4 février 2007

Soleil d'hiver a Lhassa


Lhassa,Tibet occupe.

Tashi delek!

Le Tibet en hiver,c'est le pied!Je m'y plait tellement que j'ai un pincement au coeur a l'idee de quitter Lhassa.Mais j'ai encore quelques centaines de kilometres de route tibetaine(entre cinq et quinze jours) devant moi...et etant illegal dans cette province,il y a un risque(accru en allant vers l'Est) que l'on m'arrete et me renvoie a Lhassa.

J'ai parfois encore de la peine a realiser ou je suis.J'ai tellement reve du Tibet...que je n'ai jamais pense serieusement a y passer durant ce voyage.Et il y a deux semaines encore,je n'imaginais pas aller jusqu'a Lhassa.Voila comment c'est arrive:

...

Annoncer dans mon dernier post que j'allais arriver sur le plateau tibetain le lendemain,c'etait vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tuer:J'ai moisi quatre jours a Charklik,bled ouighour noyaute par une colonie chinoise, attendant le depart d'une jeep qui pouvait etre imminent.Nous etions deux passagers,le chauffeur en voulait sept ou huit.
Vous ne connaissez probablement pas cette sensation de leger excitement un peu impatient lorsqu'on sait que ce peut etre a tout moment, ou l'on hesite a s'eloigner de plus de vingt metres du vehicule ou du chauffeur,... et qu'a la fin de la journee,ce dernier apres une centieme partie de mah-jong, siffle entre ses dents carriees:"Mingtian!"(demain) Mingtian toujours invoque, mingtian tout ira mieux, mingtian n'arrive jamais!Apres un an et demi de voyage et avoir laisse derriere moi des pays comme l'Afghanistan,je ne pensais pas que cela m'arriverais encore...

Au matin du quatrieme jour, je m'appretais a repartir en arriere lorsque je vis ce vilain mettre la derniere main au paquetage sur le toit de sa jeep.Comme je m'y attendais,huit passagers etaient arrive d'un seul coup...nous etions dix.

Six heures de route entre desert et montagnes qui me rappela fichtrement les voyages en pick-up baloutch, dont on sort la moitie du corps paralysee par les positions inconfortables.Six heures de route epoustouflante de brutalite minerale,passant de dunes de sables a canyons demesures en roulant sur des fleuves geles,avant d'attaquer des cotes a donner le vertige, passant du niveau de la mer a presque 3000m. d'altitude.

Ce n'etait pas gagne pourtant:Depose dans un hameau plus perdu que Piogre,il fallut bataille pour atteindre un village juste un peu plus gros,quoique tout aussi artificiel-vivant de l'extraction du petrole-, en province d'Amdo/Qinghai.Je du y passer deux nuits avant qu'un bus parte pour Golmud vers le sud.

Paysages de haut-plateau orange,brule par le vent,perpetuellement renouvele par l'erosion.Je ne m'en lassais pas,mais la nuit tombee il n'y eu plus que les etoiles a admirer.Difficile tache que de dormir.L'interieur de ce genre de bus est divise en trois ranges de couchettes sur deux etages,tellement etriquees que l'on a tous la tete dans les pied de son voisin,et concu specialement pour que l'on ne perde pas une once des secousses.Mais cela passe encore.S'il y a deux choses en revanche qui me font deconseiller absolument les bus chinois,ce sont la fumee et la television.

Les Chinois,comme les Turcs sont un peuple fumeur.La difference c'est que les cigarettes chinoises sont d'une toxicite inegalee.A Kashghar, ils raffolent des "pilot" kirghizes,c'est dire si les leurs sont degueulasses!Ils n'ont aucun scrupules a fumer dans un bus ferme et a cote d'enfant ou de jeunes meres.En Chine la notion de non-fumeur n'existe simplement pas.

Quant a la television,qu'elle diffuse de la techno chinoise(carrement arythmique!) ou des sketch dont je ne saisis goutte sauf que cela crie du debut a la fin, elle ne s'eteint jamais.

Le train du toit du monde

De Golmud je n'ai pas vu grand-chose(je n'ai rien rate parait-il):Apres treize heures de route,le bus s'arreta pile devant la gare.Dix minutes plus tard, a 4h10 du matin, j'etais dans le train le plus haut du monde, en route pour Lhassa.

Un vrai train suisse!Distributeur personnel d'oxygene pour les petites natures(On grimpe jusqu'a 5072 metres d'altitude!!!), trilingue chinois-tibetain-anglais, bande-annonces comme a la bourse qui donne l'altitude,la froidure et la vitesse(une moyenne de 95km/h.), triple lavabo a chaque extremite de wagon...

Seulement voila,les passagers,eux,ne sont pas Suisses.A l'arrive, le sol est jonche d'une epaisseur de detrituts,tous les lavabos du train sont bouches et la porte des toilettes,meme fermee,suinte.

Les quatorze heures de trajet se font principalement de jours et c'est tant mieux.Les enormes troupeaux de yaks deviennent communs tant ils y en a,mais on comptent encore les antilopes sauvages ou les aigles du Tibet.Le plateau est deja a 5000m mais cela ne decourage pas les chaines de montagnes qui montent encore d'un ou deux kilometres vers le ciel.Les lacs,meme de la taille de celui de Neuchatel,gelent integralement...mais il fait grand beau!

La mort par etouffement

Aussi plaisant qu'il soit, ce train n'est pas pour rien dans le pillage et la defiguration acceleree du Tibet.J'ai pleure de joie en voyant le Potala, mais si j'avais encore des larmes elles seraient plutot de tristesse pour la destruction du Tibet et des Tibetains.

Apres avoir deux decennies(1959 a 1976) durant, massivement tue et detruit, l'empire du milieu prefere maintenant d'autres methodes pour anihiler definitivement les Tibetains.La mort du Tibet sera par etouffement et momification.

La colonisation des territoires "chinois" de l'Ouest(Turkestan oriental et Tibet) n'a vraiment commence qu'il y a quinze ou vingt ans, et s'est furieusement acceleree depuis 2002.A grands coups promotionnels de privileges, d'exemption de taxes, de logement et de travail deja prets, de salaires doubles par rapport a l'Est, le gouvernement est en train de noyer les populations locales sous un flot de Han.

A l'ouest de Lhassa,autrefois forets de peupliers nains entres les meandres du Kyichu, une banlieue grise de centaines de logements identiques en rang de bataillon a pousse en quelques mois.Le meme train qui a amene les materiaux transporte desormais les colons qui y demenage.


La majorite des Chinois n'aiment pas la terre tibetaine qui leur est inhospitaliere, et ceux qui viennent s'installer ici ne le font pas bonte de coeur, mais parce qu'il ont de la peine a joindre les deux bouts dans leur Est natal.

Si le Tibet redevenait independant aujourd'hui,il se viderait de sa population chinoise encore plus vite qu'elle est arrivee.Pensez a un pays comme le Kazakhstan a la fin des annees '80:En plein URSS dont personne n'envisageait l'implosion et peuple a 70% de non-Kazakh.En 1991(contre son gre,tant plus aucun Kazakh ne revait d'independance!),il devint independant et en l'espace de quelques annees, des centaines de milliers de Russes le quitterent,inversant la proportion ethnique.
(Pour etre precis le Tibet souffrerait plutot la comparaison avec l'Ouzbekistan qui est reste tres enracine dans sa culture et sa religion.)

Le revers de la medaille:Une grande partie de Tibetains partiraient pour Pekin,Shanghai et Canton (ou retourneraient en Inde)pour nourrir leur famille.Le Tibet n'aurait guere d'autre ressource que le tourisme(et les mines),une mono-economie a l'image du coton en Ouzbekistan.

Mais qui sait,le Tibet est un pays different et l'apres-independance pourrait se passer mieux?

En tous les cas, il faudrait que cette independance arrive vite,car le visage du Tibet change a une allure foudroyante.

Autrefois le potala n'etait qu'une extension a l'ouest du Lhassa pre-invasion.La ville l'entoure entierement,pousse jusqu'au pied des monasteres de Drepung et Sera(deux des quatres plus importants du Tibet) et n'arrete pas de s'etendre a l'ouest, encourage par un slogan geant en singlish, estampille de la tete de termite de Deng Xiaoping:"The developing zone is very promising!"

A l'extremite de Lhassa, sur la route de Shigatse,un village de plus est absorbe dans la "developing zone".Les maisons qui n'ont pas encore ete remplacees par des concessionaires automobiles ont ete souillees d'un charactere rouge qui signifie bien evidemment "a detruire".Les habitants seront reloges dans des fausses maisons tibetaines.De loin ca y ressemble, mais il y a quelque chose qui cloche... Est-ce leur alignement,leur architecture exctement identique?Ou le fait que les briques sont laissees apparentes,les murs non recouverts de torchis puis peints en blancs, et les fenetres encadrees de catelles?Les reloges se plaignent du froid.

Plus je passe de temps a l'Ouest de la Chine,et en particulier au Tibet, plus je suis convaincu qu'il y a une maniere chinoise de faire les choses et qu'elle est fondamentalement differente, souvent opposee, a la maniere tibetaine.

Soleil de Lhassa

Il reste a Lhassa des lieux bouillonants de vie, fuieusement tibetaine et qui le resteront quelques annees encore.Promenez-vous autour du Jokhang,le temple central du vieux Lhassa.Les pelerins se prosternent a longueur de journee devant l'entree tandis qu'une masse compacte tourne dans le sens des aiguilles d'une montre du matin au soir.

Tout autour, le bazar de Lhassa est un spectacle permanent... Une foule heteroclite,venant du Kham ou du Ngari,de l'U-tsang et du Khombo,ou meme de l'Avuho et du Moyu,de tous les coins du Grand Tibet, y negocie viande de yak et racines troma,ambre et turquoise,drapeaux de prieres et habit monastique,tsampa,DVDs de musique tibetaine, et bien plus encore.

C'est la que je vais lorsque les Chinois me minent trop le moral, et c'est de la que renaitra le Tibet si on lui laisse la chance.

PO RANGZEN!!!

Adrien

23 janvier 2007

Entre Tibet et Taklamakan















Bonjour!

Si vous arrivez a lire ce post,remerciez les Dieux!
Je suis en Chine depuis une semaine environ,et etonnament internet y est tres aleatoire.Depuis un mois environ,les sites etrangers prennent un temps incroyable a s'ouvrir,et generalement ne s'ouvrent tout simplement pas.La faute,dit-on,a un tremblement de terre qui a secoue Taiwan et le Sud de la Chine fin decembre.Je doute un peu de cette version(officielle), mais je garde mon avis pour moi car je sens que sinon ce post ne va pas passer la censure.

Depuis mon envoi, j'ai fait un bon millier et demi de kilometres.Je suis maintenant au coin Sud-Ouest du Xinjiang(Turkestan oriental), et sur le point d'entrer dans "l'autre Tibet", loin au Nord de Lhassa,la province du Qinghai(en tibetain:Amdo), aussi grande que le Tibet du decoupage administratif chinois, mais meconnue.

De Bichkek a Kashghar, il n'y a pas trois cols, mais huit!Le temps est exceptionnelement clement cette annee ici aussi(mais pas autant que chez vous:il neige presque toutes les semaines a Bichkek depuis debut novembre...on appelle ca clement la-bas) et en trois jours a peine je les ai tous passe, la plupart en Kamaz, ces puissants camions sovietiques.

Ce fut sans doute une des routes les plus magnifiques du voyage(Je ferai peut-etre un post ulterieurement avec un classement des plus belles routes, des meilleurs bazars etc.),au paysage mineral epoustouflant.

A Kashghar,je refis connaissance avec la Chine(que j'ai vu partiellement une premiere fois en 2002).Les Chinois n'ont pas changes:Sales,bruyants,nombreux.A la frontiere,tandis qu'on s'assurait que je n'etais pas porteur du SRAS, je vis un soldat se moucher dans la main et etaler sa morve sur le mur.
Mais l'adaptation se fait en douceur: Le Xinjiang, plus grande province de Chine -39 fois la Suisse!-, est peuplee originellement d'Ouighours, dont la langue s'avere assez proche de l'ouzbek pour que je puisse communiquer sans probleme.Avec les Chinois c'est une autre paire de manche:il comprennent a peine le langage gestuel.

Les Ouighours ont comme les Ouzbeks,des facies plus indo-europeens que mongoloides,un gout prononce pour la bonne chere, un talent certain pour la musique et la danse, et un ancrage inebranlable dans l'Islam et les traditions sans toutefois etre extremiste.

Comme les Turcs et les Ouzbeks, ils parlent une langue turcomane(altaique) mais reposent sur un fond indo-europeen millenaire(qui leur donne cette urbanite, ce raffinement de sedentaire qui a du temps a passer a composer des poemes entre deux recoltes, et ce melange dans le sang rendant certaines filles si belles), et ont subi une forte influence arabisante et musulmane.

Trois peuples qui se ressemblent,et ce n'est pas pour rien: L'Anatolie, la Transoxiane et le bassin du Tarim sont autant de zones de civilisations immemoriales, dont les couches de peuplement turco-mongoles ne sont que les dernieres d'une longue serie.

Avant l'Islam, la ou se trouve les actuels Ouzbekistan et Xinjiang, le zoroastriannisme puis le bouddhisme fleurirent, et on y parlait sogdien, la lingua franca de la route de la soie.

DE Kashghar, j'ai poursuivi en longeant le Taklamakan (deuxieme plus grand desert du monde)par la route de la soie du Sud, passant par Yarkand et l'immense bazar de Khotan, jusqu'ici, Charklik, a l'autre bout du Xinjiang.
Demain je dirai adieu a la sveltesse des dune du "desert mouvant" ou l'on apercoit parfois des caravanes, des vraies, faites de dizaines de chameaux de Bactriane,vrais monstres prehistoriques a l'air debonnaire.A moi le haut plateau tibetain!En janvier!

Que votre ombre grandisse, et les arbres aussi.
A bientot lorsqu'internet le voudra bien.
Adrien

12 janvier 2007

Necrologie

Jean-Pierre Vernant est mort hier a l'age de 93 ans.
A present nous faisons face au vertige du vide de sa disparition et de celle en juillet dernier de Pierre Vidal-Naquet.

Nous sommes a jamais redevable a Vernant de son courage de resistant,pour nous avoir appris a voir la Grece antique avec les yeux des Grecs anciens.

Parce que nous sommes nes dans la culture de l'Europe, nous devons apprendre la Grece.Les arbres ne poussent pas sans leurs racines.

"D'une certaine facon, le temps par la memoire est aboli, alors meme qu'il est retrace au fil de la narration.Aboli et represente[...]"(L'Univers, les dieux, les hommes)

8 janvier 2007

2006-anecdotes

Bonne annee!
Meilleure voeux pour 2007!Amour,sante,serenite!

2006:1er janvier a Zahedan(Iran),31 decembre a Bichkek... une annee entiere passee sur la route.

Le Japon approche: Cette semaine commencera la descente vers le bassin du Tarim,c'est-a-dire la Chine,et puis les etapes s'enchaineront jusqu'a l'archipel.

Aujourd'hui je suis a Bichkek,j'ecris un post qui a un peu tarde,et m'efforce de ne pas prendre trop le ton de dicter un testament de ce que laisse ici...carnet,copine,et l'Asie Centrale ex-sovietique.

Bichkek aura ete,etonnament(il aurait ete plus logique que ce soit Osh,le carrefour de l'Asie centrale),plus qu'une etape,presque un refuge.

Mais c'est aussi malheureusement la premiere fois du voyage qu'on me vole quelque chose: Mon dixieme carnet Moleskine.Depuis le 28 juillet(2005), j'ai ecrit tous les jours(a de rares exceptions) dans ces petits carnets au grain fin et a la couverture noire rigide.Nulla dies sine linea disait Pline!


Itineraires,anecdotes,cartes et plans,reflexions,dessins ou croquis,poemes,notes linguistiques,botaniques,ethnologiques... C'est un condense du voyage et les documents les plus importants apres mon passeport.


Dans le marshrutka(minivans qui servent de transport public) archi-bonde(tout-le-monde etait debout),un voleur a la tire a pris le carnet pour un portefeuille, et me l'a subtilise.Le comble, c'est que je l'ai senti et que j'ai vu qui c'etait.Je lui ai somme de me le rendre, tate ses poches,ses mains,par terre, mais c'etait deja "sans espoir"comme on me le repete constamment.L'un de ses complices me poussa,tenta de me provoquer,les autres passagers s'en foutaient et ralaient, et le chauffeur etait peut-etre de meche.Il fallait que je descende a cet arret... j'ai du sauter du minibus en marche.


Le lendemain j'ai cherche mon carnet dans la ville, mais c'est plus difficile que de trouver une aiguille dans une botte de foin(pour cela il faut y mettre le feu,etaler les cendres et passer un aimant au-dessus.)
A l'heure qu'il est le carnet est surement deja decompose par la neige et la pollution...Peut-etre le retrouvera-t-on dans des annees, fossile congele comme Louis de Funes?

Si je n'oublie pas mon itineraire ou les principales aventures, j'ai perdu en revanche toutes ces anecdotes qui s'effacent de ma memoire l'une apres l'autre, que j'aime relire apres coup et qui donne a chaque jour de voyage sa propre couleur, sa tournure.

Le mois ouzbek.

Avec ce carnet a disparu tous les ecrits de mon sejour en Ouzbekistan.Mais je n'oublierai pas ce pays marquant et incourtounable de l'Asie Centrale.Un mois d'Ouzbekistan,c'est bien assez pour moi.Avec plus j'aurais fini par etre degoute par le mercantilisme ambiant(le symptome le plus criant d'une societe qui s'est "ouverte" au tourisme),et l'esprit policier paranoiaque des institutions.
Pour ce dernier point cependant, j'ai eu plus de peur que de mal.La loi ouzbeke stipule que tout voyageur doit s'inscrire a l'OVIR(antenne du KGB)a chaque deplacement-ce qui est absolument deconseille,couteux voire dangereux.L'alternative est de dormir dans des hotels agree par l'etat et qui delivre aux etrangers des "registratsiya",systeme qui permet a Karimov de pomper un gros pourcentage des recettes dues au tourisme.

Me sentant peu concerne par ces tracas administratifs,j'ai souvent accepte l'invitation de familles ouzbekes(qui apres les Pamiris, sont les plus hospitalieres d'Asie Centrale).Resultat:j'avais tres peu de registratsiya,et je commencais a apprehender le passage de la frontiere,a entendre a quel point les autres etrangers que j'ai rencontres etaient terrorises a l'idee de ne pas en avoir recolte partout...

La verite, c'est qu'il suffit de sourire, d'etre aimable et obligeant.Avec mon sac de 6 kilos(pas grand-chose a fouiller) et mon air plutot honnete,on m'a meme laisse passer avec un certain respect.La nature profonde ouzbeke avait pris le pas sur les froides manieres sovietiques des douaniers lorsque je leur ai dit au-revoir.Ils n'avaient meme pas demande a voir mes registratsiya!(et heureusement!)

Depuis la Ferghana kirghize, retour a Bichkek en repassant les Tian Shan,une route en colimacon traversant deux cols de plus de 3000m.,qui prend au minimum 12 heures.J'ai eu de la chance:rapidement negocie avec un chauffeur qui m'a fait un bon prix tant il etait presse,et mieux encore:sa voiture etait une nouvelle Volga.La plus confortable des voitures sovietiques/russes,une des plus puissantes aussi, qui file droit sur la glace la ou les Audi,Mercedes et Daewoo patinent ou vont s'ecraser fond sur fond dans un ravin.

Comme pour toutes le routes de haute montagne d'Asie Centrale, pas de bus ou de minivan, mais seulement des voitures privees qui partent des qu'elles sont pleines(meme systeme en Afghanistan)...et dont les prix sont extremement fluctuant.

Dans ces cas-la, je prie pour qu'il y ait des Volga.
La pire des routes d'Asie Centrale,a mon avis, est celle qui relie le Nord du Tadjikistan a Doushambe:15 a 20 heures de route defoncee dans les luubres montagnes Fan(Obispo a fait une chanson sur ce theme,je crois;).La conjecture est telle qu'il est impossible de ne pas passer de nuit sur au moins l'un des deux cols.Faute de bornes kilometriques, on estime la distance parcourue au nombre de pierres tombales qui jalonnent la route.Je me souviendrai longtemps de cette nuit d'octobre on l'on mit cinq heures a passer le col de l'Anzob,deja sous des metres de neiges.

J'avais eu la sensation amere de revivre la deroute du Lorestan,en janvier dans les Zagros(Iran), mais cette fois-ci il y avait de la compagnie:Kamaz rugissants de leur voix au diesel,a un pouce de faire le grand saut-car la falaise est sans fin et la piste trop etroite-, geants moustachus en chapan,braillants dans des dialectes tadjiks, et ces equipees incongrues que nous tous formions spontanement,prenant en main une voiture au hasard et la poussant sur la glace en pente jusqu'a epuisement.

Passer un col est toujours une aventure imprevisible.Aucun probleme dans la Volga jusqu'a Bichkek, mais je reste surpris par la maniere impromptue qu'on les chauffeurs dans cette region du monde, de s'arreter brusquement au bord de la chaussee pour piquer un roupillon sur leur volant, et celle des passagers locaux de faire immediatement de meme!

Des cols, il m'en reste quattre jusqu'a Kashghar.Fasse le ciel que l'hiver soit clement!

Que votre ombre grandisse,et les jours aussi!
Bonne annee encore.
Adrien

20 décembre 2006

Les trois Khanats

Boukhara,Kokand,Khiva… les trois Khanats.Ils se partagaient la majeure partie de la’Asie centrale avant l’arrive russe.

Je suis en plein Coeur du troisieme,après un grand detour vers l’ex-mer d’Aral.

Khanat de Kokand.J’etais a Kokand,dans la Ferghana, au debut de mon sejour ouzbek.ce Khanat s’etendait jadis de la Kashgarie au sud du Kazakhstan actuel,en passant juste au-dessus de Tashkent.D'anciens monuments, il ne reste guere plus que l’ancien palais du Khan, dont la moitie est effondre…rien a cote des cites des deux autres Khanats.Pour moi Kokand c’etait surtout un palau/plov(riz cuit dans la graisse de mouton avec des carottes rapees, des raisins secs et des morceaux de viande; celui du ferghana est repute etre le meilleur de l'Asie Centrale) delicieux et une hospitalite toute ouzbeke.


Khanat de Boukhara.Des siecles avant les Khan Shaybanides, Boukhara illuminait deja cette partie du monde,et cala meme avant que l’Islam n’y penetre.La ville devait etre alors bouddhiste,zoroastrienne…nestorienne peut-etre.

A partir de la deliquescence de l’empire de Tamerlan et du partage de la region en trois etats shaybanides, Boukhara en devient le principal et englobe Samarcande,Shahr-e-sabz(ancienne Kesh, ville natale de Timur/Tamerlan),Termez et meme Balkh/Mazar-e-sharif ou le Badakhshan, a son apogee.

Arrive a Samarcande, après l’instant d’emotion vint la douche froide du prix d’entrée des monuments.On fait connaissance avec l’Ouzbekistan touristique(Question classique et execrable:”mais ou est ton groupe?”).Le Registan en vaut pourtant la chandelle.
Drole de sher dor, grand iwan decore d’une paire de lions doubles de tetes humaines rayonnantes, dans ce qui fut la ville principale de l’Islam,une religion qui interdit strictement la reproduction artisique d’etre vivants!!Le clou de l’ensemble est l’interieur en or de la mosque tilla-kari,le fameux dome d’or de Samarcande.Ebahissant!Pas pour les kilos du metal precieux qu’il a fallu utiliser, mais pour le cisele et le relief des motifs…

Aux proportions de cathedrale,c’est l’iwan(porte-arche) de l’ensemble dedie a Bibi-khanom(une trentaine de metres).Entierement recouvert de ceramiques a emaux bleus,forcement!Tout autour, ruelles-labyrinthe de la vielle ville, truffee de cours en murier sculpte et de petite mosques en bois croulantes de ne plus etre beaucoup utilisees.

Ce qui attire l’imagination encore plus que l’oeil, c’est le shah-i-zindah, groupe de mausolees originaux (et tant mieux parce que dans l’islam l’art est un peu trop souvent de l’imitation) en brique beige decoree ou non de ceramiques bleues,sur le flanc d’une colline recouverte de tombes, le cimetiere de la vielle ville de Samarcande.C’est le l’endroit de la ville qui a peut-etre le plus de caractere, et celui que j’ai choisi pour mon carnet a dessins.
La tombe de Tamerlan(Timur-e-lang, Timur le boiteux),artisan d’un gigantesque empire au 15e siecle,n’est pas la,mais dans le non moins superbe Gur-i-amir, avec quelques-uns de ses proches.Il avait pourtant demande a etre enterre comme un homme ordinaire et dans sa ville natale, Shahr-e-sabz…

L’emplacement prevu l’attend toujours,d’ailleurs.Il n’y sera surement jamais deplace mais le gouvernement,disons le president(puisqu’ici c’est la meme chose), a fait couler la-bas une statue celebrant le conquerant, en mal d’un heros national après le divorce d’avec Lenine.Elle trone en face de l’Arche geante du palais de Timur dont il ne reste que les deux piliers,ce qui reste tres impressionant!

A des heures de routes dans le desert de la, en passant par Karshi ou reside une petite communaute arabe laisse la un peu seule après la “conquete” de la ville au 8e siecle par les Sarrasins(conquete toute relative puisque l’islam n’y a ete definitivement implante que bien plus tard,avec les Kok turk et autres altaiques),m'atendait Boukhara.

Foncierement aryenne/indo-europeene, la region etait une sattrapie perse au temps des Achemenides, et deux millenaires et demi apres, on y parle encore un patois persan.

Mais le dialecte persan de Boukhara est a mille lieux du farsi de Rayy(Teheran)!Il faut vraiment etre passé par l’Afghanistan(et son dari), puis la Sogdiane(et son tajik) et finalement Samarcande, pour y comprendre quelque chose.Cela reste pourtant du tajik, et lorsque je met mon tchapan(grand manteau traditionnel remboure de coton), je paie le prix pour Ouzbekistanais a la caisse, en tchatchant un peu.

Il faut dire que c’est l’endroit le plus touristique d’Asie centrale, et il semblerait qu'en saison il y ait une quantite de touristes francais…On croirait etre en Tunisie quand les marchands de souvenirs helent n'importe quel visiteur aux traits europeens en francais avec un accent qui n’a certainement pas ete appris a l’universite contrairement a ce que certains malins pretendent!Il y a un mot que tout les habitants de la vieille ville connaisent, c'est "mille"...mille som ouzbek(~1dollar).

Ce desagrement passé, Boukhara s’impose comme la plus vivante des villes anciennes d’Ouzbekistan, avec une vieille ville etendue et vierge de tout batiment moderne, habitee par les meme familles depuis le temps du khanat ou meme avant, et semee de medresse et de minarets.Il y a notamment l’ark(citadelle), un peu trop restauree, et le minar-e-kalan,qui comme son nom(tajik) l’indique, est grand - 45m.,c’est moins que celui de Jam en Afghanistan,et moins ancien, mais ca en jette, massif mais avec en plus cet air inimitable de presse-agrume monte sur un cou de giraffe),deux symboles de la ville.

En hiver, soulagee des hordes touristiques europeennes, la ville est paisible et encline aux rencontres.
J’ai colle un jeune prof de la madrassa mir-e-arab(la seule de l’URSS qui resta en fonction), quant a l’interpretation des hadith par les differentes ecoles de l’Islam.Avec le recul, je me dis que c’est assez fort pour le kafir(non-musulman) que je suis.

J’ai aussi discute en tajik avec une fillette qui mendiait devant la Jome Masjid(Mosquee du vendredi,juste en face de la mir-i-arab), ravie de papoter un peu.J’ai remarque que ca faisait tres longtemps que je n’avais pas parle avec un enfant, et les enfants ont des questions o combien plus essentielles que les inevitables”Peux-tu me donner un visa pour la Suisse””Combien on gagne la-bas?””Est-ce je peux aller travailler la-bas?!”des adultes. Il est vrai qu’alors que mon pays inspire au Pakistanais ou un Indiens “des montagnes immenses couvertes de forets”(a cause des films de Bollywood), il rappelle surtout les banques aux Ouzbeks(a cause de leur president bien sur).L’un d’eux m’a meme pretendu qu’en Suisse il etait inutile de travailler!Quand je vois mes parents, je me demande…

Parle aussi avec certains des derniers juifs de Boukhara, une tres ancienne communautee juive en pleine Asie Centrale, qui comptaient pour 10'000 habitants en 1989, et a force d'emigration massive vers Israel et les Etats-unis, a chute a environ 400 aujourd'hui.Cela pourtant n'inquiete pas du tout les maitresse de la petite ecole juive, qui si elles le pouvaient partiraient aussi.Si Khoda/Ellohim exaucait un voeu pour chaque ouzbekistanais, le pays se retrouverait vide de sa population, tant tous revent d'un avenir ideal en Europe ou au Etats-unis, gaves de telefilms americains(doubles en russe) et berces d'illusions.Chacun ses reves...
Etonnant cependant d'apprendre que les jeunes de la communaute juive sont souvent restes a Boukhara, alors que les parents et meme les aines sont partis.

Je suis reste quatre jours a Boukhara, parfois assez degoute par l’esprit venal d'une partie de la ville mais encore plus ravi d’admirer ses merveilles. Un seul regret pourtant, celui de ne pas avoir participe a aucun zikr, et que la tombe de Bahauddin Naqshband(fondateur du courant souffi naqshbandi), comme celle de Khwaja Al-Bukhari(compilateur de la sharia, son mausolee est pres de Samarcande),ait ete retapee un peu trop a neuf par le gouvernement qui lui a soustrait beaucoup de sa spiritualite et livre aux touristes(cette fois-ci surtout Ouzbeks).

Mais comme disais Aleph Sorhat, un ex-moudjahid du Panjshir,compagnon d'arme de Massoud, que j'avais rencontre a Kunduz, un zikr c'est aussi admirer un arbre, regarder une fille comme on regarde une fleur,se baigner dans des fleuves paresseux ou jouir du bonheur de sentir son sang gicler puissament dans ses veines... en pensant a ce qui les a cree!

Khanat de Khiva.La derniere capitale du Khwarezm independant.Entre deux desert et les steppes Kazakh,un autre Ouzbekistan.Je ne comprend rien a leur dialecte ouzbek,sauf ce drole de “awa” pour dire oui(qu’on retrouve en langue Karakalpak,et qui est a rapprocher du “evet” turc anatolien).

Khiva est une ville a voir le soir ou a l’aube.C’est la ville ancienne d’Asie centrale que les sovietique avaient choisi de restaurer, et ca n’est pas pour rien si elle a si souvent servi de decor pour films.Je suis arrive la nuit, et a marcher a la recherche d’un toit, j’avais l’impression d’avoir remonte dans le temps.

Les autorites ont organise une magnifique arnaque avec les billets d’entrée,avec un billets surtaxe a la porte de la vieille ville qui est cense etre valable pour tous les batiments a l’interieur mais qui ne l’est pas du tout, des “extra fees” en-veux-tu-en-voila, des musees en quatre ou cinq parties differentes,et bien d’autres combines encore.

Mais je ne me suis pas fait avoir.Je dors a l’interieur des murs de la vielle ville, ou vivent quelques familles, je rentre et sort par les portes secondaires, et surtout, je prend mon temps.Rien ne sert de tout voir, ce qui est important c’est de profiter de cette atmosphere.Khiva, c’est le Khwarezm, c’est un bon plov dehors dans la lumiere sucree de l’hiver, a manger avec la main bien sur, c’est rendre le sourire d’une jolie fille qui passe dans le bazar, c’est gouter la chaleur de ces murs en pise, les crenaux ronds des murailles et rentrer repu de moments magiques.

A noter que les Ouzbekes du Khwarezm sont a mon avis les filles les plus belles de l’Asie Centrale.Comme ailleurs en Ouzbekistan(et au Turkmenistan), c'est le resultat d’un mélange entre Aryens(Indo-europeens) et Altaiques(Turco-mongols),et je dois dire qu’ici le mélange est particulierement reussi.Une harmonie dans les traits,une profondeur dans le regard et des corps a l’image du jardin de cocagne qu’etait le Khwarezm.Et surtout un nombre impressionant d’yeux verts comme le jade.

C'est peut-etre parce que le detroit de l'Amu-darya est fragile(et meme malade), que les Khwarezmiens profitent si bien de chaque petit bonheur de la vie...

Joyeux Noel(que je ne vais surement pas feter, cette annee encore)!
Que votre ombre grandisse
Adrien

Bienvenue dans la steppe fantome

Extrait de mon carnet,a Moynaq date du 16.12.2006:

"Il existe un pays ou l'eau est jaune fluo,la terre rouge ou verte.la duree de gestation des bebes humains est de huit mois environ et il y a un port au milieu du desert.

Ce pays existe vraiment, c'est le Karakalpakistan.


S'il existe effectivement, il se pourrait cependant qu'il disparaisse bientot.

Le plus tragique exemple de societe post-industrielle, c'est un territoire qui semble avoir pris forme sous les crayons d'Enki Bilal.Le meme flou chancelant, les memes images que rien n'explique plus,les memes regards battus.

A Kungrad, chameaux et dromadaires deambulent en plein blizzard a cote de la voie ferre,saignee de fer dans la ville.En cette saison le soleil n'est qu'un souvenir, et la neige en croutes glacees ou en poudre volatile, d'une facture douteuse, prend bientot la couleur etouffante du brouillard.C'est un degrade(aucun mot ne convient mieux a la region que celui-ci) de tous les gris possibles.

Forte presence de boue et vomissures de sable du desert qui sourd partout.De fait le Karakalpakistan est deja un grand desert, acheve dans la moitie Nord, en devenir plus au Sud.Malgre l'humidite hivernale, malgre l'air moisi, ce pays presente les sequelles d'une dessication-planifiee, bien que le but ait ete le contraire-, et se retrouve a l'etat de carcasse assoifee.La mort par assoifement est lente et peut-etre une des pires agonies.
Il y un temps -les annees 60 et 70- ou la politique brejnevienne du Gosplan et des "Terres vierges", souleva l'economie du Karakalpakistan, mais ce n'etait que pour mieux retomber.

A Nukus, la capitale de la republique autonome, vegete,se sachant condamnee comme tout le reste du pays.Elle se vide petit a petit.Sifflets macabres travers les vitres brisees des immeubles administratifs demesures.

Heureusement que j'ai autour de moi cette famille Talycho(une ethnie iranienne d'Azerbaidjan)-Karakalpak, qui revient d'un mariage a Tashkent et resonne encore des chants nomades de fete.Les Karakalpaks etaient un peuple proche des Kazakh, nomades eleveurs ou pecheurs, avant leur sedentaristaion forcee dans les annees 30.

C'est la deuxieme mort de leur culture:apres avoir perdu leurs traditions, ils perdent maintenant leur sante et leur vie.Il y a tout les maux au Karakalpakistan: maladies respiratoires, faiblesse imunologique, radioactivite elevee,alcoolisme, grand choix de cancers... La plupart des femmes enceintes accouchent prematurement.Quant a moi j'ai mal a la tete depuis que je suis arrive et j'ai constamment envie de dormir. "


Moynaq, c'est un voyage qu'on ne souhaite a personne.Peut-etre l'endroit le plus deprimant du monde.Ancien grand port de la mer d'Aral, il fait maintenant face de tous cotes a des centaines de kilometres de steppe dessechee.
Une ville fantome... on les entend gemir dans les buissons piquants.

Il n'y a plus de sens aucun ici.La seule direction possible est le replis...ou la stagnation.Le bout du monde, le vrai.

Avec Dusunbaev, le Kazakh qui m'a aide lorsque je suis arrive dans le froid mortifere de la nuit et chez qui je suis Qunaq(hote), nous marchons sur le sol peu ferme, le fond de la mer.Plus beaucoup de bateaux echoues, l'ex-usine mettalurgique les a presque tous demantele et fondu.Le gouvernement voudrait en plus effacer sa memoire... manifestation d'impuissance face au desastre.Que restera-t-il de ce pays dans dix ans?Un blanc sur la carte, un vide toxique plus grand que trois fois la Suisse.

A Moynaq, une bonne partie de la population a la tuberculose.Ca n'est pas tout:en 1997 deja, 70% des habitants presentait des symptomes "pre-cancereux".L'ile de Vozozhdreniye, au milieu de l'Aral, a ete une base de stockage de dechets nucleaires et de germes bacteriologiques de l'URSS.De presqu'ile, elle est maintenant completement rattachee a la terre, libre aux oiseaux et chacals survivants de ramener vers les villages maux en tout genres.La mer quant a elle, est devenue tellement salee que seules les crevettes microscopiques et autres crustaces incolores l'occupent encore.

Triste bout du monde.

4 décembre 2006

SAMARCANDE!



SAMARCANDE!


SAMARCANDE!


SAMARCANDE!





J'y suis!!!Je suis a Samarcaaaaaaaaaaaaande!!!WAouh!Hourah!Subhan'Allah!





Au 497eme(quatre cent nonante septieme) jour de voyage a 11h21, Adrien Leonard Golinelli a atteint la ville mythique entre toutes.



...



Les bulbes azurs cachent pudiquement leur face au septentrion sous un voile de neige.On entend parler un patois persan dans la rue, et lorsque le soleil enfin perce le couvercle des nuages, une melancolique lumiere d'hiver sublime d'une touche doree le bleu des coupoles.Et on se surprend a croire au destin.






...



De Tashkent le train a rapidement chemine sur la platitude des monocultures de cotons, a franchi la Syr-darya, fleuve large et paresseux qui ajoutait salutairement du mouvement a ce paysage morne et fige.Car dans cette plaine qui rappelle le triste pays de Smolensk, il n'y a guere que les murs en pise beige pour insufler une legere vibration au paysage.




Dans le train une Armenienne me parlait en russe de sa fille qui vivait en Allemagne, mais je n'ecoutais qu'a moitie, c'etait plutot ma destination qui resonnait dans ma tete("Samarcande!enfin...")








Apres quatre heure d'impatience contenue, le wagon a passe la Zeravshan, et a longe l'arche titanesque d'un pont mongol.On approchait...






Vint les premices de la ville, banlieue sovietique habituelle, ruines industrielles et ferrailles en pagaille, quartiers tires au cordeau et ombres dont le bout du chapan disparait dans la neige.








C'est la meilleure facon d'arriver a Samarcande:de l'exterieur vers l'interieur, du plus vulgaire au plus exceptionnel, du plus fonctionnel au plus spirituel.





J'ai saute dans un minibus barre "Registan".Virage apres virage, je guettais un signe.Les blocs d'immeubles se faisaient plus raisonnes, plus modestes...





Et soudain,vlan!A ma droite, je l'avais en plein.Je suis sorti du vehicule, titubant d'emotion.Traverse la route, me suis assis sur une marche devant la sublime place, et j'ai commence a chialer comme un gamin.Un gamin heureux en tout cas.










3 décembre 2006

...hiver a Tashkent








La plus grande ville d’Asie centrale ex-sovietique, capitale de l’actuel Ouzbekistan.



C’est une immense foret d’ immeubles demesures,d’une lourdeur inegalee.Ils bouchent l’horizon qui est deja reduit par le brouillard et les nuages.L’eau gele, les crachats gelent, la neige gele, la glace re-gele...Le froid fait mal a la tete.Pas etonnant que ce week-end peu de gens sortent.D’ailleurs les avenues sont presque vides,ni vehicules ni pietons…rien que le beton.En ce premier dimanche de decembre j’ai l’impression d avancer dans une enorme ville fantome.

Dans le metro de Tashkent, pas plus de monde que dehors.les stations n’en paraissent que plus grandiloquentes: architecture d’une autre echelle, avec coupoles neo-timourides de l’epoque sovietique, ceramiques celebrant la construction du socialisme par les masses laborieuses autant que les classiques de la litterature persanne.J’aime tout particulierement la station “kosmonovty”,ou des astronautes celebres vous saluent dans des demi-bulles sorties du mur,figes dans une attitude mysterieuse.

Ici plus que nulle part ailleurs en Ouzbekistan, on constate la “methode ouzbeke” pour gerer l’apres-URSS.La surprise, c’est que les Ouzbeks sont, des republiques de la region, les plus sovietiques dans le style tout en s’efforcant de gommer les symboles du communisme.Ils sont les champions du sovietisme!Le sovietisme en tant qu’habitudes politiques, en tant que facon de gouverner, de controler et de reprimer, en tant que plethore de slogans, en tant que rhetorique, en tant que falsification de chiffres en tout genres, en tant qu’arbitraire en tant qu’autosatisfaction douteuse, et jusqu’a la haine du regime precedent, alors qu’en l’occurrence c’est son geniteur.




Alors que dans la plupart des republiques ex-sovietiques, on a paresseusement remplace les couronnes de bles entourant le marteau et la faucille, par les nouveaux symboles, et neglige la moitie,les laissant se decomposer eux-meme(je me rapelle de cet immense profil de Lenine en fer forge au bord de l’Issyk-kul qui piquait dangereusement du nez comme s’il fondait), en Ouzbekistan le moindre symbole de l’ancien regime a ete efface.A la place, on a mis la couronne de cotton et de ble entourrant un volatile(j’ai l’impression que c’est une cicgogne), et a la place de Lenine, Tamerlan ou d’autres…

On dit que c’est le pays d’ex-URSS qui est le plus staliniste.Le mal-aime president Karimov est completement paranoiaque et une remarque sur lui peut avoir des consequences irremediables.Lorsqu’il se deplace, les gens sont assignes a residence et toutes les rues bouclees.

Il se veut le chantre d’un Ouzbekistan vierge d’influence russe, vierge d’influence occidentale, en bref il ne tolere que la sienne propre.Il est deteste par une bonne partie de la population, et par les pays alentours, bien qu’il considere son pays comme la figure de proue de la region.S’il est vrai que c’est la seule republique d’Asie centrale qui partage des frontieres avec les quatre autres(plus l’Afghanistan), et que c’est la plus peuplee de cinq (bien que les chiffres du gouvernement soient exagerement gonfles, il n’y a pas 23 millions d’habitants dans ce pays), l'Ouzbekistan n'a pas la carure de leader qu'il se veut,ni economiquement ni politiquement.Tandis qu'une partie inquietante de la population n'arrive pas a joindre les deux bouts, le pays s'enfonce chaque jour un peu plus dans la dictature.

Mais Tashkent est aussi, d’une maniere un peu plus rejouissante, un melting-pot de nationalites, des Coreens aux Bachkirs en passant par les Kazakhs et les Allemands de la Volga.




La moitie de la population au moins n’utilise que la langue russe, et c’est une bouffee d’air par rapport aux provinces ou meme le cyrillique a ete elimine pour etre remplace par un alphabet latin barbarise par des apostrophes incongrues(ex.O’zbekiston), des x ou des arrets glotaux(transcrits q).


Je sais que comme avec toutes les grandes villes, il ne faut pas les juger au premier regard, et qu’elles recellent des joyaux qui se revelent avec du temps et de la patience… seulement voila mon visa ouzbek ne dure qu’un mois, et j’ai mieux qui m’attend juste un peu plus a l’ouest!!!Devinez quoi...

A tres bientot
Que votre ombre grandisse
Adrien

Le Ferghana

Le Ferghana

C’est la vraie patrie Ouzbeke…

C’est par Andijan que je suis entre en Ouzbekistan.La precisement ou l’annee derniere l’armee a tire sur la foule.Le passage de la frontiere, si tendue que soit la region, s’est bien passé,et je dirais meme plus: sans backchich(parfois c’est inevitable, comme avec le douanier afghan qui me reclamait mordicus un “exit visa” pour me laisser passer l’Oxus).Il faut dire qu'ils en empochaient assez:pendant que son collegue feuilletait mon passeport, une dizaine d’Ouzbekes glisserent sous mes yeux un billet dans la poche du garde arme tout en passant la frontiere.


Dans le premier village après la frontiere, se tramait quelqu’incident que je n’ai pas compris:des hommes regroupes, une vieille femme en pleurs, des soldats qui bloquaient des chemins et empechaient des gens de sortir de leur maisons…

J’ai file a Marghilan, une tres ancienne ville du centre de la Ferghana.En route(qui sont d’ailleurs tres bonnes en Ouzbekistan, ca change des voisins du Sud et du Sud-Est), des paysans en chapan fauchent des champs de coton mur-pas un coin de terre qui ne soit cultive(la ferghana etait censee produire 1/3 du coton de l’URSS a l’epoque).temps sombrement nuageux, ce qui parait-il est constant, du aux industries qui enfume cette vallee de seulement 300km de long fermee par de hautes montagnes.

Densement peuplee, densement cultivee, et une tres longue histoire:c’est la Ferghana.Pour prendre la mesure de ce long passé, il reste malheureusement tres peu de monuments anciens, il vaut mieux examiner la langue et les coutumes.


Ou les visages des gens.A l’image de leur origines melangees, les Ouzbeks ont des traits qui explorent toute la gamme entre altaiques, indo-europeens et meme semites.


Pour obtenir la “nationalite” ouzbeke, prenez un fond indo-europeen immemorial, parthe et perse en particulier.Entre deux fleuves(ce n’est pas la Mesopotamie, c’est la Transoxiane),faites-leur batir des villes, des temples zoroastriens, cultiver des oasis, developer la poesie, faire partie d’un immense empire(Les Achemenides bien sur), pendant deux millenaires au moins.


Et puis faites soudain faites passer des vagues turco-mongoles venant de l’Altai et d’au-dela, piller et raser.Votre civilisation aryenne(entendez par la indo-europeenne ou “iranienne”) ne s’eteindra pas, elle a deja admirablement bien gere le passage de l’armee d’un Grand Macedonien, de meme que l’arrive du bouddhisme, les absorbant tous deux dans sa riche culture et son mode de vie elaboree.

Un demi-millenaire durant, faites ainsi passer des vagues d’Altaiques au yeux brides et au visage plat sur leurs chevaux.Vous allez perdre une partie de votre preparation, mais le sedentarisme, dans les oasis de la Transoxiane, va assimiler les nomades.Entretemps, faites arriver la religion de Mahomet,laisser-la s’implanter profondement afin qu’elle inspire les plus belles constructions de l’Orient, qu’elle se sublime dans le souffisme naqshbandi dont les zikr resonnent encore de Mazar-e-sharif a Khiva.

Laissez reposer quelques siecles.

C’est prêt: a noter que vous n’aurez pas que des Ouzbeks, les villes principales seront persophones et les superbes monuments denommes “tajiks”plutot qu’ouzbek, mais dans le cas present ce sont deux composantes indissociables d’un meme ensemble.Pour avoir des Ouzbeks purs(mais alors vous n’aurez plus les superbes monuments), il est conseille d’aller voir la ou la Syr-darya coule a travers un cirque de montagnes, un endroit qu’on appelle ‘Ferghana’.

Encore un mot sur la langue:elle parait rude mais elle n’est si dur, en fait c’est une langue assez flexible.Elle a une structure agglutinante(ce sont les origines ouralo-altaiques!)et si vous parlez turc vous vous y retrouverez, au moins pour la grammaire.Si vous parlez persan, vous comprendrez au moins la moitie des mots.Une partie de ces mots sont d’origines arabes, le reste purement iranien.Et si vous parlez russe, vous comprendrez le quart restant(j’estime les mots d’origine purement altaique a environ 25-30%).

je vous laisse mediter ces considerations... ;)

A+
Adrien

25 novembre 2006

Dans les monts celestes






Ciao!

Bichkek, apaisee après la fin des tensions de la place Ala-too, est depuis 3 jours encore plus calme.C’est que l’hiver est arrive a grand fracas, et s’acharne sans relache a couvrir la ville de se plumes d’oreillers, qui de pellicule ont forme une couche, et de couche s’elevent deja en murs.le froid ajoute son grain de sel pour vernir la route de ce que l’on appelle en russe galalyod, c’est-a-dire la glace issu de la neige compresse et refroidie.

Les voitures font des pirouettes comme si elle etaient devenu vivantes et le bus passe en trombe au carrefour, rugissant qu’il ne peut pas freiner.Les coquettes Kirghizes quant a elles ont ajoute a ce que je nomme le “costume national moderne”(Minijupe, veste moulante et bottines a talons qui montent aux genous), collants et echarpe.certaines me regardent avec un air interloque en voyant mon pakol(le chapeau de moujahid) et mon patoun(le chale/couverture afghan).

Avec un temps pareil je ne risque pas de retourner m’aventurer dans les montagnes(ou alors pour skier?La neige m’a l’air d’excellente qualite.), mais j’avoue que j’en ai deja bien profite.

Le Kirghizistan est traverse de part en part par la chaine des Tian Shan, comprenez “Monts celestes” en chinois.Culminant avec le Pic Pobeda(“victoire”), c’est un peu les Alpes de l’Asie centrale, avec son paysage accidente et ses vallees profondes remplies d’epiceas(en l’occurrence picea schrenkiana) a l’ombre des cretes coiffees de blanc.

Je savais bien que ne trouverai plus de yourtes, l’estive s’etant acheve comme d’habitude courant septembre.Mais j’avais la chance de beneficier d’un veritable ete indien en novembre, après un mois d’octobre parait-il froid et enneige.Depuis les rives du lac Issyk-kul j’ai rallie en quelques heures de marches les trois bicoques qui ensemble portent le nom d’Altin-arashan(sources d’or), car des sources chaudes y jaillissent.

Plutot que dorees les sources etaient verdatres, mais un polycopie placarde sur la porte du cabanon indique que c’est tout-a-fait normal,et en nous gratifiant d’une formule chimique qui me rappelait les calculs de moles au college, ajoute que c’est souverain contre les problemes nerveux et gynecologiques.J’avoue etre peu concerne;en tous les cas j’ai beaucoup apprecie de m’y plonger après chaque journee d’exploration des alentours,etant la seule chose qui meritait la-bas le qualificatif “chaud”(l’eau est a 55-60 degres) avec les deux litres de the tres,tres noir(et je dis ca après un an dans des pays ou l’on boit tous les jours du the trois fois plus fort qu’en Europe) que me preparait la baboushka de l’ancienne gastnitsa(guesthouse) sovietique-une des trois bicoques.

Autre vallee, celle de Turgen, empruntee regulierement par les ouvriers des mines d’aluminium, etain, bronze, des Tian Shan centrales, mais jamais par des touristes.Il y a 50 kilometres depuis le dernier village avant la foret jusqu’au col qui marque le bout de la vallee, alors il a fallu se lever tot pour ne pas dormir dehors(je rappelle que je n’ai pas de tente ni de sac de couchage, d’ailleurs je voyage la plupart du temps avec un sac de ~3kg.).Il vaut mieux car des loups il y en a vraiment la-bas(et des ours, mais ils hibernent).Quoique les braconniers que j’ai croise sont rentres presques bredouilles-Dieu merci!J’ai croise une hermine bondissante, mais rien de plus gros.

Dormi dans la cahute de la station meteo juste avant le col, seul lieu habite entre le debut et la fin de la vallee.Un endroit comme abandonne du reste du monde, avec 4 russes(3hommes,1 femmes, plus ou moins tous de la meme famille) qui prennaient des mesures et notaient des resultats chaque jour dans des registres elimes.

Pourtant, a en juger par les séances quotidiennes de morse(genial!!), on ne les avaient pas completement oublie.Mais meme moi qui pourtant suis blinde contre le sentiment de solitude, je n’ai pas supporte plus d’une nuit dans cet endroit insense, toujours a l’ombre, ce huis clos au fond du cul-de-sac que forme la vallee, la ou meme les arbres ont renonce a pousser.Alors le lendemain matin j’ai dit au revoir au portrait de Brejnev(si,si!!!) et merci a mes hotes, et je me suis retape les 50 kilometres, entre les coniferes comme des tours et accompagne par le glouglou du torrent.

C'est une vallee tres sauvage(il y a des loups sauvages, des hermines sauvages, et meme des meteorologues sauvages ;),aux epiceas sculpturesques(beaucoup plus de style que les notres,les picea abies, a mon avis).Ils ne se contentent pas de pousser comme un cone regulier et tres allonge(comme des topiaires geant, parfois j'ai vraiment l'impression qu'on les a taille), mais apres un siecle a un siecle et demi, le sommet devient tabulaire ou meme se contorsionent en des mouvements figes qui me font penser a la vague de Hokusai)

C'est les doigts engourdis que je vous dis a bientot,

que votre ombre grandisse.

Adrien

23 novembre 2006

Revolution:epilogue



La "revolution", car pour les locaux c'etait bien une revolution, s'est acheve plus d'une semaine deja.J'etais alors en plein Tian Shan.



La constitution tant reclamee fut adoptee par le parlement,lui conferrant une plus grande liberte de manoeuvre et soustrayant une grande part de pouvoir au president, Bakiev, qui conserve son poste.La veille certains manifestants et les forces speciales s'etaient violemment affronte sur la place Ala-too et devant le palais presidentiel.Ce jour-la, les premiers feterent leur "victoire" sur la place, avant de plier yourtes et tentes de camping.

C'est un soulagement les habitants qui presque tous craignaient que la situation ne degenere comme en mars 2005 (lorsque des batiements avaient ete sacages et incendies).De changements, je doute qu'ils y en ait vraiment... mais les gens ici disent ouvertement qu'ils preferent un statu quo plutot qu'une deterioration des conditions de vie.

Aussi,s'il on peut se rejouir de l'efficacite de ce qui semble etre une societe civile au Kirghizistan, la realite est plus grise:"Les parlementaires ne valent pas mieux que Bakiev" dit-on partout.
En somme, le Kirghizistan est peut-etre simplement passe d'un regime presidentiel absolu a une oligarchie.

Adrien Golinelli

7 novembre 2006

Revolution?(3)

Bonjour!
Si le week-end a ete calme a Bichkek, la journee d'hier l'etait beaucoup moins...

Je suis a Karakol,dans la region du lac Issyk-Kul, loin des remous de la capitale.Ce qui ne m'empeche pas de rester en contact avec mes connaissances de Bichkek, pour connaitre l'evolution de la situation.

Hier, environ 30'000 manifestants etaient rassemble sur la place Ala-too, frustres que le president Kurmanbek Bakiev qui avait promis la veille de soumettre un projet de modification de la constitution au parlement, ne se soit pas presente, bloquant le processus.

Particulierement remontes, les manifestants ont tente de prendre le palais presidentiel, provoquant des heurs avec les forces armees gouvernementales.Il y a une dizaine de corps d'armee speciale, mais trois seraient deja acquis a l'opposition.Connus pour leur opportunisme, ces "agencies" pourraient bien etre determinantes dans l'issue du bras-de-fer.

Ce qui est sur, c'est que la tension est montee d'un cran.Symptome:certains medias internationnaux en ont fait des breves(meme Euronews en a parle).J'ai cependant l'impression que l'on en parle beaucoup moins que l'annee passee, en-dehors de la sphere des pays d'ex-URSS.

D'ailleurs c'est aujourd'hui le 89e anniversaire de la revolution d'octobre, красный октяврь!!!!
La revolution qui a change le cours du XXe siecle,et qui a faconne ce qu'on appelle le "petit vingtieme siecle": 1914-1991.Car sans le camarade Vladimir Illitch(Lenine), le fascisme n'aurait surement pas ete vaincu en 45, pas de guerre froide, pas de conquete spatiale, de course a l'armement, et pas de Kirghizistan, un pays qui comme 15 autres doit tout, de ses institutions a ses routes, de ses frontieres a sa conscience nationale, a feu le projet sovietique.

C'est aujourd'hui aussi que les Tajiks votent et reelisent Emamali Rahmanov(dit "Ramon").Vraisemblablement il n'aura meme pas besoin de tricher, car il a de fortes chance d'etre plebiscite.Pas etonnant dans un pays qui a connu la guerre civile et s'en remet lentement, et ou (contrairement a l'Ouzbekistan ou au Turkmenistan), subsiste une relative liberte d'expression.Le gouvernement tajik est de toute facon trop faible pour cela.

On vote aussi au Etats-unis et au Nicaragua.

Ici a Karakol personne ne vote, personne ne manifeste, et le nombre de veterans et de nostalgiques qui se sont rassemble en souvenir de 1917 se comptent sur les doigts d'une mains!
Il fait un temps superbe, les Alpes kirghizes etincellent de neige derriere moi,au-dessus de la frange d'epiceas de Schrenck.













De l'autre cote, le lac Issyk-Kul qui est le deuxieme plus grand lac de montagne du monde apres le Titicaca, et que j'ai tout particulierement admire avant-hier au village de Barskoon ou se joue l'Atshavush, version kirghize du Buzkashi, jeux afghan et centrasiatique dont le but est de recuperer, a cheval, une carcasse de chevre et de l'emporter dans le camp adverse.
Et toujours ces flamboyantes couleurs d'automne.

A+

Que votre ombre grandisse

Adrien

4 novembre 2006

Revolution?(2)






Comme promis,quelques news en direct de Bichkek...

A l'heure qu'il est, quelques centaines de manifestants campent sur la place principale,Ala-too: Quatre yourtes et des tentes de camping en rang d'oignon ont ete installe, permettant a une partie des manifestants d'avant-hier de rester jusqu'a ce que le president Bakiev accepte de negocier avec les partis d'opposition qui reclament la modification de la constitution.

Ils voudraient que la Republique Kirghize devienne un regime parlementaire et abandonne le regime presidentiel qui prevaut depuis l'independance.C'etait une des principales revendications du mouvement de mars 2005, celui-la meme qui a amene au pouvoir Bakiev qui promettait d'engager immediatement cette reforme.Bakiev s'est apparement fait a concentration des pouvoirs a partir du moment ou ils ont ete entre SES mains... Pour beaucoup, il est en train de suivre la voie d'Akaiev, son predecesseur qui gouvernait depuis 1990.Celui-ci avait engage les reformes economiques les plus liberales des pays d'asie centrale ex-sovietique, lui valant approbation et felicitations des pays d'Europe, des USA et des organisations pro-liberales internationales(Banque Mondiale, FMI, Union Europeenne,etc...) ...revers de la medaille:Il s'etait tout approprie.Il controle encore probablement une bonne part de l'economie kirghize(mais cela, j'ai plus de peine a le verifier).

On comprend le mecontentement de certains, voyant que celui qu'ils ont contribue a mettre a la tete du gouvernement suive exactement l'exemple d'Akaiev... Seulement, si l'idee de donner le pouvoir au parlement est louable, ce n'est pas un gage de stabilite, au contraire.lorsqu'on voit ce que donne une constellation de petit partis se coalisant au gre de leur opportunisme dans des democratie d'Europe ou du Proche-Orient, on peut se demander si ce systeme va vraiment aider le Kirghizistan a ne plus changer de premier ministre comme de chemise...

D'aussi loin que je le vois, le souhait principal des habitants du Kirghizistan est cette stabilite dont ils ont jouit pendant longtemps avnt les annees 90.Ceux-ci soufflent un peu apres le 2 novembre, puisque le "meeting" n'a pas degenere, et que les quelques milliers de manifestants
sont reste passablement calme.Il faut dire qu'il y a un tres important dispositif policier masse dans la region du parlement et de la place Ala-too.Dans les parcs et zones boises tout autour, ils attendent, tout comme les manifestants, et ont l'air de s'embeter ferme...certains lisent, couche sur leur bouclier, le journal edite par la coalition d'opposition.

Rien n'est encore joue dans le bras de fer entre Bakiev et l'opposition pro-parlementaire...Et tout peut basculer tres vite.

A+
Adrien

1 novembre 2006

Revolution?

Bichkek a l' aube d'une nouvelle revolution??

Ce ce qui est sur, c'est qu'il y a de la tension dans l'air... les gens font des stocks de nourritures, les policiers arretent a tout bout-de-champs, les proprietaires de magasins vident leurs echoppes ou les barricadent... Moi ca me rappelle le G8,le jaune des palissades en moins.

Les groupes mafio-politiques de tout poil ont fait venir leur "troupes" a la capitale, et sous le sobriquet d'"opposition", vont se livrer demain a une monstre manifestation "a duree indeterminee".

Javier Solana doit baver de plaisir, et si cela prend de l'ampleur, pourra se gargariser avec ses acolytes des "25", de formules comme "avancee de la democratie en espace postsovietique", "montee en puissance de la societe civile", "nouvelle Asie centrale",et autre formules abjectes en regard de la realite...

Il y a un an et demi la "revolution des tulipes" avait detrone le presdent Akaiev et mis en place un autre aparatchik, Bakiev (est-ce-qu'il les choisissent par ordre alphabetique??).

La situation n'a pas change, c'est a dire que la vie n'est pas toujours facile au Kirghizistan, mais que l'on vit quand meme et qu'on est heureux parfois...souvent meme.

Mais des lobbies, mafias, politiques, aimeraient un peu plus de la part de Bakiev, semble-t-il, et ils ont fait venir des campagnes leurs pions, car en ex-URSS tout s'achete, meme la colere populaire, et les voila qui remplissent tous les hotels bons marche de la ville.

Quant a moi je loge chez une famille russe, qui comme tout le monde ici, craint pour ses biens:Lors de la derniere revolution "florale", les manifestations s'etaient transforme en pillage de la ville."On" avait donne quartier libre aux mecontents en leur laissant se servir, une nuit durant, dans les magasins ou les maisons.Le grand magasin "Beta", une chaine turque, avait ete incendie, comme d'autres, apres avoir ete vide.

Beaucoup des campagnards achetes pour devenir manifestant sont reste a la capitale,grossissant la masse du bazar ou l'on voit de tout, des pin-ups trop parfaites aux loques humaines qui dorment sur la plate-bande, confits dans l'alcool.

Bichkek est pourtant une ville moderne, dynamique, universitaire, mais derriere l'image "propre", il y a des zones d'ombres, beaucoup de laisses-pour-compte, et une deliquescence certaine de l'appareil etatique.Si presque tout-le-monde regrette l'epoque sovietique(sans trop l'avouer toutefois), personne ne s'illusionne: 15 ans apres, a vivre au jour le jour, plus grand-monde n'espere quelque chose des politiques."On aimerait juste de la stabilite" dit une habitante.

Qu'il y ait de nouveaux troubles ou pas, nos dirigeants feraient bien de venir voir eux-meme ce qu'ils appellent "revolution pacifique" et "societe civile".

je vous tiendrai au courant...
A+
Adrien