20 décembre 2006

Les trois Khanats

Boukhara,Kokand,Khiva… les trois Khanats.Ils se partagaient la majeure partie de la’Asie centrale avant l’arrive russe.

Je suis en plein Coeur du troisieme,après un grand detour vers l’ex-mer d’Aral.

Khanat de Kokand.J’etais a Kokand,dans la Ferghana, au debut de mon sejour ouzbek.ce Khanat s’etendait jadis de la Kashgarie au sud du Kazakhstan actuel,en passant juste au-dessus de Tashkent.D'anciens monuments, il ne reste guere plus que l’ancien palais du Khan, dont la moitie est effondre…rien a cote des cites des deux autres Khanats.Pour moi Kokand c’etait surtout un palau/plov(riz cuit dans la graisse de mouton avec des carottes rapees, des raisins secs et des morceaux de viande; celui du ferghana est repute etre le meilleur de l'Asie Centrale) delicieux et une hospitalite toute ouzbeke.


Khanat de Boukhara.Des siecles avant les Khan Shaybanides, Boukhara illuminait deja cette partie du monde,et cala meme avant que l’Islam n’y penetre.La ville devait etre alors bouddhiste,zoroastrienne…nestorienne peut-etre.

A partir de la deliquescence de l’empire de Tamerlan et du partage de la region en trois etats shaybanides, Boukhara en devient le principal et englobe Samarcande,Shahr-e-sabz(ancienne Kesh, ville natale de Timur/Tamerlan),Termez et meme Balkh/Mazar-e-sharif ou le Badakhshan, a son apogee.

Arrive a Samarcande, après l’instant d’emotion vint la douche froide du prix d’entrée des monuments.On fait connaissance avec l’Ouzbekistan touristique(Question classique et execrable:”mais ou est ton groupe?”).Le Registan en vaut pourtant la chandelle.
Drole de sher dor, grand iwan decore d’une paire de lions doubles de tetes humaines rayonnantes, dans ce qui fut la ville principale de l’Islam,une religion qui interdit strictement la reproduction artisique d’etre vivants!!Le clou de l’ensemble est l’interieur en or de la mosque tilla-kari,le fameux dome d’or de Samarcande.Ebahissant!Pas pour les kilos du metal precieux qu’il a fallu utiliser, mais pour le cisele et le relief des motifs…

Aux proportions de cathedrale,c’est l’iwan(porte-arche) de l’ensemble dedie a Bibi-khanom(une trentaine de metres).Entierement recouvert de ceramiques a emaux bleus,forcement!Tout autour, ruelles-labyrinthe de la vielle ville, truffee de cours en murier sculpte et de petite mosques en bois croulantes de ne plus etre beaucoup utilisees.

Ce qui attire l’imagination encore plus que l’oeil, c’est le shah-i-zindah, groupe de mausolees originaux (et tant mieux parce que dans l’islam l’art est un peu trop souvent de l’imitation) en brique beige decoree ou non de ceramiques bleues,sur le flanc d’une colline recouverte de tombes, le cimetiere de la vielle ville de Samarcande.C’est le l’endroit de la ville qui a peut-etre le plus de caractere, et celui que j’ai choisi pour mon carnet a dessins.
La tombe de Tamerlan(Timur-e-lang, Timur le boiteux),artisan d’un gigantesque empire au 15e siecle,n’est pas la,mais dans le non moins superbe Gur-i-amir, avec quelques-uns de ses proches.Il avait pourtant demande a etre enterre comme un homme ordinaire et dans sa ville natale, Shahr-e-sabz…

L’emplacement prevu l’attend toujours,d’ailleurs.Il n’y sera surement jamais deplace mais le gouvernement,disons le president(puisqu’ici c’est la meme chose), a fait couler la-bas une statue celebrant le conquerant, en mal d’un heros national après le divorce d’avec Lenine.Elle trone en face de l’Arche geante du palais de Timur dont il ne reste que les deux piliers,ce qui reste tres impressionant!

A des heures de routes dans le desert de la, en passant par Karshi ou reside une petite communaute arabe laisse la un peu seule après la “conquete” de la ville au 8e siecle par les Sarrasins(conquete toute relative puisque l’islam n’y a ete definitivement implante que bien plus tard,avec les Kok turk et autres altaiques),m'atendait Boukhara.

Foncierement aryenne/indo-europeene, la region etait une sattrapie perse au temps des Achemenides, et deux millenaires et demi apres, on y parle encore un patois persan.

Mais le dialecte persan de Boukhara est a mille lieux du farsi de Rayy(Teheran)!Il faut vraiment etre passé par l’Afghanistan(et son dari), puis la Sogdiane(et son tajik) et finalement Samarcande, pour y comprendre quelque chose.Cela reste pourtant du tajik, et lorsque je met mon tchapan(grand manteau traditionnel remboure de coton), je paie le prix pour Ouzbekistanais a la caisse, en tchatchant un peu.

Il faut dire que c’est l’endroit le plus touristique d’Asie centrale, et il semblerait qu'en saison il y ait une quantite de touristes francais…On croirait etre en Tunisie quand les marchands de souvenirs helent n'importe quel visiteur aux traits europeens en francais avec un accent qui n’a certainement pas ete appris a l’universite contrairement a ce que certains malins pretendent!Il y a un mot que tout les habitants de la vieille ville connaisent, c'est "mille"...mille som ouzbek(~1dollar).

Ce desagrement passé, Boukhara s’impose comme la plus vivante des villes anciennes d’Ouzbekistan, avec une vieille ville etendue et vierge de tout batiment moderne, habitee par les meme familles depuis le temps du khanat ou meme avant, et semee de medresse et de minarets.Il y a notamment l’ark(citadelle), un peu trop restauree, et le minar-e-kalan,qui comme son nom(tajik) l’indique, est grand - 45m.,c’est moins que celui de Jam en Afghanistan,et moins ancien, mais ca en jette, massif mais avec en plus cet air inimitable de presse-agrume monte sur un cou de giraffe),deux symboles de la ville.

En hiver, soulagee des hordes touristiques europeennes, la ville est paisible et encline aux rencontres.
J’ai colle un jeune prof de la madrassa mir-e-arab(la seule de l’URSS qui resta en fonction), quant a l’interpretation des hadith par les differentes ecoles de l’Islam.Avec le recul, je me dis que c’est assez fort pour le kafir(non-musulman) que je suis.

J’ai aussi discute en tajik avec une fillette qui mendiait devant la Jome Masjid(Mosquee du vendredi,juste en face de la mir-i-arab), ravie de papoter un peu.J’ai remarque que ca faisait tres longtemps que je n’avais pas parle avec un enfant, et les enfants ont des questions o combien plus essentielles que les inevitables”Peux-tu me donner un visa pour la Suisse””Combien on gagne la-bas?””Est-ce je peux aller travailler la-bas?!”des adultes. Il est vrai qu’alors que mon pays inspire au Pakistanais ou un Indiens “des montagnes immenses couvertes de forets”(a cause des films de Bollywood), il rappelle surtout les banques aux Ouzbeks(a cause de leur president bien sur).L’un d’eux m’a meme pretendu qu’en Suisse il etait inutile de travailler!Quand je vois mes parents, je me demande…

Parle aussi avec certains des derniers juifs de Boukhara, une tres ancienne communautee juive en pleine Asie Centrale, qui comptaient pour 10'000 habitants en 1989, et a force d'emigration massive vers Israel et les Etats-unis, a chute a environ 400 aujourd'hui.Cela pourtant n'inquiete pas du tout les maitresse de la petite ecole juive, qui si elles le pouvaient partiraient aussi.Si Khoda/Ellohim exaucait un voeu pour chaque ouzbekistanais, le pays se retrouverait vide de sa population, tant tous revent d'un avenir ideal en Europe ou au Etats-unis, gaves de telefilms americains(doubles en russe) et berces d'illusions.Chacun ses reves...
Etonnant cependant d'apprendre que les jeunes de la communaute juive sont souvent restes a Boukhara, alors que les parents et meme les aines sont partis.

Je suis reste quatre jours a Boukhara, parfois assez degoute par l’esprit venal d'une partie de la ville mais encore plus ravi d’admirer ses merveilles. Un seul regret pourtant, celui de ne pas avoir participe a aucun zikr, et que la tombe de Bahauddin Naqshband(fondateur du courant souffi naqshbandi), comme celle de Khwaja Al-Bukhari(compilateur de la sharia, son mausolee est pres de Samarcande),ait ete retapee un peu trop a neuf par le gouvernement qui lui a soustrait beaucoup de sa spiritualite et livre aux touristes(cette fois-ci surtout Ouzbeks).

Mais comme disais Aleph Sorhat, un ex-moudjahid du Panjshir,compagnon d'arme de Massoud, que j'avais rencontre a Kunduz, un zikr c'est aussi admirer un arbre, regarder une fille comme on regarde une fleur,se baigner dans des fleuves paresseux ou jouir du bonheur de sentir son sang gicler puissament dans ses veines... en pensant a ce qui les a cree!

Khanat de Khiva.La derniere capitale du Khwarezm independant.Entre deux desert et les steppes Kazakh,un autre Ouzbekistan.Je ne comprend rien a leur dialecte ouzbek,sauf ce drole de “awa” pour dire oui(qu’on retrouve en langue Karakalpak,et qui est a rapprocher du “evet” turc anatolien).

Khiva est une ville a voir le soir ou a l’aube.C’est la ville ancienne d’Asie centrale que les sovietique avaient choisi de restaurer, et ca n’est pas pour rien si elle a si souvent servi de decor pour films.Je suis arrive la nuit, et a marcher a la recherche d’un toit, j’avais l’impression d’avoir remonte dans le temps.

Les autorites ont organise une magnifique arnaque avec les billets d’entrée,avec un billets surtaxe a la porte de la vieille ville qui est cense etre valable pour tous les batiments a l’interieur mais qui ne l’est pas du tout, des “extra fees” en-veux-tu-en-voila, des musees en quatre ou cinq parties differentes,et bien d’autres combines encore.

Mais je ne me suis pas fait avoir.Je dors a l’interieur des murs de la vielle ville, ou vivent quelques familles, je rentre et sort par les portes secondaires, et surtout, je prend mon temps.Rien ne sert de tout voir, ce qui est important c’est de profiter de cette atmosphere.Khiva, c’est le Khwarezm, c’est un bon plov dehors dans la lumiere sucree de l’hiver, a manger avec la main bien sur, c’est rendre le sourire d’une jolie fille qui passe dans le bazar, c’est gouter la chaleur de ces murs en pise, les crenaux ronds des murailles et rentrer repu de moments magiques.

A noter que les Ouzbekes du Khwarezm sont a mon avis les filles les plus belles de l’Asie Centrale.Comme ailleurs en Ouzbekistan(et au Turkmenistan), c'est le resultat d’un mélange entre Aryens(Indo-europeens) et Altaiques(Turco-mongols),et je dois dire qu’ici le mélange est particulierement reussi.Une harmonie dans les traits,une profondeur dans le regard et des corps a l’image du jardin de cocagne qu’etait le Khwarezm.Et surtout un nombre impressionant d’yeux verts comme le jade.

C'est peut-etre parce que le detroit de l'Amu-darya est fragile(et meme malade), que les Khwarezmiens profitent si bien de chaque petit bonheur de la vie...

Joyeux Noel(que je ne vais surement pas feter, cette annee encore)!
Que votre ombre grandisse
Adrien

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ta grand mère et moi suivons ton voyage avec beaucoup d'intérêt. Je lui imprime tous tes textes. Nous te souhaitons de bonnes fêtes et une nouvelle heureuse année qui normalement est celle de ton retour.
Tes grands parents.

Anonyme a dit…

C'est encore loin le Japon? parce que le pere Noel m'a apporter un mecano et que j'aimerais beaucoup pouvoir construire avec toi... Depuis le temps, 3 ans et demi, j'ai aussi pleins de legos et suis impatient de retrouver mon maitre...
Chiara, Papa et Maman t'embrassent tres fort et tous nous te souhaitons une merveilleuse annee 2007.
Un calin et plein de bisous de Loris