leurs arbres, il s'en trouve encore pour, sur une carte, tracer une ligne et un trait sur notre patrimoine!


Je croise trois promeneurs qui ont des décénnies de souvenirs de plus que moi. L'un d'eux me raconte qu'il a fait toute son école primaire ici, au temps où le lieu-dit s'appelait Pré-fauchot: "On jouait tout le temps au train dans la cour. On mettait des batons par terre, comme des rails, et on faisait le train. L'arbre, ç'était notre gare principale!"


Une cour d'école... oui, le parc Sauter n'était pas si grand. Mais il était un poumon vert dans la ville. La ville qui finalement l'a bouffé.

Plus haut, c'est Champel, bientôt aussi densément urbanisée que les Pâquis ou Plainpalais. Les cafés et les commerces en moins! Des chênes centenaires, rue Eugêne-pittard, il ne reste souvent plus que des souches... ou des poteaux

télégraphiques. Maintenant que des immeubles ont remplacés les maisons de maîtres, il faut de la place pour les Porsche Cayenne...


A quelques pas du Parc Sautter transformé en Verdun, de l'autre côté de la place Claparède, se dressait jusqu'il y a deux ou trois ans un magnifique Pi

n de l'Himalaya dans une propriété à l'orée du quartier des Tranchées. Là, on prend plutôt soin des arbres, qui d'ailleurs ne sont pas légion. C'est plutôt de vieillesse que le pin est mort... à moins que ses propriétaire trouvâssent qu'il penchait trop.



"Nos arbres" -pour emprunter à mon bouquin de chevet de quand j'avais dix

ans- ne sont pas tous égaux face à notre climat, à la pollution, au piétinement. Regardez le parc des Eaux-vives: Dans chaque "chambre" de Séquoias géants, il en manque au moins un ou deux, et ils chaque année ou autre périclite.

Dans la rocaille dudit parc, celle ou les jeunes mariés venaient depuis des générations se faire tirer le portrait, deux cèdres d'une quarantaine de mètre ont éclatés lors d'une tempête la semaine dernière. Le banc sous leur ramure a été pulverisé. Je compte 136 cernes sur l'un des d

eux. Un gamin, pour celui du Parc Sautter.


Ici aussi, l'air restera musqué pendant des mois.


Même si l'homme n'est pas directement responsable pour ces deux cèdres-ci (ils étaient haubannés l'un à l'autre), les accidents naturels devraient nous pousser à encore davantage de vigilance vis-à-vis du tronçonnage gratuit: Nos arbres ne sont pas illimités, ils sont un leg, un héritage à la merci des rapines. Je suis d'avis qu'un arbre centenaire ou rare a plus de valeur qu'un autre. Le cèdre du Parc Sautter méritait à lui tout seul qu'on sauve le parc. Quant à sa santé, elle était excellente. Ô combien de fois j'ai vu la maladie servir de prétexte pour couper un géant, alors qu'il n'en était rien!!


Malheureusement, les dégats ne sont pas prêt de s'arrêter. Un exemple parmi d'autres, la future extension de l'OMC, qui au lieu de se faire à dix minutes du batiment actuel (l'ami Lamy ayant fait des siennes), envahira l'est du Parc Barton. Il prendra notamment la place d'un parking, certes, mais endommagera les racines de nombreux arbres, en plus de limiter l'accès aux parc. Soyons alertes, soyons citoyens, et plantons-y plutôt les arbres vénérables de demain!


Que votre ombre grandisse comme celles des cèdres au couchant.

Adrien

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