Salami au loukoums !
Un petit post en direct de la vallee de Hunza !
Mais d abord,un resume de ce qui a precede :
Multan
J ai quitte Lahore trois jours pour Multan et le Sud de la province du Penjab.En trois jours j ai fait essentielement des heures de bus tape-cul,mais le petit detour valait le coup.Multan est la ville reputee la plus chaude du Pakistan,dans une continuation du desert du Rajasthan.La temperature depassait allegrement les 40 degres,ce qui me donnait encore plus de determination a ne plus attendre pour prendre un bon bol d air frais dans les montagnes du Nord du Paki, ce que je fais en ce moment(d ailleurs c est presque un peu trop frais...il gele la nuit.Mais on attend le soleil !!).
La vieille ville de Multan est construite sur une colline que le bazar enrobe en colimacon.J ai marche des heures dans les rues etroites,populeuses,envahies de tissus eclatants,ou la lumiere filtre a travers la protection de fortune,cependant je n ai jamais eu l impression d etre passe deux fois au meme endroit.Soit le bazar etait immense,soit il etait tellement riche que mes sens n arrivaient pas a tout attraper.
C est une ville apparement religieuse,et on voit tout depuis les voiles tenus jusqu a la burka a l afghane.Beaucoup de mosquees assez minables :au Pakistan,mis a part les oeuvres des Mughals(empire musulman d origine mongol qui regna sur les Indes il y a quelques siecles) et les sortes de soucoupes spatiales extra-futuristes de l apres-partition,les mosquees(anciennes ou nouvelles) sont vraiment insipides,des blocs de betons peints en blancs flanques d avortons de minarets(une serie de petits cacas de 50 centimetres de hauts).Rien a voir avec le style ottoman si ideal,precis,et geometrique.Ni avec le bleu et le turquoise perse qui couvre les domes immenses des mosquees Iraniennes.Heureusement a Multan il y a d immenses mausolees souffis que je ne pourrais que mal decrire(donc je m abstiens),dont celui de Shams de Tabriz.Marrant,j ai deja vu son mausolee a Konya.Il est partout lui !
Voyant une belle facade a vieux balcons en bois sculptes,je suis entre et j ai trouve une madrassah ou des gamins annonaient le quran et des femmes dessinaient les arches du batiment.J ai du expliquer a trois barbus plutot sympas que j etais juste venu jeter un coup d oeil,et il m ont carrement fait la visite integral des lieux.Et ca en valait la peine, c etait un ancien temple hindou,vraiment croulant,avec des peintures murales d Anuman le dieu-singe,entre autre.
Uch Sharif
Entre ce village et sa datteraie,trois tombes imposantes,en ruines mais d autant plus belles,avec des ceramiques bleues entres les fines briques.C est un parcours du comabattants pour y arriver,depuis Bahawalpur,puis a pied et auto-stop jusqu a ces mausolees assez caches.
Retour a Lahore
La temperature a grimpe d un coup ici.On vegete la journee en attendant la nuit(qui reste encore trop elevees).Trois nuits,trois nuits souffies ,dont deux ou les musiciens jouerent sur le toit de la guesthouse,rien que pour les voyageurs de passage et pour pas un rond.
La troisieme nuit,je pars derechef pour Islamabad-Rawalpindi,une fois les musiciens partis.J arrive la bas vers 6h du mat.Je pensais pouvoir prendre le bus direct pour Hunza,six ou sept cent kilometres sur la Karakoram Highway,la KKH,qui va jusqu en Chine.Mais pas de chance ,il pleut des cordes et la-bas cela signifie coulees de boues et torrents qui emporte la route.Il faut dire que la KKH,proclamee »huitieme merveille du monde » par ses constructeurs,est une route ou deux vehicules se croisent tout juste,goudronnee certes... la ou la pluis ne l a pas arrachee ou recouverte de gravat.Je tente quand meme d y aller,et avec un Japonais a mourir de rire et francais,on se met en route pour Abbotabad,qui devait se trouver avant la premiere coulee.J en ai assez des grandes villes grises et je veux voir la montagne.Abbotabad est une ville pashtoun et comme partout au Pakistan,on croit que j en suis un.C est vrai que j ai le meme accoutrement et la meme barbe.Quant a Jonathan le Francais,ils sont persuade qu il est Syrien ou Palestinen.C est mieux ca plutot qu ils nous prennent pour des Yankees !
Abbotabad.
Trouve la-bas la guesthouse la meilleur marche de mon voyage :20 roupies(30 centimes d Euro)le lit.Mais a y regarder de plus pres,j atteins la vraiment la limite du supportable :Les draps puent la pissent, la chambre est froide, la porte ne femre pas de l interieur.Avec Kei et Jo,on on se trouve autre chose de plus humain.Le lendemain matin on fait un rapide tour du village puis on repart pour des heures de bus jusqu a Mansehra puis Besham ou on arrive pour la nuit.Toute la journee nous avons vu defiler les forets de pins et les terasses cultivees,mais aussi des villages rases par le tremblemnt de terre.Sur ou dans les restes des maisons,dews tentes bleues flashy a caracteres japonais ponctuent le paysage.Cependanrt les gens vivent,cultivent et reconstruisent deja.Comme a Bam,le traumatisme degoutent les gens de construir en pierre de taille et bois,ils refoulent ces methodes ancestrales dans leur inconscient collectif,et erigent des blocs criards en ciments... (non,plus rien ne sera jamais comme avant ...)
Kohistan
Le paysage change a mesure que l on monte.On prend peu d altitude entre (Rawal)Pindi et Gilgit(qui est cent kilometres avant Hunza),mais la gorge se fait plus profonde,et la foret laisse place a des pentes tres raides,glissantes,vert algue.Des villages nichent sur les alluvions laisses par les affluents de l Indus,qui ici est tout petit.Dans des conditions assez eprouvantes,on atteints Chilas le lendemain.Entre Besham et Chilas,c est le Kuhistan,repute pour l antipathie de ses habitants.Les farouches Kohistani sont de fervents sunnites,et les Bouddhas bi-millenaires tailles dans des rochers a Chilas ont ete vandalises par des Chilasi justement un peu trop fervents...Hem hem.La plaque explicative a carrement ete explosee a la dynamite.
Les regards des Chilasi en disent long sur leur aversion envers tout etrangers.Nous avons quand meme trouve quelques exceptions a la regle,comme ce type qui nous a invite a prendre un chai,et qui a presente quelques membres de sa p’tite famille :il avait 4 femmes,20 garcons et 11 filles.(Il va sans dire que nous n avons vu que des hommes.)
Vallees (plus tres) oubliees
Le lendemain,encore des heures de bus-mixer,entre les eboulements,les camions sur-tunnes qui se doublent a flan de falaise,le chauffeur abruti de Haschish et un paysage lunaire.Peu avant Hunza,je retrouve un bon vieux pote,Arnaud(dit Rahan le chainon manquant).Il a suisvi la meme route depuis Geneve,mais en deux fois moins de temps(4 mois).On pensait se retrouver en Inde ou a Pindi,on craignai meme de se rater.Et voila que je la i retrouve dans un des endroits les plus paume du monde,la on nos bus respectifs s etaient arrete pour une pause casse-croute.Guro Jaglot,que ca s appelait!
On a passe trois jours a marcher autour de Hunza,avant qu il parte pour l Inde et les temperatures infernales.C est qu il est presse,Arnaud! Sympa de s etre retrouve!Bon vent,mec!
Je connaissais la Hunza avant de partir et j etais impatient de la decouvrir :
C est epoustouflant,bien sur.Une vallee large qui monte des deux cotes jusqu a des hauteurs imposantes.On voit certains des plus hauts sommets du monde.De chaque cote de la riviere,des terasses montes graduellement,sur lesquelles s encastre perpendiculairement des centaines de peupliers tres sveltes d un vert tendre.J ai de la chance :Nombre d abricotiers sont encore en fleur.Sur un promontoire,le fort multicentenaire de Baltit,montrant d evidentes influences tibetaines. Il doit y avoir peu de vallees, dans l Himalaya et dans le monde, au tel cachet.
Mais il ya un Mais.Je m imaginais un endroit coupe du monde,un paradis oublie... Mais j ai trouve le pivot de (la modeste,mais existante) industrie touristique Pakistanaise.Et je ne compte pas le nombre d hotel et de guesthouse.Des gamins de six ans me parlent en anglais et comprennent ce que je dis,tandis qu ailleurs des hordes de leurs camarades crient »one picture ! » ou »one rupee !».La moitie des Hunzakut font a la fois du business touristique et cultivent les terasses.Mais lorsque le boom touristique reprendra,nul doute qu ils choisiront le premier !Ils construisent des maisons en ciments,la ou il y avait des habitations de pierre et et de bois,la ou il y avait des champs,ce meme qui faisait la beaute de la Hunza.
J en vient a souhaiter que ces touristes cessent de venir dans la Hunza.Mais c est inexorable.Et le plus tordu,c est que suis aussi responsable,en venant ici,de l agonie de leur cultureLes Burushos sont un reliquat de couches de population d avnt les Indo-europeens, d avant les turcs,les Mongols,une dernier reste des premiers peuples de l Eurasie,dont ne subsite a l Ouest que les Basques. ...Pour combien de temps encore ?
Et je pense au Kohistani qui jettent des pierres aux etrangers...Finalement,qui a raison ??
A bientot.
Bonne vacances de Paques
Et que votre ombre grandisse.
Goli Khan habib-el-donya
16 avril 2006
Vallees (plus tres) oubliees
2 avril 2006
Le p'tit jeune prend un coup d'vieux
Lahore
Noel etait mortifere,nouvel an ennuyeux,mais j ai bien passe mon anniversaire.Pas mal grace a vous(vous vous reconnaissez)-la creme de mes amis,qui m avez appeles depuis chez moi ou vous trinquiez a ma sante.C est exactement ce qui souleve le coeur et evite de sombrer dans la deprime dans des moments pareils.
J ai aussi eu droit a une petite fete dans la guesthouse ou je loge depuis le 29.Pas de gateau,mais des vrais pates d Italie,avec une sauce thon et tomate,et meme des olives!!!!!Arrose de faux champagne...
Ceci grace a deux amis d Istanbul que j ai retrouve ici.Un couple de Tessinois souffis habitants en Turquie.4 mois apres je les retrouve...dans un autre haut lieu du souffisme.
Lahore a une tres large communaute souffie,et elle est connue mondialement pour ca.
Mais le souffisme du Pakistan est tres different dans la forme de celui des Derviches turcs!
Jeudi dernier je suis alle a la ceremonie hebdomadaire d un groupe souffi.Le joueur de tambour est un des meilleurs du Pakistan.Et il est sourd.Ainsi "c est Allah qui l habite lorsqu il joue".
La ceremonie a lieu dans un temple ombrage de Banyans,a ciel ouvert,tout contre le tombeau d un des plus grands maitre souffi de l histoire.Gravi les escaliers etroits,on se s ajoute a la foule assise par terre(quasiment les uns sur les autres) dans le petit perimetre disponible.Au milieu,le joueur de tambour et quelques hommes en transe.Ils s agitent tous a leur maniere au rytme tourbillonant,les yeux fermes ou revulses,en sueurs,le visage parfois fendu d un dem-sourire beat.Puis tous se deplacent dans un espace plus grands,avec encore plus de monde dans le public(et encore plus de joints),deux joueurs de tambours etonnament syncronises,et encore plus de danseurs en transe.
Unique,irresistible,inoubliable.
Aujourd'hui,j ai vu une ceremonie d un tout autre ordre:La fermeture de la frontiere Indo-Paki a Wagah.
C est un rituel repete chaque jour et qui attire toujours autant de monde.Une heure avant la tombee du jour,les deux portails(a un metre l un en face de l autre),sont fermes,et les drapeaux mis en berne.De chaque cote,deux Hemicycles bondes,l un criant PAKISTAN! ZINDABAD! et l autre HINDOUSTAN! AZADI!.Les gardes-frontieres,en costume du temps de l Empire des Indes,et tres theatralement,font aussi leur demonstration de force.Ce qui est etonnant,c est que des deux cotes ils font exactement les memes gestes,les meme pas de l oie,syncronises a la seconde pres,comme un miroir.
La situation par essence a un cote illogique voire absurde.Mais rien de comparable a ce moment ou un vieil edente,avec une tunique verte bardee de slogans islamistes s est mis a courir malgre son arthrose vers le portail en agitant son drapeau pakistanais comme un forcene.En meme temps retentissait a plein tube une chanson techno a la gloire du Pakistan.Surreel!
Comme vous l avez je suis en meilleure forme qu a Hyderabad,je me suis tout juste retabli pour mon anni(c aurait pas ete drole de le passer au lit,hein Xe),et je fourmille d idees de villes et de vallees(dans le Nord) a explorer!
A+
Bises
Adrien Habib-El-Donya
Febrile deliquescence
Gwadar
La cote du Baloutchistan est tres peu peuplee,souvent tres belle mais constamment gachee par la flicaille.Ce qui ne m a pas laisse beaucoup de choix quant a mon programme:Je voulais aller a Jiwani et Gandz-un village ou vient des Baloutches descendants des colons portuguais-, mais la police a choisi pour moi:"Karachi!"
J ai fini par me rendre,exaspere par la suspicion maladive de ces types qui ne veulent pas comprendre.
Le jour precedent j avais pu nager au pied des falaises oranges.J etais comble,j avais ma dose de mer pour un moment,et le sentiment de ne pas etre venu pour rien.
Escorte par cinq flics(pas mechants ceux-la,d ailleurs)j ai marche avec mon barda jusqu au terminal des bus,et chaque vehicule qui me croisait manquait d avoir un accident(ne pouvant decoller les yeux de ce Marsien).
Le bus etait un bus normalement charge et la route faite de bitume et lisse-Oh joie! Oh miracle!-.La route de la cote(Gwadar a Karachi) a ete inauguree recemment,et si elle longe pas toujours directement la mer,elle traverse des paysages epoustouflants.J ai rarement vu une region ou l erosion a sculpte dans tellement de styles differents.Le col de Buzi est tout specialement impressionant.
Karachi
Arrive la nuit.Aide par un jeune Baloutche d Iran(Ca fait plaisir de reparler farsi!)qui etait dans le meme bus,on cherche un endroit ou dormir.Les gens sont desagreables,les hotels bons marches nous refusent sous pretexte que je suis Suisse(c est au contraire un honneur que je leur fais,dont ils devraient tirer une immense fierte!).On marche dans les rues bordees de detritus,croise de types pathibulaires mais presque,et tousse a cause de la pollution.Finalement un hotel nous accepte.Les chambres sont deja occupees par des colonies de blattes.Quelques puces aussi.
Le lendemain je change illico d abri,et trouve quelque chose de correct dans une sorte d auberge de jeunesse.Je n avais pas remarque que c etait gere par une organisation chretienne pakistanaise.On me demande ma religion.Comme d hab je dis "chretien"(meme si ca me fait sourire interieurement).Ils ne pensaient pas."Pourquoi t as la barbe alors?"-"Jesus portait bien la barbe!"(kassse)-"Tu vas a l eglise pour prier?"-"Non"-"Tu dois aller tout les jours a l eglise!!!".Je voyais la haine qui sourdre de ses pores en entendant que je preferais faire un tour du bazar.Finalement ces types-la etaient parmi les plus intolerants et les plus fondamentalistes que j ai rencontre dans ce voyage.Etonnant!Une grande communaute chretienne(des convertis sous les Anglais)vit a Karachi,qui ne manque pas d horribles cathedrales grises et austeres ecoles de nonnes.Une guerre larve dure entre les Chretiens et les Musulmans,atteignant des sommet de haine,d intolerance et d absurdite.
De toutes les personnes rencontrees la-bas,seul un fidele du temple Zoroastrien etait sympa.Les Karachites...Karachiottes...bref les autochtones ne me donnaient pas envie de rester,et la chaleur,le traffic,la pollution incroyable,tout cela provoquait un vrai rejet de greffe chez moi.
Hyderabad
Deuxieme plus grande ville de la province du Sindh.Pour la pollution et la chaleur,ca ne s arrange pas.Le contact avec les gens est plus facile,mais j avoue que ceux avec qui j ai pu discuter se sont avere Baloutches ou Pashtouns...
Je dors pres du fort qui domine le centre de la ville.Il est rouge,un peu ruine,occupe d habitations et de ficus.Le Bazar est grand,mais toujours dans des rues etroites et bondees.Comme un liquide instable qui se serait rependu sur toute la colline du fort,se faufilant dans le moindre passage.
Je me dis alors qu une ville d Europe en plein Moyen-age devait avoir la meme ambiance.Mais alors pourquoi avons-nous perdu cette capacite au chaos,si creatif pourtant?
La maladie retarde mon depart ma progression vers le Nord.Je n ai pas ete malade plus d un jour depuis mon depart(sauf apres la mesaventure au Lorestan(voir"Peripeties persannes").Ca devait bien arriver.J ai de la fievre,je me vide,je tousse,et je deviens presque parano a force de compter les perfides moustiques qui attendent leur heure,les puces enormes remplies de sang,les blattes,les mouches.Je suis entoure d un bestiaire infernal qui me nargue dans ma febrile deliquescence.
Adrien
22 mars 2006
Terra quasiincognita
A Salaam Aleykum
Je suis a Gwadar,au fin fond du Baloutchistan.Un petit port de peche qui sens fort et aux policiers sur-pourris.
On m avait conseille de skiper Quetta et de monter direct a Lahore,car la capitale du Baloutchistan pakistanais,avec son melange de population pashtoun,baloutche,afghane et pendjabie,et les tensions ethniques latentes,est une entree un peu brutale dans le pays... C est vrai que c est une ville un peu violente(j ai assiste a une fusillade...pas grand-chose,un reglement de compte),mais pour moi(avec ma bonne etoile), ce fut surtout l occasion de me preparer a voyager plus avant dans le Pakistan.
Une fois achetee une shalwar-kamiz(l habit traditionnel paki,pantalon bouffant et chemise jusqu aux genoux,que tout le monde,sans exception,porte)avec quoi je suis plus discret(tout en montrant du resect envers leur culture),tente d adapter mon estomac a la cuisine locale,epicee et HYPER grasse,et m etre familiarise avec la rouppie,je suis parti sur des chemins de traverse vers Karachi.Je compte arriver la-bas dans quelques jours,apres avoir vu un ou deux autres villages cotiers de mon choix.
La progression est assez lente car j ai traverse le Baloutchistan central et austral,une region qui vit encore "avec des moyens du 19 e siecle"comme se plaignent les locaux.
C est assez vrai,il n y a pas de routes,juste des pistes defoncees,"enjolivees" de quelques metres de goudron par-ci par-la,mais les tentatives de routes ont ete emportees par les pluies,tres rares mais extremement puissantes.
De Quetta a Khuzdar j ai pris un bus,un vieux Benz decore tout-partout de gligli metalliques et multicolores.Pendant la premiere moitie du voyage,route goudronnee.Mais j avais l impression d etre sur un de ces cheval de rodeo mecanique...pendant des heures!La seconde moitie, c etait carrement le mixer:de la piste au milieu du desert,et un nuage de poussiere permanent autour du bus qui s infiltre partout, sournoisement.
Puis direction Panjgur,au Sud-Ouest(pour vous imaginer,je descend de Quetta vers la cote en ziguzaguant...un coup au Sud-Est...un coup au Sud-Ouest.Un peu comme quand on a un vent de face en voile.)De nouveau des heures de bus-qui-transforme-en-bouilli dans le desert.Mais ca vaut la peine:Panjgur est un grand oasis qui vit presque en autarcie.Un fleuve,a sec bien sur,traverse la mer de palmiers dattiers.Le bazar est menu mais halucinnant.Un melange d Afrique et de Sri-Lanka,des marchands,souvent simplement assis a meme le sol des petites rues qui vendent tout dans des nuages de mouches,depuis des poissons qui ont aussi beaucoup voyage jusqu a n importe quelle piece de moto iranienne ou chinoise,en passant par diverses sortes de p'ann, une chique melangee de betel,tabac et plein d autres epices enroules dans une feuille verte coriace, dont les crachats rouge sang repeignent les murs.J ai goute et c est plus encombrant qu autre chose,pour a peu pres aucun effet.
A panjgur j etais mehman, i.e. hote,et c est une situation fort agreable,telle que je m en souvenais.J ai demande a mon hote si des etrangers venaient parfois.-"oui,il y avaient des Anglais avant"-"ah bon.quand ca avant?"-"Dans les annees... 1900."-"Je vois..."
L hospitalite est un point commun entre les Baloutches et les Kurdes,de meme que l identite aryenne(n.b.Dans cette region du monde on utilise courrament ce terme pour designer les peuples du groupe"iraniens",ou plus largement,indo-iraniens,et n a pas subi l impact de l usurpation de ce terme par l ideologie nazie.D ailleurs "Iran" et "Aryen" sont evidemment deux version du meme mot -une racine "aran",je pense)et un nationalisme modere mais profondement ancre.
De Panjgur,j ai pousse l exploration vers des lieux encore plus recules:Awaran,puis Mashkeh.De l avis des autochtones,j etais"le premier et le dernier" etranger qu ils voyaient,car le prochain devrait venir, au mieux, pour la generation suivante.
Pour atteindre ces bourgs,pas de bus,mais des pick-up toyota.A quinze personnes dans un vehicule pour Panjgur-Awaran,et meme dix-sept pour Awaran-Mashkeh.Sans compter les sacs de grains,les bidons d essence et tout les bagages.Ah je vous jure,il faut le vouloir pour aller la-bas.La piste qui travere de hautes chaines de montagne a un charme certain,et je m occcupe en admirant le paysage,seule occupation physiquement possible de toute facon.
Croise quelques Baloutches nomades.La famille type:Un dromadaire,trois ou quattre chevres trapues,le pere,la mere et cinq ou six enfants.
Awaran est disperse au milieu de chanps de ble et d oignon.C est que la poussiere extrement fine omnipresente au Baloutchistan,est de la poussiere de terre.Avec de l eau cela donne un sol fertil...seulement l eau est rare.
La-bas on a l electricite quelques heures par jours,et ces debiles(j entends,du gouvernement bien sur), au lieu d installer des eoliennes(une turbine produirait plus que la consommation de tout Awaran,selon les dires du responsable de la centrale electrique ou j ai dormis -pas d hotels la-bas,pensez-vous!),ont fait une centrale au diesel,avec le prix que c est pour l amener jusque la-bas(n.b.20 000 litres de fuel brule par mois!)et la pollution engendree.De toute facon elle tombe regulierement en panne.
Tout les villages alentours redoutent Mashkeh,car ce grand oasis est tiraille entre plusieurs chefs de tribus qui se font la gueguerre par milices interposees.Mais le coin est aussi repute pour sa luxuriance.Des centaines de varietes differentes de dattes poussent la-bas.
Pas d endroits ou dormir,et personne qui me croit lorsque je dis que je suis "touriste".Finalement je suis invite a dormir a la garnison de la police,situation un peu ambigue,puisqu il m a semble que c etait plus pour mieux controler mes faits et gestes que pour m aider.
Mais des le lendemain je rencontre des gens plus ouverts et fait le tour de quelques villages de l oasis.Au moment ou j annonce vouloir partir,certain me supplient presque de rester quelques jours encore.Le genre d endroit on l accueille aussi mal le depart que l arrivee!
Apres 15 heures de bus j arrive a Turbat.Il est quattre heure du matin et je suis litteralement ereinte.Le bus etais plein: parfois trois personnes par double siege,ainsi que des passagers sur le couloir,assis sur deux etages de bagages en tout genres,sacs de grains,nippes,fruits pourissants.Sur le toit aussi,pas un centimetre carre qui n ait ete occupe par des ballots,entre lesquels...d autres passagers encore.
Je dors un peu sur mon sac,allonge sur un etalage de bazar,en attendant que se leve le premier jour du printemps et que je puisse telephoner au contact qu on m a indique a Panjgur.Il fait chaud.
Turbat est sans interet,aussi le lendemain,c est-a-dire aujourd'hui,je prends un pick-up pour Gwadar et l Ocean.
On construit a pas d escargots une route entre Gwadar et Turbat.Les ingenieurs sont chinois mais les travaileurs Baloutches,et ca irait plus vite si c etait le contraire.Recemment trois de ces chinois ont ete assasine,ce qui doit etre considere comme une forme de sabotage ou l expression d un mecontentement, et depuis des dizaines de barbouzes sont postes sur les collines alentours et patrouillent mitraillette au poing,sur la piste et la route.Il y a aussi des check-point de police.A l un d eux,on m a fouille,compte mon cash,pris legerement a l ecart.Le gros flic degoulinant de sueur voulait voir mon garde du corps,une autorisation du gouvernement... J ai pas.Et je suis autorise (verbalement) a voyager dans la region par le gouvernement du Baloutchistan a Quetta.Que je lui dis.Je comprend rien a l anglais du chef,un de ses auxiliaires "traduis":"He wants a sweet"-"Pardon me?"-"He wants a sweet for his mouth."La je commence a flipper,a chercher comment leur echapper au cas ou... Mais c est juste de l argent qu il veut,un bakshish.L auxiliaire:"100 roupees"Le chef:"no,dollar!"
Qu ils sont maladroits! Je leur dis non tout court,haussant le ton(j ai bien compris qu ils essayaient de faire repartir le pick-up sans moi),et que si je leur donnais le moindre rond j enfreidrais la loi.Il ne trouvent rien a redire,ca doit etre la premiere fois qu on leur apprend la loi.Et me laissent repartir(ils m auront quand meme emmerde 10 bonnes minutes)et faire les deux ou trois cent kilometres qui restent jusqu a Gwadar.
A+
Bises iodees
Adrien
6 mars 2006
L'Asie,enfin?
Depuis hier a Quetta,Pakistan.
Je suis arrive hier apres-midi,au bout du troisieme jours de train.
Au total,56 heures..et quelques surprises. n.b.le bus prend une douzaine d heures.
Le train fait generalement du 20-30 kil/h,avec de rares pointes a 60.Un peu escargot,mais pratique pour ecrire,dormir,ou regarder par la fenetre:il y a peu de secousses.
A Zahedan,la police a voulu me coller aux talons une escorte armee jusqu a la gare ou jusqu a la frontiere.J y ai finalement echappe,en insisistant beaucoup.
Il n y avait qu un autre etranger a bord du train,un touriste allemand qui allait rejoindre sa copine etats-unienne a Islamabad.Pas mal de policiers,en civil ou en uniforme,et quelques passagers pashtouns ou baloutchs.
Une ou deux heures apres Zahedan,mirjave-Taftan,la frontiere.Passer avec mon visa perime n a pas ete facile.Les douaniers Iraniens sont parfois presque aussi pointilleux que les Suisses,et celui-ci voulait me faire retourner a Zahedan prolonger mon visa avant de revenir...mais dans ce cas,le voyage en train s arretait la.Il a fallu pas mal de diplomatie pour les faire plier.Finalement,en parlant au chef au telephone(c est bien la premiere fois qu en Iran je vois un probleme regle par telephone!),nous avons trouve un "compromis":Il m a fait promettre de ne plus remettre les pieds en Iran,ou alors avec un nouveau passeport,"otherwise i'll break your nose".
Il me fallut rester a l abris quelques minutes dans la piteuse douanne pakistanaise,a cause d une tornade de sable.En fait,ce desert n est majoritairement pas un desert de sable,plutot de roche et de caillasse,mais dans l air et sur le sol,il y a une poussiere tres fine qui s infiltre partout,et quand le vent tourbillone,c est pas la joie...
Le premier soir,nous passons la nuit (dans le train) devant la gare de Dalbandin,un petit fort anglais au milieu d un village baloutche tres isole.Il y des dunes de sable(du vrai,cette fois) qui se sont formees plus avant sur les rails.Les ouvriers,des patres baloutches,prennent la matinee et plus a deblayer la voie.J en profite pour aller faire un tour dans le village et voir a quoi ressemble un le Baloutchistan rural.On me met en garde:Non,il ne faut pas y aller,les gens sont mechants,etc... C est le jugement de l ignorance,et je l ai deja entendu tant de fois...
De fait,les locaux sont d une grande gentillesse.Ils n ont pas du voir d etranger depuis l independance, et pourtant,aucun curiosite deplacee,mais au contraire,une courtoisie un peu reservee.Le bazaar,c est la rue centrale(a peu pres la seule du village),bourree de maisons de the,d echoppes garnies,de camions sur-decores,et de pleins de gens (hommes uniquement, pas de femmes)comme surgis d un passe indetermine.On m offre le the.
Lorsqu on voyage comme je le fais,on devient sensible aux details,aux petites differences d une region a l autre. La facon de boire le the est une vrai revolution qui demande un temps d adaptation dans ces cas-la.Elle est,et c est remarquable,homogene au plan national(pas de differences a l interieur d un pays), mais change beaucoup de Turquie en Iran et d Iran au Pakistan.La Turquie est le premier pays, en venant d Europe, ou le the est si populaire,ou on ne coupe pas a au moins trois ou quattre verres par jour.Il se boit dans de fines soucoupes echancrees,et l on ajoute un ou deux carres de sucre que l on dissout et melange evec une petite cuillere.Pratique car facile a doser.En Iran,c est le choc:plus de tintement de cuillere,ni de petites doses:On sert le the avec une theiere pleine,et des morceaux de sucres irreguliers a cote.Il faut glisser un morceau dans la bouche et ensuite boire une gorgee.Un morceau de sucre peut ainsi servir pour plusieurs gorgees.
J avais fini par m y habituer,et meme apprecier.Mais avec le sous-continent cela change de nouveau.Ici,on ajoute du sucre et du lait avant meme que l eau bout.Pas le choix.Mais c est bon aussi.J aime deja.
Le deuxieme soir,on s arrete a nouveau pour la nuit:Un train de marchandise a ete touche par des tirs de roquette quelques dizaines de kilometres en avant:ca aurait du etre nous...merci au sable qui nous a retarde!C etait un train de marchandise,un soldat du train a ete blesse lorsque les rebelles ont commence a canarder au fusil-mitrailleur(z'avaient plus de munitions pour le bazooka?).
Le lendemain matin,en entrant dans le defile montagneux ou a eu lieu l attaque,les policiers sont un peu tendus,evidemment.Moi je me dis que les rebelles ont fait leur sabotage du mois,ou de la semaine,et qu on est probablement tranquille pour quelques jours.C est logique?
En tout les cas ils n ont pas recicidive pour l instant.J etais peut-etre statisticien dans une autre vie...
Entre l Iran et le Pakistan,il n y a pas que le the comme difference.C est un petit choc,le sous-continent s impose avec sa persuasion passive.Avec cette sorte de deliquecence,de debut de pourriture qui se trouve un peu dans chaque chose ici.
La poussiere(des tonnes),les enluminures des bus bondes,la puanteur sournoise du djou(egout a ciel ouvert,comme en Iran mais la-bas c est parfois des rivieres limpides,ici toujours des depotoirs), la nourriture trop epicee,et bien d autre chose rappelle avec une legere violence que l on est dans une autre region du monde.
J ai l impression que c est enfin l Asie.Enfin,parce que tant de fois j ai cru y etre arrive et tant de fois elle m a echappe des mains.
Sarajevo est une ville orientale en plein Occident, tandis qu Istanbul est plutot une vile d Europe en Asie.A sa maniere,Teheran allie les deux notions.La Turquie n est pas l Europe,definitivement.Mais j ai un peu dechante apres m etre cru "en Orient".Non, ca n y etait pas encore.Il y a bien eu des moments d Asie assez francs,a Urfa par exemple, mais il convient mieux d appeler ca "Moyen-Orient"
L Iran par certains aspects est encore plus europeen que la Turquie.L Iran est un cas a part.Un inclassable.L Iran c est l Iran,voila tout.
A Quetta,on sent de grandes vagues d Asie Centrale qui viennent d Afghanistan ou du "Pashtounistan" pakistanais.Asie Centrale,Sous-continent indien,j arrive a cerner ceux-la.Mais l Orient,l Asie?Ces termes sont-ils pertinents,en fin de compte?L Asie geographique est definie,et a peu de sens sur le terrain.
Peut-etre faut-il admettre que l Orient en tant que tel n existe pas , mais qu il est une idee,une image,un esprit rarement pure, rarement seul,qui opere avec plus ou moins de force sa magie dans cet hemisphere.
Salut a tous
Adrien
2 mars 2006
Un melange (d)etonnant
Salut a tous.
Aujourd'hui,dernier jour en Iran.J aurais des tonnes de choses a ecrire sur ce pays sans pareil.Sur ces gens,sur la politique,et surtout sur les paradoxes qui constituent l ossature de la societe iranienne.Mais je suis un peu las et je dois encore aller faire des provisions de vivres pour le voyage de demain...je vais donc essayer de faire court pour une fois ;)
Finalement ca n etait pas impossible d'"attendre" jusqu a maintenant.J ai rencontre une famille tres sympa qui m a invite a manger plusieurs fois cette cuisine iranienne qui me manque deja,et avec le fils d une vingtaine d annee,Yasser, je suis alle dans quelques coins sympas dans les environs de Kerman.
Je suis alle a Mahan,voir le mausolee d un ancien maitre derviche et un jardin du plus pur style perse au milieu de rien.Avec Yasser,son frere et un pote,nous sommes alle dans le verger familial a Joopar,profiter d une journee bucolique avec soupe et riz sur un feu qui ne voulait pas prendre,qalyun(nargile) et nan frais,du sangak en plus.Il y a de nombreuses sortes de nan en Iran,le lavash du petit-dejeuner qui seche tres vite et qui est un peu elastique,le taftun qui fleure bon la farine,le nun-e-rohani assez gras,et bien d autres encore,mais aucun n egal le sangak,le roi des nan,le prefere des enfants,cuit sur un lit de gravier.
Le dernir jour de mon sejour a Kerman je suis alle a Rayen,ou se trouve une citadelle qui etait en quelque sorte la petite soeur de Bam.L'Arg-e-Rayen(citadelle de Rayen) est cosie,pas encore trop restauree(En Iran,on a la facheuse manie de renover outrageusement les vestiges du passe...c est insupportable),et donne un idee du "style" de Bam,meme si elle est 4 ou 5 fois plus petite.
Bam,justement,fut ma destination suivante.L' argh-et-bam!, pardon,l'Arg-e-Bam, reste impressionante malgre la puissance du cataclysme.Des murs de trois metres d epaisseur ont ete instantanement reduis en poudre.Oui,sans rire,c est devenu une fine poudre,des grains de moins d un millimetre de diametre!!!Voila ce qui reste de l enceinte exterieure,un trainee de sable brun,conique,de quelques metres de hauteur.Mais des pans de murs subsistent ca et la,notamment sur le piton rocheux qui se trouve au centre de l Arg,maintenant lui aussi sous des tonnes de poussiere.
Il n en reste pas moins que j ai prefere Bam a Rayen,et que cette desolation post-catastrophique qui se degage des moignons de murs de la vieille ville a une certaine beaute tragique.Et me fait rever d un monde "post-touristique"...
Bam etait autrefois toute de brique et de terre,mais desormais,frappes par un traumatisme "des maisons de torchis",les habitants ont mis les anciennes techniques aux oubliettes et reconstruisent avec des centaines de litres de beton,de poutres metalliques,de finition a la peinture chimique,au plastic.Et ils le font avec une frenesie que je n ai vu egalee qu en Chine jusqu a present.Non,Bam ne sera jamais plus comme avant.ILs y a une part de l esprit de la ville qui s est definitivement envolee en decembre 2003.Reste la mer de palmiers dattiers.
J a passe mes trois nuits la-bas chez Akbar,un ancien prof d anglais qui tenait une guesthouse pour voyageur detruite,bien sur, lors du tremblement de terre.Mais il est de ceux que meme cela n abat pas et il a commence il y a dix jours la construction de sa nouvelle guesthouse,plus grande,avec,chose inhabituelle husqu'il y a deux ans,des fondations!!!Dix hommes y sont employes,a 8 euros...la journee.
Rien que pour sentir la resignation d Akbar et se marrer avec lui,il faut aller a Bam(Eh oui je fais de la pub,mais il en a besoin!)
Depuis hier je suis a Zahedan.C'a ete l horreur pour trouver une mosaferkhine qui m accepte,vu que je ne suis ni Iranien,ni Baloutche,ni Afghan.Et puis les hotels pas chers sont pleins toute l annee de trafiquants en tout genre.Zahedan est la capitale du traffic d opium en Iran,mais il n y a pas que ca,ici tout le monde a son petit traffic:de textile du Pakistan,de cigarettes,parfois meme de fruits et legumes!
La ville n est pas plus dangereuse que ca.L opium de toute facon est omnipresent en Iran.J ai vu des gens en consommer devant moi:dans de nombreuses familles,les hommes en fument regulierement a partir de 50 ans environ.Sous le shah,une loi autorisait meme sa consommation a partir de cet age-la!Et meme si la loi n existe plus depus belle lurette,ca n empeche pas les gens de continuer a faire comme si.Je repense a ce que m avais dit un Kurde de Dogubeyazit qui etait alle plusieurs fois en Iran:"La republique islamique, c est sur le papier,mais en realite...Du vent!" Mouais...je ne serais pas aussi categorique,mais c est vrai que beaucoup de foyers se distillent tranquilou leur tord-boyau,se fournissent l opium pour pepe,et les filles de familles riches de Teheran qui se font un mec different chaque jeudi ou vendredi soir...
J ai quelques fois parle avec ces grands-peres opiomanes.Aparemment l opium ca rend surtout ridicule.Ils me disaient qu ils se sentaient "hyper forts",apres,mais en fait ils etaient lents comme des moules anemiques,et pas bien vigoureux.Enfin,ils ont leurs raisons,une maladie douloureuse dont ils savent bien qu elle finira par les avoir, ou simplement une envie de passer leur retraite confits dans les reves du pavot... et cette odeur caracteristique de plastic brule!!
Le bazar de Zahedan est informe,totalement anarchique et vraiment cool!
J ai croise des Afghans a la barbe blanchie et ondulee(le pere noel n a qu a bien se tenir!),ou bien teinte en roux,des sunnites qui ressemblent a Oussama,et des je-ne-sais-d'ou tres impressionants:par exemple,barbe jusqu a la ceinture,grise,fourchue,sous des binocles du siecle passe...J en passe,et des meilleurs.
Bref ici c est une sorte de Baloutcho-irano-pakistano-afghanistan...un melange (d)etonnant.
Mange des brochettes de foie cuites a meme le sol,ce qui eclaire un peu la nuit,accroupi dans la rue entre d autres specimens.Les baloutchis ont l air assez blagueurs.Je passe incognito avec ma tete dans ce melting-pot(Ca fait moi aussi un petit moment que je ne me suis pas rase...),et c est bien marrant!Je dis que je suis turc,ou bien que mon pere est Iranien,ca vaut mieux par ici.
A plus a Quetta...
Khoda hafez
Adrien
23 février 2006
El desierto...
"[...]de fuir dans un desert
L approche des humains." Alceste
Pourtant,je ne fuis pas,et encore moins les humains.
Je suis a Kerman.Depuis le Sud(Bandar),je suis monte a Yazd et y ai passe quelques jours avant d arriver ici.
Je ne suis donc plus tres loin du Pakistan.D ici la, la distance n est pas enorme de meme que les haltes possibles.En effet ici commence le desert du Lout,qui en ete peut atteindre 68 degres parait-il.Il y a Bam,a mi-chemin entre Kerman et la frontiere, mais quand je vois les photos avant/apres (le tremblement de terre de decembre 2003),c est tellement deprimant que je ne suis pas sur d y aller.Il y a quelques endroits sympas autour de Kerman,ville qui ne presente pas un tres grand interet,et qui plus est porte du Balouchistan,region d intense traffic d opium,mais pas plus risquee que ca outre mesure,a part d episodiques enlevements.
Mais alors pourquoi suis-je encore la? Eh bien...c est que si j arrive a glander encore un peu,je pourrai peut-etre attraper le train Zahedan(Iran)-Quetta(Pakistan).Il passe deux fois par mois,et le prochain tombe le 2 mars...s il n a pas de retard.Bien sur il y a des bus reguliers qui traverse cette etendue desertique.Mais ce train a l air genial..il prend de un a trois jours,suivant le nombre de fois ou il faut deblayer la voie recouverte par une dune.On ne sait pas quand on arrive,et on doit vraiment etre hors du temps et de l espace...
Enfin voila je reve de ce train,mais malgre tout,ca sera dur de tenir dans ce coin d Iran jusque la,il n y a pas grand chose a faire,et meme pas grand chose tout court...on verra(reponse au prochain post je pense).
Vous avez remarque que le seul luxe que je me permet c est la lenteur - on ne mesure pas la valeur de ce luxe-la.Qui,quel qu'il soit,arrive encore a se l offrir??Le vrai luxe ca n est pas l espace,suis-je tente de dire,le vrai luxe c est de prendre son temps! Mais il y a une differnce entre prendre son temps et faire expres d en perdre.J en fais l experience actuellement.
J ai trouve une bonne excuse,aujourd'hui,pour ne pas faire grand-chose:il pleut.Non,il neige meme!!!Assez incroyable...mais c est vrai que nous sommes a plus de 1700 metres d altitude.
La majeure partie de l Iran est tres montagneuse,et aussi semi-desertique qu ici.Je ne vois pas de tres grands changements entre le "desert"des environs de Kerman et la plupart des paysages traverses dans ce pays,mis a part que le sable se substitue a la roche ca et la.Mais patience,le Lut est bien un desert,et je n y suis pas encore entre.
Il n empeche,le sud(Bandar etc) et le sud-est(ici) sont plus chauds que le reste.L architecture(celle des parties anciennes des villes surtout) s en ressent.A Bandar,j ai commence a voir des badgir, des tours qui captent la moindre brise et la conduis a l interieur de la maison.Simplissime,mais tres ingenieux!Et fichtrement efficace.Ils sont encore utilises aujourd'hui.En revanche,les ab anbar et yakh anbar sont souvent laisses en ruine.Ce sont d enormes reservoir a eau ou a glace,coiffes d un large dome de terre cuite,qui conserve le contenu a des temperatures eventuellement sous zero,tout au long de l annee.Autre geniale invention,plus presente au Sud-Est qu au Sud, les qanat, des caneaux souterrains qui apportent l eau d oasis ou sources sur des kilometres,jusqu aux villes.
Yazd est une ville magnifique.Et elle devait etre encore plus etonnante il y a cinquante ans,bien avant l arrivee du tourisme.Car c est une des villes les plus touristiques d Iran,et meme lorsqu il n y a pas de touristes,il y a les infrastructures,il y a les prix gonfles,et les "My friend,my friend" des marchands de tapis et autres arnaqueurs(quoique que ceux-ci n ait aucune commune mesure avec la Turquie ou meme Ispahan,tant pour leur nombre que leur insistance:ici il comprennent "non" commme une reponse).Mais elle a un charme que meme le tourisme n a pas encore trop entame.
La vieille ville,qui est relativement etendue,est un labyrinthe de mur de torchis,surmonte d une foret de badgir et de toits plats semes de douces coupoles.Le tout dans les tons de terre,puisque ne sont utilises que la boue,des briques de terre cuite,du torchis et du bois.Des segments de troncs de palmier servent parfois a consolider l interieur des murs.A la mort du jour les batiments vibrent d une belle lumiere apocalyptique.
Dissemines dans la vieille ville,des maisons de l epoque Qajar,des remparts de boue sechee,et quelques batiments qui arborent le superbe bleu perse,dont la mosquee du vendredi et le fameux Amir Chaqmaq.(Ce serait evidemment bien mieux si je pouvais vous montrer mes photos mais elles dorment dans leurs films, et je ne sais quand elles seront devellopees,d autant plus que j ai utilise des films diapositive cette fois,meilleurs pour la couleur mais pas possible a developper ici)
Le bazar est petit compare a celui de Tabriz,Teheran,Ispahan ou Shiraz,mais on y trouve les meilleures shirini(sucreries) du pays,rien a voir avec les ecoeurantes patisseries arabes.
C est un plaisir a chaque fois renouvele que de se perdre entre les murs de terre,sur les chemins de terre,sous un bienveillant soleil(malheureusement souvent voile lorsque j y etais)qui chauffe la terre.
Un jour,j ai frappe a une grosse porte en bois brut patinee par les ans(du genre que t adores,papa),parce que je trouvais la maison prometteuse,avec de hauts badgirs d ou depasse comme toujours les perches d orme ou de chene qui les structurent.Et c est ainsi que j ai rencontre un des plus brillants joueurs de tar d Iran.Malgre son jeune age il jouait mais aussi chantait et meme construisait tars,sitars et sazs kurdes.La demeure qu il louait,partiellement occupee par son atelier,partiellement inhabitee voire en ruine,etait une grande maison Qajar a cour interieure et de nombreuses pieces annexes,pleines d astuces pour garder des temperatures vivables en toute saison.
C est ca,Yazd.Pas si grande mais au possibilites infinies.
Beaucoup,beaucoup de hijab(tchador noir complet):c est une ville assez conservatrice.Mais en ce sens tres comparable a Konya:l universite,renommee,donne a la ville une forte population jeune,qui elle est tres ouverte.Un paradoxe interessant,tant qu il n entre pas en conflit... Je me souviens que losque je suis arrive la-bas,de nuit,tandis que je marchais vers une mosaferkhune(guesthouse) avec mon sac sur le dos,un groupe de jeunes filles pouffait a mon passage,et l une me lanca meme un "hey baby I love you!".C etait touchant et amusant.Fait interessant,elles sortaient de la mosquee!!!Je me suis dit alors que cette ville etait moins provinciale que je n imaginais...c etait a moitie vrai.
Yazd,j ai failli y rester.Au sens litteral d abord,au sens figure ensuite.
Au sens litteral parce que j avais trouve un hotel parfait,tres agreable et pour un prix derisoir(2,50euros la nuit).Superbement restauree,cette ancienne maison traditionnelle avait l avantage d une cour interieure calme et temperee,ou je m offrais de vrais petit-dejeuners.Et plus encore,parce j avais rencontre la-bas une fille qui s annoncait etre une perle(Je suis desole de revenir la-dessus,il n y a pas que ca bien sur,mais pour un homme qui voyage en Iran,c est impossible d occulter le sujet).Pour simplifier,cette etudiante en medecine qui portait un nom de fleur perse semblait avoir toutes les qualites d une Iranienne,plus celles que les Iraniennes n ont pas.En la voyant marcher a cote de moi,je lui ai demande ma direction a elle plutot qu a tel ou tel barbu.Et ainsi de suite,laisser l alchimie se faire-ou ne pas se faire-,la laisser donner un tour agreable et naturel,sans trop penser au lendemain...
J etais conforte dans l idee que cela n etait pas trop risque par le fait qu il y avait eu un precedent-a Shiraz-,une fille rencontree au mausolee de Hafez(comme c est romantiiiique!),que j embrassai le jour suivant dans un parc.Ce qui aurait pu me valoir pas mal de coups de fouet,je crois.J avais surtout remarque a quel point c etait exceptionnel-imaginez-vous que la plupart des filles ici n ont jamais donne la main a un autre homme que leur pere,leur oncle,leur frere ou leur mari.C est tout!-.Du coup,et c est un peu decourageant,il faut tout leur apprendre...depuis le point zero.(jusqu au point G?pas vraiment.)
Cette fois-ci,j avais plus de temps,et nous commencions a construire quelque chose de grand.Le courant passait vraiment,et ca se voyait a son regard et a sa voix assuree et honnete qu elle n etait pas trop du genre timoree.Calmement,nous construisions quelque chose de bien plus puissant que l amusement de Shiraz.Ca l etait deja sans plaisir charnel,dans les regards,la discussion,la serenite partagee.
Le lendemain de l avoir rencontre,elle me retrouva dans la cour de ma pension.Je pensais l endroit sur... Nous discutions calmement,sans arrieres-pensees(ou presque),en sirotant du the,depuis une petite heure,lorsque je sentis que deux ombres sinistres nous avaient reperees.Elles s eloignerent,puis revinrent et l un des deux barbu fit un signe que je ne vis meme pas,mais que Elle vit,et elle s excusa aupres de moi,incredule et pantelant,craignant d avoir ete pris sur le fait(mais sur le fait de quoi,au juste?!?!)par des pasdarans,les terribles "gardiens de la revolution".Je les entendit(et compris partiellement)la questionner,juste derriere le mur.Elle repondait d une voix lasse,presque exasperee,tandis que je me mordais les doigts.Je n ai pas intervenu,estimant que cela valait mieux pour elle autant que pour moi.Ils l ont laisse partir,et elhamdulillah sans punition.Elle prit quand meme le temps de revenir me dire au revoir et alors que j essayais confusement de m excuser,elle me dit juste:"C est l Iran..."
J appris plus tard du patron de l hotel,que je soupconnais etre un delateur(mais il n en etait rien,j en eu la preuve plus tard),qui s excusa,que c etait la "polis-e-turist"(j ai pas besoin de traduire,la?),et qu il venaient inspecter les hotels...chaque heure!!!J appris egalement que legalement,seuls les Iraniens pourvu d une carte de guide touristique de la republique islamique,peuvent parler a des etrangers...en theorie donc un chauffeur de taxi ou un marchand de bazaar n ont pas le droit de ma parler!Aberrant.
Je me consolai en me disant que j avais peut-etre echappe au marriage.
Le jour suivant je fis une escapade a Abarqu,un village au Sud de Yazd,dans le desert eponyme.Les habitants,"un peuple fier"dirait-on,semblaient habitues aux vent opaque qui faisait des tourbillons de sable sur les chemins.
C etait un vendredi,conge donc,et les superbes maisons tricentennaires aux badgirs geants et etages,etaient fermees au visiteurs potentiels.Pas decourage,je grimpai sur le toit d un batiment mi-en construction,mi-en ruine(c est solide),sachant bien que les toits sont plats,presque tous a la meme hauteur,et contigus.Quel delice que de voir le hameau d en-haut,et de choisir les meilleures angles pour fixer sur pellicule ces badgirs celestes!Je naviguai sur les toits alentours en prenant soin d eviter scrupuleusement d approcher des maisons habitees,puisque je pourrais m attirer l ire des habitants qui ont souvent une cour interieure a ciel ouvert.
Et pourtant, ca ne suffit pas,je l appris plus tard de facon cuisante.Dans le lointain,un vieux sur un chemin me vit.Je le vis,ne me cachai pas.
Vingt bonnes minutes plus tard,me voila en train de considerer un cypres millenaire et de lui tirer le portrait,lorsqu un type mal rase,pas bien gros,m aborde l air de rien.Je reponds a ses questions autant que mon farsi me le permet,sans m interrompre dans ma contemplation.Il m invite chez lui,mais ta'arof oblige(je vous expliquerai une autre fois ce que c est),je refuse poliment...et de toute facon je n ai pas beaucoup de temps,il me faut aussi retourner a Yazd qui n est pas tout pres.Le type sans va,je reste avec l arbre.Je suis encore la lorsqu il revient avec deux acolytes sur une mobylette.Il me retrouve,et cette fois-ci se fait plus insistant.Je flaire du roussi.Il abandonne encore,et je pense a me mettre en route.Mais le voila qui soudain me prend par la nuque,"bia!"(viens).Je me degage,range mon appareil,et tente de comprendre.Mais je ne trouve pas de logique.Je lui demande,puis lui crie pour attirer l attention d autres gens,"Tchi mikhai?!"(qu est ce que vous voulez),mais il me regarde juste avec un air de boeuf enerve.Il n y a presque personne alentour,sauf une famille qui picnique.Je choisis la fuite,le 36 eme stratageme et le plus sage,mais elle n est pas aisee:je suis loin de tout,et il aura tot fait de me rattraper.Je cours vers la famille,mais au lieu de s interposer,le pere me dit sechement de m en aller.Il s est bien leve et a esquisse un geste,mais s est ravise.Le dingue lui a juste dit quelques mots,alors que je criais,en anglais cette fois pour etre plus credible,que j etais touriste, et qui etait ce mec?J ai compris deux mots,"mardum",et"aks",respectivement,Les gens et photo,qui m ont mis sur la voie.Le vieux d avant a peut-etre prevenu ce type,lui disant que quelqu un prenait des photos sur les toits,et cet autre est venu jusque-la pour me retrouver et accomplir sa vengeance d un acte que je n ai pas commis,comme prendre en photo sa femme ou sa fille.
Je fuis vers le ville,je prends mes jambes a mon cou,mais les salopards me coincent avec leur motos,et il tente de me filer des coups.Ce type veut ma peau! Ils sont moins agiles avec leur engins,et l issu reste totalement incertaine.Je continue de crier,tandis que ce ne sont plus une mais quattre mobylettes qui zigzaguent pres de moi.
Soudain je m apercois que deux d entre elles n ont rien a voir avec le dingue,ce sont des jeunes qui viennent juste voir la distraction de plus pres,et ils n ont pas l air de saisir grand-chose.L un me dit de sauter sur sa becane, et nous fuions,"kodja miri?"-"vers les [taxis collectifs] pour Yazd".
Je m en sort indemne,presque sans bleus,mais choque.Le roofclimbing c est un sport dangereux par ici.Je retiendrai la lecon.
Devenu quelque peu malsaine pour moi,bien que toujours accueillante,je quitte Yazd dans les jours suivant.J en garderai malgre tout de tres bons souvenirs.
Je crois que je suis reste cinq jours la-bas.J ai aussi fait un jour un escapade vers Chak-chak,le lieu sacre des Zoroastriens,les pratiquants de la religion monotheiste de l empire perse,il y a 9 siecles.Pour cela on traverse le vrai desert,avant d arriver a un temple niche dans le creux du montagne qui se dresse comme un champignon solitaire et au pied de laquelle goutte une source sacree qui fait "chak""chak" et nourrit un platane solitaire.Sur la route des arrets s impose au village de Kharanaq,une sorte de Hassankeyf iranien,et Meybod/Ardakan ou je goute aux delicieux kebabs de dromadaire.
De grandes portions de la route sont en plein desert de sable,qui bouche la vue lorsqu'il occupe l air.Ca aussi c est le desert,le vrai... Un petit frere du Lout a qui je vais bientot dire bonjour....
A bientot et bonne vacances pour les universitaires!!
Bisous
Adrien
18 février 2006
La croisee des peuples
Ciao!
Il y a 10 jours j arrivai a Bandar Abbas,Pres du detroit d Ormuz.Passe quelques jours dans cet etonnant Sud iranien,avant de remonter jusqu au desert a Yazd,ou je me trouve depuis le 13 fevrier.
C est a Bandar que j ai vu les lamentations de l Ashura,la commemoration de l assasinat de l Imam Hossein par les Sunnites a Kerbala(actuel Iraq)il y a 14 siecles environ.Nous sommes actuellement dans le mois de Moharram du calendrier iranien,c est a dire le deuil de Hossein,extremement important pour les Shi'ites.
Cela faisait deja une dizaine de jours que chaque soir des groupes de penitents defilaient dans la rue.Un chanteur scande des lamentations entrecoupees de "Ya Hossein!!!" dechirants,relaye par de gros hauts parleurs montes sur roulettes,devant et derriere lui.Deux groupes de penitents:les premiers,plutot en queue de file,se frappent la poitrine avec affliction.Les seconds,devant et derriere le chanteur,se flagellent avec un martinet.Le tout en rythme bien sur,et pour cela de gros tambours et des cymbales sont disposes dans le cortege.Les mouvements sont parfaitement syncronises.
La premiere fois que je les vis,a Shiraz,je fus vraiment impressionne.La moitie des penitents avaient moins de dix ans,aux plus petits on avait donne des fouets termines par deux ou trois chaines de metal seulement.Ils le maniaient avec la meme maladroitesse que leurs jambes avec lesquelles ils venaient d apprendre a marcher.C etait aussi emouvant qu ambigu:ils y allaient avec un tel enthousiasme qu on ne savait plus trop s il fallait les plaindre ou partager leur insouciance.
A mesure que l Ashura approchait la proportion d enfants diminuait et les coups de fouet se faisaient plus violents.Beaucoup de penitents se flagellaient ainsi quattre fois par jours,trois fois a la mosquee puis dans ces defiles nocturnes.Les drapeaux,les etendards et les installations de bois ou metal s y faisaient de plus en plus lourds et imposants.Les plus aguerris des participants portaient a la fin de la procession un immense etendard de metal,six metres de large sur deux metres de haut environ,decore de plumes et de fanions.Il le font tourner au milieu de la foule electrisee qui a tendance a s approcher un peu trop pres mais qui sait toujours se baisser a temps.
A Bandar,ville partiellement sunnite,la tension etait palpable.La veille d Ashura,a quelques metres de ma fenetre,le "fou d Hossein" maitre de ceremonie criait plus qu il ne chantait une litanie poussive et menacante.L air se crispait.
Mais le lendemain,toute cette pression se dechargea plus dans les auto-flagellations que dans des hypothetiques accrochages.Sous la chaleur du soleil de midi(jusqu a 30 degres environ!!!!),une foule impenetrable s amassait autour des gigantesques corteges,composes pour l occasion d autant de femmes que d hommes,plus des dromadaires,des faux lions(symbole d Ali) qui aspergaient de sciure des hommes deguises en mechants soldats de l epoque.Et les chanteurs -pleureurs a plein volume.Ca faisait un peu Lake Parade ambiance...en moins drole quand meme!
Le clou de l Ashura c est... le repas gratuit.Rien de tres religieu dans tout ca, sauf qu il est "offert" par le clerge(avec les sous des gens...).C est l apotheose:Apres le Khoresht(plat aux lentilles) gratuit,on se pieute et personne qui ne range les fouets,aucun muezzin ne donne de la voix,a Bandar comme dans tous les Sud la sieste c est sacre.
Le soir,certains jusqu'au-boutistes vont refaire leur manege macabre dans la rue ou a la mosquee.Ils y vont carrement,se frappent a toute force, les yeux dans le vague ou revulses.
Mais alors...sont-ils fous ces Persans?Ou sont-ils, finalement,tous des fondamentalistes?
Je ne crois pas.La vrai raison d une telle passion,c est que les Iraniens vivent dans leur passe! Ils pleurent mieux les morts que les vivants,et surtout apres quelques siecles. C est un trait essentiel de l identite iranienne que cette nostalgie de ce qui est fini,de voir le present comme une ruine d un passe toujours regrette.Cela emousse jusqu a l ambition,decourage les projets,erode l envie.Et donne aux Persans cette constante lassitude d un vieillard de cinq mille ans qui n attends plus rien,meme pas la fin.
Pour les iranniens,leur histoire est pire qu une decadence,c est une agonie...
M'enfin l'pays reste sympathique!
Bandar Abbas.
Une ville d ombres bleues,de l impermanence et du flou.
Je retrouvai la des connaissances plus vues depuis bien longtemps:La chaleur,tout d abords,ce soleil qui tape dur.J en avais presque oublie jusqu a la sensation de lourdeur dont on ne trouve pas meilleure excuse pour s affaler sur un matelas et cuver la fatigue et les cahots de la veille.
Puis,moins agreable,la transpiration et les moustiques.Eh oui,ca va avec.
Mais le meilleur,c est la mer.Ah!La mer!!!!"Darya!"C est tellement beau.Meme avec ces trainees de gasoil ou cette mousse beige(Bandar est avant tout un port,comme son nom l indique en farsi),elle reste majestueuse.
Comme une grosse baleine rouge,un rafiot echoue contre la jetee montre le flanc,couvert de crustaces.Il n est pas le seul.Les carcasses rouillees bornent la digue,sans empecher les petites navettes des iles Q'eshm,Kish,ou de Dubai de se faufiler pour accoster.
Des crabes plus gros que la mains sortent des rochers moussus, ainsi que la queue d un petit iguane.
La plage crepite.C est la vase en putrefaction.Ou des bestioles?
Et l eau.L eau moiree,verdratre.L eau trouble.
Bandar Abbas est une vile de diversite aussi:le Sud iranien c est un peu la croisee des peuples.
Iraniens de la mer("bandari"),Arabes du golfe persique,Africains de la corne,Indiens,...melanges insolites qui vous tombent dessus au detour d une rue poussiereuse.
Des femmes au visage taille a la serpe ou bien des nez crochus et regard torve,de gros Emirs tout en blanc,des boucles et des barbus,des tanes,des callottes,des enturbannes...Des visages couleur bronze,couleur terre.
Et il y a les masques.Les masques! Ils appellent ca Burq'a ici mais rien a voir avec ce qu on trouve en Afghanistan:ici c est juste un morceau de tissu ou de metal qui cache le visage des femmes.On en voit peu a Bandar,plus dans les petits villages et surtout a Minab.
A l Est de Bandar,Minab notamment, c est un morceau rectangulaire de feutre ou de tissu cartonne pourvu de deux fentes horizontales pour les yeux.Alors qu a l Ouest c est en metal et sombre,un croisement entre Dark Vador et le carnaval de Venise.
L habillement aussi differe des autres endroits du pays.On voit moins de tchadors,mais des sortes de saris pastels,un peu transparent.Un morceau d Inde?
Apres deux jours a Bandar(dont l Ashura),je parti a L ouest a Bandar Lengeh-Bandar Kong.Une ville totalement lethargique.Et en plus... c etait les vacances.
Revenu a Bandar Abbas,quattre heure de bus sur une route qui veut juste rien dire(le trace est absurde,en plein marecage parfois,et le relief inexplique avec des sortes de montagnes russes malgre la platitude du paysage-faut l'faire!-),mais tres belle:Acacias africains inclines,montagnes nues ecorchees par l erosion,et soudain un bleu si parfait,la mer de nouveau,mais hors des ports cette fois.
Puis,Minab et son bazaar bigarre, ses masques omnipresents...et les meilleures glaces du pays.
Bref,ce Sud est simplement hors-norme.C est un endroit ou il n y a rien a visiter.Il ne faut pas y aller en etant presse,sinon on ne voit rien de ce que je vous ai decrit,mais juste des batiment sans charme et un port pollue.Il ne faut rien attendre du Sud iranien,sinon on n a rien.Je n aurais surement pas apprecie si j y etais alle au debut de ce voyage,mais j ai appris petit a petit a aimer ces endroits ou l imprevu est roi.
Bisous a tous.Tout de bon!
A+
Goli
(J ai appris que ca signifie "fleur" en farsi.Ca fait un peu puceau,non? Bon c est deja mieux qu en serbo-croate ou ca veut dire "nu" et qu en japonais ou ca veut dire "gorille"!!)
3 février 2006
Peripeties persannes

Je devine votre joie teintee d un soupcon de surprise en decouvrant ce nouveau post…j avoue que ca fait un un temps certain que je n ai plus donne de mes nouvelles via ce blog!
Si vous etes venu tous les jours pendant deux semaines pour trouver un signe de vie de ma part,en vain,j en suis desole.Et si vous n etes pas venu tous les jours…euh..honte a vous!
C est qu il m est arrive quelques peripeties ces derniers temps…
Mais d abord, vous dire que je suis toujours en Iran,a Shiraz plus precisement,que cela fait un mois que je suis dans ce pays(mais ne vous en faites pas,j ai prolonge d un mois mon visa!He!He!)et plus de six mois que je suis parti de Geneve.
Qu il y a une semaine ma sante etait assiegee par une bronchite attrapee dans les monts Zagros, de la fievre et une infection au pied.Que je me suis retabli, bien qu encore legerement convalescent,et que je suis impatient de reprendre la route.
Je vais reprendre le fil du recit a Teheran.Cette megapole de 14 millions d habitants m a ravit-j ai ete decu en bien comme disent les Vaudois-.Je crois qu elle a definitivement gagne sa place au classement des villes que j ai le plus apprecie du voyage,tutoyant les meilleures:Sarajevo et Istanbul.C est une ville cosmopolite,jeune,et indomptable.
Si l on n adapte pas un minimum ses habitudes,il y a rejet de greffe:elle a ses particularites ,voire ses contraintes auquelles il faut se soumettre.
La plus flagrante,c est le traffic:il rivalise avec celui du sous-continent ou du Caire,sauf qu ici il n y a pas de vache sacree ou d anes.Juste une anarchie de Paykan(c est la voiture Iranniene,un ersatz de Peugeot, comme la Tofas est la voiture turque et la Zastava la voiture serbe,qui elles sont des brevets de Fiat),et des passages pietons a peu pres inexistants.Pour traverser,une seule solution:se lancer,tete baissee!!!La cle,c est de comprendre que n importe quelle voiture s arretera,meme si elle fonce ,devant un pieton determine.L hesitation est le vrai danger.Le meilleur truc est encore de ne pas regarder,de marcher tel un somnambule.Il est probable que vous ne vous ferez pas shooter,et que vous n entendrez meme pas de klaxon.Mais n importe quel type un peu psychorigide peterait les plombs dans ce chaos.
Le traffic phenomenal induit une autre adaptation:La regle absolue dans Teheran,c est qu on ne peut faire qu une chose dans la journee.Par exemple,vous avez prevu d aller a la banque,a la poste,de passer au supermarche et d aller dire bonjour a un ami.Si la poste est tres proche de la banque,vous avez peut-etre une chance d y passer aussi,mais ca risque de se limiter a la banque.Tout simplement parce que vous mettrez une bonne partie de la journee pour vous y rendre,et une autre bonne partie pour y revenir,et qu il faut aussi compter le temps sur place… De toute facon vous aviez oublie que c est vendredi,et vendredi c est le dimanche des musulmans,c est a dire que tout est ferme!Na!Et n essayez meme pas d aller saluer votre pote,depuis la ou vous etes vous metteriez la moitie de la journee pour y arriver.
Juste pour vous donner une idée de quoi ressemble Tehran,imaginez Athenes en trois fois plus etendu.Au Nord,la ville s attaque au flanc de la montagne.C est la chaine de l Alborz,qui coupe la ville de la mer Caspienne.Plus on va vers le Nord de la ville,plus les quartiers sont huppes.Et au le Sud,vers le desert,ce sont les quartiers populaires,traditionnalistes,les tetes brulees,ceux qui ont fait la revolution,le veritable Coeur de l Iran.La, foisonnent les gigantesques peintures murales qui representent avec un realisme saisissant les martyrs de la revolution ou de la guerre(la guerre Iran-Iraq,1980-1988,500’000 morts iraniens,tous devenu martyrs),moustache juvenile et barbe naissante,le regard parfois legerement empreint de peur,armes et prêt a partir au combat,des portraits de plusieurs metres de haut, sur les facades des maisons qu ils ont generalement habite.On les appelle basidjis(volontaires),et ils avaient rarement plus de quinze ans lorsqu ils partaient se faire tuer au front.
Avec Khatami,le president elu en 1997,predecesseur d Ahmadinejad (vous savez,celui qui vous dit bonjour au moins chaque semaine au telejournal),une certaine tolerance s etait installee,ce que les Iranien-ne-s,surtout la jeune generation,se rejouit alors d exploiter jusqu a ses limites.
Dans la rue Fereshteh,dans le quartier d Elahieh,au Nord,precisement la ou j ai loge,naquit alors une nouvelle forme de drague.Puisque les boites de nuits n etaient toujours pas permises,loin de la,les jeunes transformerent leur proper voiture en disco.Bien sur cela suppose d avoir une voiture,et pas une Paykan!!
Le principe du disco mecanique,comme on l appelle ici,est le suivant:Dans une rue determinee,les jeunes se groupent dans des voitures(de preference tunees) et mettent la techno A FOND.Des voitures pleines de filles,Des voitures pleines de mecs,et tout le monde regarde la file qui vient en sens inverse en roulant a 10 a l heure,prêt a echanger quelques mots et peut etre des numeros de telephone.Au bout de la rue ou au bout d une certaine portion de rue,toutes les caisses arrivees jusque-la font demi-tour,motivees par l idée de recroiser telle ou telle jolie iranienne.
Bien entendu,cela paralyse le traffic sur toute la rue,et le jour ou le Disco mecanique a fait son apparition sur Vali-ye-asr,une des avenue les plus longues du monde,vingt kilometres bordes de hauts platanes d orient qui traverse Tehran du Nord au Sud,meme si les disco mecaniques ne sont jamais tres longs,ca n a pas aide a desengorger la rue!!
Depuis Ahmadinejad il est d ailleurs interdit de rouler avec de la musique a fort volume…Mais la jeunesse Tehrani est tenace,desormais les disco mecaniques se font simplement sans musique!!Cela reste impressionnant.
Ce ne sont seulement quelques aspects de la megapole,mais j arrête la avec Tehran,il y a trop a dire.
Apres mon sejour dans la capitale,je me suis rendu a Kashan,une petite ville celebre pour ses jardins persans elabores sous Shah Abbas 1er,avec ses jeux d eau omnipresents(en plein desert soit dit en passant)et son absence de gazon,particularite des jardins de Perse.Le bazaar de Kashan est etonnant,tout en longueur,autant que ses maisons tres anciennes d un style inedit.
Dans les montagnes au Sud de Kashan se trouve un village seculaire si ce n est millenaire, Abiyaneh.Dans une vallee etroite et couverte d un manteau blanc qui adoucit un peu la brutalite de la roche, se niche ce hameau serre de maison d un ocre unique,faites simplement de bois et de torchis, empruntant a la pierre et la terre du lieu la couleur rouge.Plus grand monde n y habite,a part quelques vieux un peu arnaqueurs,c est que mine de rien le coin est connu et passablement visite.
Apres Kashan et Abiyaneh, je continuai en toute logique mon chemin vers le Sud,atteignant Ispahan le18 janvier.
Esfahan…nesf’e djahann!Il y a quelques siecle,sa magnificience etait telle que s etait repandu cette maxime:Ispahan…la moitie du monde!!
Il est aise de deviner sa splendeur d alors, un grand nombre de ses monuments etant parfaitement bien conserves ou restaures:De l incontournable place de l Imam,ancient terrain de polo orne de trois des plus belles pieces architecturale d Iran:le palais d Ali ghapu,la mosquee de Sheikh Lotfollah et la mosquee de l Imam(symbole d Ispahan,avec sa porte demesuree et son grand dome,le tout minutieusement recouvert de ceramique d un bleu,mais d un Bleu!!!),aux ponts mythiques sur le fleuve Zayende qui descendant des Zagros,se perd dans le desert(ce qui a tant deprime Nic’Bouv’ et Thierry Vernet qu ils quitterent la ville comme des fuyards et en chialant…moi j ai adore les rives du Zayende Rud),en passant par l atmosphere inimitable des tchaikhane(teahouses) ou les Armeniens accueillants du quartier de Jolfa,..Ispahan est le genre de ville ou l on prevoit de rester deux jours et que l on quitte après cinq,regrettant de ne pas rester plus longtemps…Personellement je n ai meme pas vu l immense mosquee du vendredi,et j aurais bien passé plus de temps a flaner dans le genial bazar.Mais lorsque je quittai Esfahan,je n en menais pas large!Je revenais des montagnes du Lorestan,ou une petite excursion d un jour s etait allongee a trois du fait de chutes de neige inattendues,et qui m avait mine la sante par une bronchite.J etais febril,tremblais et ne savais plus si j avais froid ou chaud,et aurais bien cru pouvoir dire coucou au pere Alvaro(cf “Le poisson-scorpion”pour ceux qu auraient pas saisi).De plus,je trainais depuis Teheran un ongle incarne qui s etait infecte et violacait mon gros orteil.
Voila comment est arrive cette aventure au Lorestan:A peine arrive a Ispahan,faisant connaissance avec l incontournable place de l imam,un marchand de tapis m aborda(rien d extraordinaire jusque la, ils y en a des pellees et tous plus escrocs les uns que les autres;vous sortant avec un sourire de vautour les memes « My friend ! » qu en Turquie).Il me proposa un Tchai(un the),ce que je ne refuse (normalement) jamais,puis,sans se prendre pour un guide, me fit quelques commentaires sur les beautees(architecturales,s entend) de la place.Il parlait un anglais assez correct et avait l air honnete, presque desinteresse.
Le lendemain,je vis une bonne partie des merveilles de la ville avec lui,ainsi qu avec un etudiant en journalisme danois de passage en Iran,rencontre dans la pension amir kabir,toujours pleine de voyageurs-aventuriers(super pour avoir les dernieres news des conditions de voyage au Pakistan,en Inde,ou au-dela).
Iraj(c est le nom du vendeur de tapis),petit,un peu malingre,la cinquantaine,au rire innimitable, est descendant de nomades Bakhtiaris,un peuple des monts Zagros,plus precisement du Lorestan.Comme nous etions(le danois,qui s appelle Peter,et moi) tres interesses par les nomades d Iran(Peter etait surtout tres interesse par les tapis,objets qui sont originellement confectionnes par les nomades),il nous proposa de nous emmener rencontrer des proches ou amis qui vivent encore dans la montagne.
Nous eumes un avant-gout de la culture Bakhtiari a un marriage auquel nous fume convies par Iraj.Dans une large salle,separee en deux par un auvent,une partie hommes,une partie femmes,la musique commenca dare-dare(a peine les premieres invites arrives),pour ne s achever qu au milieu de la nuit.La musique ressemblait beaucoup a se que l on entend en Turquie,mais la facon de danser est assez differente.Un peu sceptiques a notre arrivee,je trouvai le moyen de les decrisper de la presence d etranger en leur faisant des demonstrations de danses turque et Kurde(qui ont un petit quelque chose des danses grecques,pour ceux qui se souviennent du superfast entre Ancona et Igoumenitsa,un certain mois d octobre 2004-speciale dedicace aux hellenistes et aux autres !!!!!...Et aspropato svp ).Ca les rejouit veritablement,tellement qu ils me proposerent de gouter leur votka.De la Vodka en Iran !!!???Ma curiosite prit le dessus,impatient de cette decouverte scientifique exceptionelle !On me conduit a une des voitures parquees dans la cour,et me tendit dans l obscurite(le marriage avait commence peu avant la tombee du jour)une ex-bouteille en plastic de soda.Je m attendait a du tord-boyaux,quelle ne fut pas ma surprise en degustant un excellent cognac !L origine de ce breuvage ??Les Armeniens de Jolfa(Mais c est bien sur !!).Ils font du good business en vendant au marche noir leur alcool fait maison.Etant chretiens,religion frere de l Islam et respectee en Iran,ils ont le droit de consommer de l alcool et donc d en produire(aucun magasin n a le droit d en vendre en Iran).Mais de temps en temps,il y a comme on dit des surplus de production !!!(et ce serait dommage de le jeter,hein...alors ils le vendent)
Vers 23h.la musique s arreta et tout le monde se rendit dans une autre piece pour manger.Comme il y a des siecles,on grignote tout le long de la fete,mais le vrai repas du soir est repousse le plus longtemps possible:Alors,les invites mangent en un eclair,ne s asseyant meme pas,et partent immediatement apres.J avais lu ca dans "Samarcande"d Amin Maalouf,mais je ne pensais pas que c etait encore comme ca.Etonnant.

Le lendemain nous partimes d Ispahan avec un ami d Iraj qui avait une voiture,et en route vers le Sud-Ouest et cinq ou six heures de route a travers des paysages epoustouflants(et quelques haltes dans des villages isoles a la cle),jusqu a etre au coeur des Zagros,en plein pays Lor(Ethnie qui comprend les Bakhtiari,un reliquat des premieres couches de population de l Iran puisqu ils parlent un dialecte proche de l avestan=le vieux-persan)
Nous dormimes dans la maison du chef d un tout petit village,plus tres jeunes et qui nous racontais ses exploits de chasse semi-imaginaires,du style « un jour,j ai tue cinq millions de perdrix des neiges,Khoda,Khoda !!!» Khoda signifie Dieu en persan.
En se reveillant le lendemain matin,nous eumes la surprise d une neige abondante et d un jour blanc complet.Ayant un col a passer,a une heure du village,sur la route d Ispahan, nous nous mimes prestement en route.Il faut dire que c etait presque un exploit d etre arrive jusque la avec une voiture non-tout-terrain,sur cette route qui litteralement tombait par plaque dans la riviere dix metres plus bas,cette route au beau millieu de laquelle des blocs de pierre de cinquante kilos avaient chute.Passe le col,la route serait bonne.Mais le probleme,justement,c etait que nous risquions de ne pas pouvoir le passer,avec la neige.
D ailleurs...nous n arrivames pas bien loin.Nous dumes rebrousser chemin et retourner au village.Le chef du village nous attendait avec un excellent repas,ensuite de quoi il avait beaucoup de choses a nous proposer pour passer le temps :The,opium,ou bien nous raconter encore ses ‘exploits’.Merci bien,le the suffira.Apres s etre bombarde de boule de neige parmi avec les villageois(tres joueurs,les Bakhtiari !),pendant que mes trois compagnon d expedition dormaient a l interieur,nous repartimes tous les quattre pour une nouvelle tentative infructueuse.La nuit etait tombee depuis quelques heures lorsque nous decidames que nous avions assez pousse la voiture dans l air glace,et nous demandames de l aide au village le plus proche.La,des nomades nous offrirent le gite,a defaut de chaines pour les pneus, et j appris beaucoup sur le sort des nomades d Iran...Les derniers gouvernements de l Iran n ont cesse de sedentariser de force les nomades, du Khuzestan au Khorassan en passant par la Caspienne et le Fars.D apres mes hotes d alors,il y avait 15 millions de nomades en Iran il y a trente-quarante ans.Actuellement il n y a plus que 1,5 millions de gens qui menent une existence veritablement nomadique dans ce pays.Les gouvernements succesifs leur ont interdit de migrer ou bien leur ont impose des itineraires,et souvent ils les casent simplement dans des barraquements en dur mais rudimentaires,quoiqu’invariablement equipees de la tele,du telephone et de la radio,outils de propagande destines egalement a dissuader les ex-nomades de retourner a une vie migrante.Et le gouvernement a trouve encore plus fort :les barrages.C est la maniere turque,qui a ete largement utilisee pour devaster la culture Kurde.Avec des barrages dans les vallees etroites des Zagros ou de l Azerbaidjan,l Etat englouti de nombreux villages dont les habitants fuyeront dans les grandes villes,bientot fondu dans la masse,perdant leur culture millenaire.
Le gouvernement,notamment sous l impusion du tres-deteste Rafsanjani(un ex-president qui reste haut-place dans l etat et surtout une des personnalite les plus riches du Moyen-Orient),prevoit de sedentariser tous les derniers nomades ces prochaines annees!
Le lendemain,on cru bien qu on arriverai toujours pas a sortir de cette vallee.Ah! Combien de temps a pousser cette foutu caisse,se glacant les poumons,dans la brume ou dans la nuit !!!! Khoda,Khoda !!!!!!

Finalement,Apres d autres heures a pousser et une attente mortifere pour des chaines qui exploserent a mi-chemin,nous retrouvames de l autre cote du col,aussi ereintes que la voiture etait devenue branlante(et accesoirement avec une bronchite,pour ma part,mais je n avais pas encore remarque).
De retour a Ispahan,je remarquai que j avais perdu mon guide(entre autres choses)un de ces derniers jours.Toute recherche fut vaine,mais c est vrai que j ai voyage les trois premiers mois(Balkans et Grece) sans guide,et ca evite beaucoup de deceptions....Plus grave etait cette bronchite et cet etat febril,plus l infection au pied.De retour a la mesafirkhane Amir Kabir,quelques voyageurs(pas touristes) Japonais(qui sont d ordinaire assez froid)se prirent presque pour mes parents et etaient tous tres attentionnes.A defaut de me guerir(Ils me disaient d entailler la peau,de couper,de couper-avec mon couteau suisse desinfecte bien sur-,mais ca ne marchait pas,ca saignait juste...entre parenthese et si je px me permettre une nouvelle reference BD-esque,ils me faisaient un peu penser au Chinois fou qui veut « montrer la voie » a Tintin en lui coupant la tete,dans le Lotus bleu...nan j exagere la !), cela me remonta un peu le moral.Plus serieux,il y avait un vrai medecin (Kurde d Hamadan,d ailleurs)dans l hotel.Il me proposa de m emmener en voiture(je ne pouvais plus beaucoup marcher) a l hosto.Il faut dire que le matin meme je m etais rendu dans un hopital mais l incomprehension mutuelle m avait rendu dubitatif,les medecins la-bas me paraissaient un peu foezi.J avais donc abandonne.
Arrives devant sa voiture,mauvaise surprise !Elle avait ete litteralement demantelee,decharnee,par des mechants voleurs(ouh les mechants !).Ca n arrive qu en Iran ce genre de truc,me suis-je dit sur le moment.Mais finalement ce sera pt-etre pire au Pakistan et en Inde...
Je remontai dans mon dortoir,presque heureux de mon sort.
Le lendemain je changeai mes plans et parti pour Shiraz,la ville des poetes classiques Hafez et Sa’di.Mais surtout une ville ou j avis un contact :des amis d amis a moi...
Je suis ici depuis le 24 janvier(juste a temps pr souhaiter bonne anni a ma petite soeur a Geneve),condamne a rester chez mes hotes,une famille anciennement cheffe de tribus Q’ashqai,des nomades cette fois-ci turcophones(plus tres nomades en ce qui les concerne),avec qui je communique en anglais(et un peu en turc quand meme) puisque j ai pas beaucoup progresse en farsi,jusqu a ce que je sois retabli,ce qui est maintenant presque le cas.Et l hospitalite iranienne vaut celle l autre cote de la frontiere !!Merci Sina et tous les Baharloo !!
J ai plutot bien choisi Shiraz :c est le centre hospitalier et de medecine de l Iran :j ai vu bon nombre de la vingtaine d hopitaux de la ville,qui me disaient tous des choses differentes,et finalement fait operer la semaine derniere.
Je ne suis pas beaucoup sorti de la maison jusqu a present,mais je peux maintenant marcher un peu.Je suis alle a Persepolis hier,le site mythique des empereurs Achemenides,Cyrus,Xerxes et Cie.J avoue que le peu qui reste de la grandeur et du raffinement passe est eloquent.Et j adore ces enormes statues d animaux composites(par ex.corps de taureau,ailes d aigle,et barbe de mollah-avant l heure)
Le vendeur de billet au guichet a l entree etait un vrai Basidji,un vrai de vrai.Avec une barbe noire charbon et drue de sous les yeux jusqu en bas du cou.Je lui ai montre ma fine barbe, dit que j etais pret a defendre le pays si « ils »attaquaient,et lui ai dit que j etais etudiant(je n ai pas precise en quoi),et il m a laisse passer gratuitement et avec bienveillance.(C est juste parce que les etudiants rentre gratuitement dans les sites archeologiques...non ??)
Voila,j espere que je me suis rachete de mon absence momentanee sur ce blog en vous gatant de ce long post,vous prie de m excuser au cas ou mes phrases seraient un peu proustiennes,et vous salue bien bas.
Que votre ombre grandisse !
Adrien Golinelli, le meilleur des basidjis(juste pour la rime !)
13 janvier 2006
quelques photos de Grece
Voici quelques photos que j ai faite en Grece...C est tout ce que j ai pu uploader tant les connexions iraniennes sont lentes... J espere pouvoir prochainement vous presenter des extraits des quelques centaines de photos que j ai faite en Turquie.
J ai trouve la parade:je fait scaner les negatifs sur CD puis je transvase les photos du CD vers le blog.Un appareil numerique aurait aussi pose des problemes.
Ile d Egine. Au loin:Athenes,Le Piree,Salamine,Eleusis.
Port d Egine.
Ile d Ydra.
Alexandropolis. Speciale dedicace...
8 janvier 2006
Adrien au pays des Ayatollah
Je ne suis pas (encore)mort de la grippe aviere,bien que je fusse recemment dans les zones contaminees:Apres Van je suis alle a Dogubeyazit,afin de passer la frontiere et de jeter un coup d oeil au magnifique palais d un pacha ottoman qui avait beaucoup de gout,perche dans la montagne escarpee.
Ce jour-la je n ai pas mange de kebab,pour changer un peu,mais des pidés au epinards.je m etais dit que je risquais de trouver plethore de kebab en Iran,mais peut-etre pas de pidés.... Vous croyez a une influence divine??
Depuis le 2 janvier je suis en Iran.La premiere halte fut Tabriz,avec son bazar de 16 km.
La-bas je pouvais continuer a parler turc,puique les Azeris sont ethniquement proche des Turcs et parlent un dialecte assez proche... Ce fut plutot cocasse de communiquer avec un marchand de blocs de sucre au bazar:Au debut on ne comprend pas puis lorsque l on a fait le rapprochement avec les mots connus,on se marre.Lui riait de mon parler stambouli et moi je m amusais de son azeri.Pour vous donner une idee le dialecte turc azeri sonne un peu comme le schwytzertütsch.
Tabriz est une ville agreable.Ideale comme approche pour cet Iran surprenant.
Puis,un peu par nostalgie pour l ame Kurde qui me manquait deja,je me suis rendu a Mahabad,dans le Kurdistan Iranien.Une ville qui a reputation de repaire de brigand et de mecreants sunnites dans la capitale.
De brigands,point du tout.Juste une bourgade en forme de croissant,encaissee dans des montagnes beiges,et tout contre le nord de l Irak.D ailleurs on m a propose plusieurs fois de venir a Suleimaniye,de l autre cote de la frontiere....frontiere assez virtuelle d ailleurs.Pas de visa,pas de douaniers...sympa!
A dire vrai j etais tres tenté...mais Homayoon m attendait a Teheran.Ce sera pour une prochaine.
A Mahabad on parle un autre dialecte Kurde que le Kurmandji de Turquie orientale.Ils sont Sorani,et n aime pas qu on les confonde avec les Kurdes Badini!!Encore moins avec les Kurdes Zaza ou Shikak!!Etc,etc.. Je me sentais comme dans Asterix et Obelix chez Rahazade,avec les Medes qui poursuivent les Babyloniens qui sont en guerres avec les Assyriens qui n aiment pas les Hittites et ainsi de suite.
Avec mes quelques mots de Kurmandji(je parlais surtout turc avec les Kurdes de Turquie),je n allais pas tres loin.Il fallait recommencer a zero avec le Sorani...c est dire que mes connaissances du Kurde restent embryonnaires.
J ai aussi eu une pensee pour Nic Bouvier qui a ete emprisonne(sans raison) a Mahabad,il y atout juste cinquante ans.
Depuis quelques jours je suis a Teheran,chez cet ami iranien de mon pere.Apres avoir voyage en-dessous du seuil de pauvrete(4 euros par jour),je mene la belle vie dans les riches quartiers Nord de la megapole.
Generalement les voyageurs et les guides de voyages deconseillent Teheran.Il est vrai que c est une ville immense,extremement polluee et totalement anarchique.On a cent fois plus de chance de mourir ecrase par une voiture a Teheran que zigouillé par des rebelles au Sistan-Balouchistan(ou je vais me rendre aussi,d ailleurs),a mon avis!
Mais lorsqu on connait des gens a Teheran,la pieuvre perse devoile tous ses charmes.Du mont Damavand(5600m.)aux jolis minois des iraniennes(dix fois plus belles que les Turques et cent fois plus que les Grecques-cela n engage que moi-),en passant par le sauna tehrani ou bien des agrumes inconnus ailleurs qu ici,et bien d autres choses encore....

Me voici donc en Republique Islamique! Je vais vous dire la verite:Ce n est que la theorie.La vrai republique islamique de la region,c est la Turquie.
Tout d abord,l Iran n est pas une republique.Ensuite,le regime en place en Iran est majoritairement impopulaire parmi la population.Si la loi est stricte archaisante et inegalitaire,la plupart des Iraniens sont ouverts d esprit et rarement bigots.Ils s ingenuent donc a vivre aussi libres qu ils le peuvent,sous un regime qui ne peut que tolerer(jusqu a un certain point!)ces petits bouts de liberte,d amour,de vie privee que le peuple tente d arracher des mains du pouvoir.Les femmes par exemple poussent jusqu a la limite les obligations concernant le port du voile:visage nu et maquille,et souvent tous le devant du crane decouvert pour laisser apparaitre le maximum de cheveux.Beaucoup s habillent a l occidentale,en jeans assez moulants et hauts coquets...et continuellement tentent de s affranchir un peu plus de la Sharia...jusqu a la prochaine repression sanglante,apres quoi le combat recommence.
En Turquie,c est l inverse:La loi est tres permissive et absolument laique.Le port du voile est meme theoriquement interdit a l ecole!! Mais la mentalite des habitants est tres conservatrice,et la loi n est alors plus qu un mirage.Ouest comme Est,Van comme Istanbul(je pense plus au quartier de Fatih que celui de Taksim bien sur),c est le meme topo:La vrai loi c est d abord l Islam,pas toujours rigoriste bien sur,mais il n empeche!!
Sur cette note un rien politique,mais utile me semble-je parmi ce qu on entend des medias,je vous souhaite une bonne nuit et une bonne rentree.
"Que votre ombre grandisse"
A+
Adrien