23 février 2006

El desierto...


"[...]de fuir dans un desert
L approche des humains." Alceste


Pourtant,je ne fuis pas,et encore moins les humains.

Je suis a Kerman.Depuis le Sud(Bandar),je suis monte a Yazd et y ai passe quelques jours avant d arriver ici.

Je ne suis donc plus tres loin du Pakistan.D ici la, la distance n est pas enorme de meme que les haltes possibles.En effet ici commence le desert du Lout,qui en ete peut atteindre 68 degres parait-il.Il y a Bam,a mi-chemin entre Kerman et la frontiere, mais quand je vois les photos avant/apres (le tremblement de terre de decembre 2003),c est tellement deprimant que je ne suis pas sur d y aller.Il y a quelques endroits sympas autour de Kerman,ville qui ne presente pas un tres grand interet,et qui plus est porte du Balouchistan,region d intense traffic d opium,mais pas plus risquee que ca outre mesure,a part d episodiques enlevements.
Mais alors pourquoi suis-je encore la? Eh bien...c est que si j arrive a glander encore un peu,je pourrai peut-etre attraper le train Zahedan(Iran)-Quetta(Pakistan).Il passe deux fois par mois,et le prochain tombe le 2 mars...s il n a pas de retard.Bien sur il y a des bus reguliers qui traverse cette etendue desertique.Mais ce train a l air genial..il prend de un a trois jours,suivant le nombre de fois ou il faut deblayer la voie recouverte par une dune.On ne sait pas quand on arrive,et on doit vraiment etre hors du temps et de l espace...
Enfin voila je reve de ce train,mais malgre tout,ca sera dur de tenir dans ce coin d Iran jusque la,il n y a pas grand chose a faire,et meme pas grand chose tout court...on verra(reponse au prochain post je pense).
Vous avez remarque que le seul luxe que je me permet c est la lenteur - on ne mesure pas la valeur de ce luxe-la.Qui,quel qu'il soit,arrive encore a se l offrir??Le vrai luxe ca n est pas l espace,suis-je tente de dire,le vrai luxe c est de prendre son temps! Mais il y a une differnce entre prendre son temps et faire expres d en perdre.J en fais l experience actuellement.

J ai trouve une bonne excuse,aujourd'hui,pour ne pas faire grand-chose:il pleut.Non,il neige meme!!!Assez incroyable...mais c est vrai que nous sommes a plus de 1700 metres d altitude.
La majeure partie de l Iran est tres montagneuse,et aussi semi-desertique qu ici.Je ne vois pas de tres grands changements entre le "desert"des environs de Kerman et la plupart des paysages traverses dans ce pays,mis a part que le sable se substitue a la roche ca et la.Mais patience,le Lut est bien un desert,et je n y suis pas encore entre.
Il n empeche,le sud(Bandar etc) et le sud-est(ici) sont plus chauds que le reste.L architecture(celle des parties anciennes des villes surtout) s en ressent.A Bandar,j ai commence a voir des badgir, des tours qui captent la moindre brise et la conduis a l interieur de la maison.Simplissime,mais tres ingenieux!Et fichtrement efficace.Ils sont encore utilises aujourd'hui.En revanche,les ab anbar et yakh anbar sont souvent laisses en ruine.Ce sont d enormes reservoir a eau ou a glace,coiffes d un large dome de terre cuite,qui conserve le contenu a des temperatures eventuellement sous zero,tout au long de l annee.Autre geniale invention,plus presente au Sud-Est qu au Sud, les qanat, des caneaux souterrains qui apportent l eau d oasis ou sources sur des kilometres,jusqu aux villes.

Yazd est une ville magnifique.Et elle devait etre encore plus etonnante il y a cinquante ans,bien avant l arrivee du tourisme.Car c est une des villes les plus touristiques d Iran,et meme lorsqu il n y a pas de touristes,il y a les infrastructures,il y a les prix gonfles,et les "My friend,my friend" des marchands de tapis et autres arnaqueurs(quoique que ceux-ci n ait aucune commune mesure avec la Turquie ou meme Ispahan,tant pour leur nombre que leur insistance:ici il comprennent "non" commme une reponse).Mais elle a un charme que meme le tourisme n a pas encore trop entame.

La vieille ville,qui est relativement etendue,est un labyrinthe de mur de torchis,surmonte d une foret de badgir et de toits plats semes de douces coupoles.Le tout dans les tons de terre,puisque ne sont utilises que la boue,des briques de terre cuite,du torchis et du bois.Des segments de troncs de palmier servent parfois a consolider l interieur des murs.A la mort du jour les batiments vibrent d une belle lumiere apocalyptique.
Dissemines dans la vieille ville,des maisons de l epoque Qajar,des remparts de boue sechee,et quelques batiments qui arborent le superbe bleu perse,dont la mosquee du vendredi et le fameux Amir Chaqmaq.(Ce serait evidemment bien mieux si je pouvais vous montrer mes photos mais elles dorment dans leurs films, et je ne sais quand elles seront devellopees,d autant plus que j ai utilise des films diapositive cette fois,meilleurs pour la couleur mais pas possible a developper ici)

Le bazar est petit compare a celui de Tabriz,Teheran,Ispahan ou Shiraz,mais on y trouve les meilleures shirini(sucreries) du pays,rien a voir avec les ecoeurantes patisseries arabes.

C est un plaisir a chaque fois renouvele que de se perdre entre les murs de terre,sur les chemins de terre,sous un bienveillant soleil(malheureusement souvent voile lorsque j y etais)qui chauffe la terre.
Un jour,j ai frappe a une grosse porte en bois brut patinee par les ans(du genre que t adores,papa),parce que je trouvais la maison prometteuse,avec de hauts badgirs d ou depasse comme toujours les perches d orme ou de chene qui les structurent.Et c est ainsi que j ai rencontre un des plus brillants joueurs de tar d Iran.Malgre son jeune age il jouait mais aussi chantait et meme construisait tars,sitars et sazs kurdes.La demeure qu il louait,partiellement occupee par son atelier,partiellement inhabitee voire en ruine,etait une grande maison Qajar a cour interieure et de nombreuses pieces annexes,pleines d astuces pour garder des temperatures vivables en toute saison.

C est ca,Yazd.Pas si grande mais au possibilites infinies.

Beaucoup,beaucoup de hijab(tchador noir complet):c est une ville assez conservatrice.Mais en ce sens tres comparable a Konya:l universite,renommee,donne a la ville une forte population jeune,qui elle est tres ouverte.Un paradoxe interessant,tant qu il n entre pas en conflit... Je me souviens que losque je suis arrive la-bas,de nuit,tandis que je marchais vers une mosaferkhune(guesthouse) avec mon sac sur le dos,un groupe de jeunes filles pouffait a mon passage,et l une me lanca meme un "hey baby I love you!".C etait touchant et amusant.Fait interessant,elles sortaient de la mosquee!!!Je me suis dit alors que cette ville etait moins provinciale que je n imaginais...c etait a moitie vrai.

Yazd,j ai failli y rester.Au sens litteral d abord,au sens figure ensuite.
Au sens litteral parce que j avais trouve un hotel parfait,tres agreable et pour un prix derisoir(2,50euros la nuit).Superbement restauree,cette ancienne maison traditionnelle avait l avantage d une cour interieure calme et temperee,ou je m offrais de vrais petit-dejeuners.Et plus encore,parce j avais rencontre la-bas une fille qui s annoncait etre une perle(Je suis desole de revenir la-dessus,il n y a pas que ca bien sur,mais pour un homme qui voyage en Iran,c est impossible d occulter le sujet).Pour simplifier,cette etudiante en medecine qui portait un nom de fleur perse semblait avoir toutes les qualites d une Iranienne,plus celles que les Iraniennes n ont pas.En la voyant marcher a cote de moi,je lui ai demande ma direction a elle plutot qu a tel ou tel barbu.Et ainsi de suite,laisser l alchimie se faire-ou ne pas se faire-,la laisser donner un tour agreable et naturel,sans trop penser au lendemain...
J etais conforte dans l idee que cela n etait pas trop risque par le fait qu il y avait eu un precedent-a Shiraz-,une fille rencontree au mausolee de Hafez(comme c est romantiiiique!),que j embrassai le jour suivant dans un parc.Ce qui aurait pu me valoir pas mal de coups de fouet,je crois.J avais surtout remarque a quel point c etait exceptionnel-imaginez-vous que la plupart des filles ici n ont jamais donne la main a un autre homme que leur pere,leur oncle,leur frere ou leur mari.C est tout!-.Du coup,et c est un peu decourageant,il faut tout leur apprendre...depuis le point zero.(jusqu au point G?pas vraiment.)
Cette fois-ci,j avais plus de temps,et nous commencions a construire quelque chose de grand.Le courant passait vraiment,et ca se voyait a son regard et a sa voix assuree et honnete qu elle n etait pas trop du genre timoree.Calmement,nous construisions quelque chose de bien plus puissant que l amusement de Shiraz.Ca l etait deja sans plaisir charnel,dans les regards,la discussion,la serenite partagee.
Le lendemain de l avoir rencontre,elle me retrouva dans la cour de ma pension.Je pensais l endroit sur... Nous discutions calmement,sans arrieres-pensees(ou presque),en sirotant du the,depuis une petite heure,lorsque je sentis que deux ombres sinistres nous avaient reperees.Elles s eloignerent,puis revinrent et l un des deux barbu fit un signe que je ne vis meme pas,mais que Elle vit,et elle s excusa aupres de moi,incredule et pantelant,craignant d avoir ete pris sur le fait(mais sur le fait de quoi,au juste?!?!)par des pasdarans,les terribles "gardiens de la revolution".Je les entendit(et compris partiellement)la questionner,juste derriere le mur.Elle repondait d une voix lasse,presque exasperee,tandis que je me mordais les doigts.Je n ai pas intervenu,estimant que cela valait mieux pour elle autant que pour moi.Ils l ont laisse partir,et elhamdulillah sans punition.Elle prit quand meme le temps de revenir me dire au revoir et alors que j essayais confusement de m excuser,elle me dit juste:"C est l Iran..."

J appris plus tard du patron de l hotel,que je soupconnais etre un delateur(mais il n en etait rien,j en eu la preuve plus tard),qui s excusa,que c etait la "polis-e-turist"(j ai pas besoin de traduire,la?),et qu il venaient inspecter les hotels...chaque heure!!!J appris egalement que legalement,seuls les Iraniens pourvu d une carte de guide touristique de la republique islamique,peuvent parler a des etrangers...en theorie donc un chauffeur de taxi ou un marchand de bazaar n ont pas le droit de ma parler!Aberrant.

Je me consolai en me disant que j avais peut-etre echappe au marriage.

Le jour suivant je fis une escapade a Abarqu,un village au Sud de Yazd,dans le desert eponyme.Les habitants,"un peuple fier"dirait-on,semblaient habitues aux vent opaque qui faisait des tourbillons de sable sur les chemins.
C etait un vendredi,conge donc,et les superbes maisons tricentennaires aux badgirs geants et etages,etaient fermees au visiteurs potentiels.Pas decourage,je grimpai sur le toit d un batiment mi-en construction,mi-en ruine(c est solide),sachant bien que les toits sont plats,presque tous a la meme hauteur,et contigus.Quel delice que de voir le hameau d en-haut,et de choisir les meilleures angles pour fixer sur pellicule ces badgirs celestes!Je naviguai sur les toits alentours en prenant soin d eviter scrupuleusement d approcher des maisons habitees,puisque je pourrais m attirer l ire des habitants qui ont souvent une cour interieure a ciel ouvert.
Et pourtant, ca ne suffit pas,je l appris plus tard de facon cuisante.Dans le lointain,un vieux sur un chemin me vit.Je le vis,ne me cachai pas.

Vingt bonnes minutes plus tard,me voila en train de considerer un cypres millenaire et de lui tirer le portrait,lorsqu un type mal rase,pas bien gros,m aborde l air de rien.Je reponds a ses questions autant que mon farsi me le permet,sans m interrompre dans ma contemplation.Il m invite chez lui,mais ta'arof oblige(je vous expliquerai une autre fois ce que c est),je refuse poliment...et de toute facon je n ai pas beaucoup de temps,il me faut aussi retourner a Yazd qui n est pas tout pres.Le type sans va,je reste avec l arbre.Je suis encore la lorsqu il revient avec deux acolytes sur une mobylette.Il me retrouve,et cette fois-ci se fait plus insistant.Je flaire du roussi.Il abandonne encore,et je pense a me mettre en route.Mais le voila qui soudain me prend par la nuque,"bia!"(viens).Je me degage,range mon appareil,et tente de comprendre.Mais je ne trouve pas de logique.Je lui demande,puis lui crie pour attirer l attention d autres gens,"Tchi mikhai?!"(qu est ce que vous voulez),mais il me regarde juste avec un air de boeuf enerve.Il n y a presque personne alentour,sauf une famille qui picnique.Je choisis la fuite,le 36 eme stratageme et le plus sage,mais elle n est pas aisee:je suis loin de tout,et il aura tot fait de me rattraper.Je cours vers la famille,mais au lieu de s interposer,le pere me dit sechement de m en aller.Il s est bien leve et a esquisse un geste,mais s est ravise.Le dingue lui a juste dit quelques mots,alors que je criais,en anglais cette fois pour etre plus credible,que j etais touriste, et qui etait ce mec?J ai compris deux mots,"mardum",et"aks",respectivement,Les gens et photo,qui m ont mis sur la voie.Le vieux d avant a peut-etre prevenu ce type,lui disant que quelqu un prenait des photos sur les toits,et cet autre est venu jusque-la pour me retrouver et accomplir sa vengeance d un acte que je n ai pas commis,comme prendre en photo sa femme ou sa fille.
Je fuis vers le ville,je prends mes jambes a mon cou,mais les salopards me coincent avec leur motos,et il tente de me filer des coups.Ce type veut ma peau! Ils sont moins agiles avec leur engins,et l issu reste totalement incertaine.Je continue de crier,tandis que ce ne sont plus une mais quattre mobylettes qui zigzaguent pres de moi.
Soudain je m apercois que deux d entre elles n ont rien a voir avec le dingue,ce sont des jeunes qui viennent juste voir la distraction de plus pres,et ils n ont pas l air de saisir grand-chose.L un me dit de sauter sur sa becane, et nous fuions,"kodja miri?"-"vers les [taxis collectifs] pour Yazd".
Je m en sort indemne,presque sans bleus,mais choque.Le roofclimbing c est un sport dangereux par ici.Je retiendrai la lecon.

Devenu quelque peu malsaine pour moi,bien que toujours accueillante,je quitte Yazd dans les jours suivant.J en garderai malgre tout de tres bons souvenirs.
Je crois que je suis reste cinq jours la-bas.J ai aussi fait un jour un escapade vers Chak-chak,le lieu sacre des Zoroastriens,les pratiquants de la religion monotheiste de l empire perse,il y a 9 siecles.Pour cela on traverse le vrai desert,avant d arriver a un temple niche dans le creux du montagne qui se dresse comme un champignon solitaire et au pied de laquelle goutte une source sacree qui fait "chak""chak" et nourrit un platane solitaire.Sur la route des arrets s impose au village de Kharanaq,une sorte de Hassankeyf iranien,et Meybod/Ardakan ou je goute aux delicieux kebabs de dromadaire.
De grandes portions de la route sont en plein desert de sable,qui bouche la vue lorsqu'il occupe l air.Ca aussi c est le desert,le vrai... Un petit frere du Lout a qui je vais bientot dire bonjour....

A bientot et bonne vacances pour les universitaires!!

Bisous
Adrien

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